De la vinaigrette ?

Tribune libre
Écrit par Pierre Gallais
Publié le 31 décembre 2010

Un peu de maths au logis sinon de la mathologie !

En songeant au billet suivant que je pourrais proposer 3plusieurs sont prêts mais c’est l’ordre de parution qui me trouble., je pensais qu’il est bien difficile d’obtenir un composant math-art homogène. On imaginerait bien plutôt un produit bâtard. Je songeais aussitôt à la vinaigrette : une émulsion (huile et vinaigre). Les deux composants ne fusionnent pas. Si on agite on obtient une émulsion, mais si on laisse reposer, les composants reprennent leur situation d’équilibre : la séparation.

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Il se trouve que je suis friand de vinaigrette !

Il y a quelques années j’avais écouté avec beaucoup de plaisir une série d’émissions d’Hervé This autour de la gastronomie et les apports que peuvent fournir physique et chimie en ce domaine. J’avais été étonné lorsqu’il avait annoncé pouvoir obtenir, en partant d’un seul blanc d’œuf, un mètre cube de blanc en neige ! Une émulsion … eau et blanc d’œuf 4Ceci serait à vérifier. Je cite de mémoire et l’exactitude scientifique n’est pas importante en l’occurrence. En cette circonstance, c’est l’impact émotionnel qui compte.. Les émulsions trouvent actuellement un intérêt dans la recherche scientifique.

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Si je considère les deux éléments qui entrent dans ma vinaigrette je suis bien obligé de constater que l’un est rigoureux, rationnel alors que l’autre est fluctuant, versatile et beaucoup moins rationnel. Il ne serait pas étonnant qu’ils ne se mêlassent pas spontanément. La majeure partie des gens pensent même qu’ils se repoussent. Cependant la rigueur de l’un ne peut-elle pas soutenir la plasticité de l’autre ; à l’image d’une charpente qui soutient la toiture ? Et l’irrationalité de l’autre ne peut-elle pas pimenter l’un ? Il ne faut pas attendre un alliage homogène mais ne nous trompons pas d’objectif. La vinaigrette n’a pas pour finalité de durer mais donner du goût. A la prochaine salade vous en préparerez une autre … si besoin !

Certains préfèrent une vinaigrette acide alors que d’autres ne verseraient qu’un minimum de vinaigre. C’est affaire de goût et tempérament. Le plus important est tout de même la salade. C’est elle qui donne sens à la vinaigrette ! Quelle serait la salade qui donnerait sens à la vinaigrette art -math ?

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Nous pouvons y réfléchir individuellement. Certains n’aiment pas les salades et la question de la vinaigrette est évacuée. Personnellement je pense que c’est l’Humain qui donne sens. L’Humain est une vraie salade avec tout ce qu’il a de riche et d’imparfait. Il n’est pas question de parler d’art à des machines ; elles ne vous entendraient pas. Peut-être qu’elles s’accomodent mieux des mathématiques mais, si elles pouvaient les produire, quel intérêt. Qu’importe un univers peuplé de machines si les Humains sont évacués.

Donc je fais ma vinaigrette pour relever ou pimenter ma vie … et celle des autres si elle trouve accueil.

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Mathaphoriquement cela me renvoie l’image des «isomorphismes» : Considérons deux espaces ou univers avec leur structure, isomorphes. Si vous pouvez obtenir un billet de transport qui vous permette d’aller et venir d’un univers dans l’autre ; il se peut que ce qui vous semble confus dans le premier espace s’illumine dans le second. Si ce qui vous semblait insoluble dans le premier espace trouve une solution évidente dans le second ; il suffit de bien avoir conservé le billet de retour puis transposer, car c’est dans le premier espace que s’accomplit votre vie. Si art et maths ne sont pas une vinaigrette je vois dans cette comparaison comme un isomorphisme poétique. Plasticien, ce sont les images qui habitent mon esprit et me permettent de jeter des ponts entre abstraction et sensibilité.

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Les images qui accompagnent ce billet sont extraites d’un travail personnel sur une image publicitaire. Une interprétation, via la géométrie projective, qui donna lieu à une fiction mathologique: Mathdemoiselle se projette. Je reviendrai certainement sur la géométrie projective qui a longtemps été un outil poétique dans mon travail. Je dois vous signaler et vous inviter à consulter les articles de Christophe Eckes 1 et 2 ; très enrichissants pour une compréhension des liens entre perspective, géométrie projective, philosophie et esthétique.

Post-scriptum

la publicité était parue en 1990 ou 1991 pour du coton américain. Le texte apparaissant sous l’image est celui qui était présent sur la publicité.

ÉCRIT PAR

Pierre Gallais

Plasticien, mathématicien - Institut de Mathologie

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