Courbes remplissantes et variétés bi-et tridimensionnelles

Tribune libre
Publié le 7 juin 2023

Tridimensional representation of a quadridimensional Calabi-Yau manifold described by means of 5x5 bidimensional Hilbert Curves -iteration 5- (Représentation tridimensionnelle d'une variété quadridimensionnelle de Calabi-Yau décrite à l'aide de 5x5 courbes de Hilbert bidimensionnelle -itération 5-)

Dans la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, Georg Cantor, qui fut l’un des fondateurs de la théorie des ensembles, s’interrogea en particulier sur l’infini. Grâce à la notion d’ensemble des parties (c’est-à-dire l’ensemble de tous les sous-ensembles d’un ensemble donné), il montra qu’il n’y avait pas un seul infini, mais une infinité. Le plus petit infini est celui des nombres entiers ℕ : celui du dénombrable. La notion de bijection entre deux ensembles est alors fondamentale : on dira que deux ensembles ont le même cardinal (« ont la même taille ») s’il existe une bijection entre eux. C’est ainsi que, presque paradoxalement, les ensembles des nombres pairs, des rationnels, des nombres algébriques,… sont en bijection avec ℕ et sont donc dénombrables. Mais par une démonstration par l’absurde d’une étonnante simplicité, il montra qu’il n’en était pas de même avec l’ensemble des nombres réels ℝ : ℝ n’est pas dénombrable. On notera que savoir s’il existe des ensembles de taille intermédiaire entre ℕ et ℝ est un indécidable (l’Hypothèse du continu) de la théorie ZFC des ensembles (Zermelo, Fraenkel et axiome du Choix). Mais Georg Cantor a aussi démontré que ℝ, ℝ²,… ℝⁿ,… avaient même cardinal.

Partant de ce résultat, David Hilbert, Giuseppe Peano et d’autres encore ont imaginé des courbes dites « remplissantes » (paramétrées dans ℝ) remplissant un carré (dans ℝ²), un cube (dans ℝ³),… Une façon simple de procéder consiste à partir d’une courbe dite « génératrice » que l’on réduira et transformera en répétant cela une infinité de fois. Il est possible, comme je le montre sur la page ici, de généraliser ce processus et de recouvrir ainsi des surfaces paramétriques quelconques (une sphère par exemple) ou de remplir des variétés tridimensionnelles elles-aussi paramétriques. On trouvera sur cette page plus d’informations sur les courbes remplissantes ainsi que de nombreux exemples de variétés bi- et tridimensionnelles ainsi représentées.

ÉCRIT PAR

Jean-François Colonna

Chercheur - CMAP (Centre de Mathématiques Appliquées), Ecole Polytechnique, CNRS

Partager