Des événements rares…

Tribune libre
Écrit par Étienne Ghys
Publié le 20 août 2010

La cérémonie d’ouverture du Congrès International fait immanquablement penser au festival de Cannes ! Des vedettes (mathématiques), des journalistes, des photographes, du « suspense » quand le présentateur dit « And the winner is… ». Certes, les matheux ne sont pas habitués à ce genre de spectacles, mais il ne faut pas bouder son plaisir !

Hier après-midi, ce furent les « Laudations » : des experts reconnus avaient 25 minutes chacun pour donner une idée des résultats des lauréats aux 3000 collègues présents. Disons que ces présentations ne furent pas un succès, au moins du point de vue technique…

Une exception cependant : la présentation par Kalai du prix Nevanlina, pour l’informatique théorique. Je dois d’abord une explication : Dans l’annonce des prix faite hier sur Images des Mathématiques, il en manquait un… La vérité est que, bien entendu, pour que les lecteurs puissent avoir l’information en direct, il faut préparer un texte à l’avance et, tout simplement, je n’avais pas l’information sur ce prix ! Alors, c’est l’occasion de réparer mon erreur.

Daniel Spielman

Daniel Spielman : 40 ans, professeur de mathématiques appliquées et d’informatique théorique à l’université Yale, aux Etats-Unis. Lui aussi a bien sûr reçu un grand nombre de prix prestigieux. On peut lire ici une description rapide de ses travaux (en anglais).

La conférence de Kalai nous a donné un aperçu du travail de Spielman. Un algorithme est, pour simplifier, un programme d’ordinateur préparé pour résoudre un problème donné. Quand on entre une donnée du problème, le programme calcule pendant un certain temps et finit par donner la réponse (quand tout va bien !). Connaître le temps de calcul est bien sûr important. Ce temps dépend de la donnée initiale. Certaines données peuvent engendrer des temps considérables et c’est bien désagréable en pratique. Parfois, le temps de calcul est presque toujours raisonnable et n’est très grand que pour des données exceptionnelles et on pourrait penser que dans ces cas on devrait être satisfait « en pratique ». Ce n’est pas le cas comme Kalai nous l’a expliqué : bien souvent les données qui nous intéressent ne sont pas choisies au hasard et sont au contraire très particulières. Le travail de Daniel Spielman concerne « l’analyse lisse des algorithmes de programmation linéaire ». En clair, il s’agit de résoudre des équations et des inéquations linéaires, comme on apprend au collège et au lycée, sauf qu’au lieu d’avoir deux inconnues, on peut en avoir des dizaines de milliers. Spielman ne s’intéresse ni au temps de calcul pour une donnée prise au hasard, ni à celui pour toutes les données, mais il invente une méthode « locale ». On prend une donnée quelconque, on la modifie un peu de manière aléatoire et on se demande combien de temps la machine va calculer avec cette nouvelle donnée.

Ce fut ensuite le tour du grand probabiliste Varadhan, prix Abel 2007, de faire une conférence intitulée « Large Deviation » : Grandes déviations en français. Depuis longtemps, les mathématiciens savent comment de longues séries aléatoires de nombres peuvent se répartir autour de la valeur moyenne. Voir par exemple, cet article de Images des Maths. Mais, même si c’est peu probable, il peut se faire qu’on constate un grand nombre de valeurs « atypiques ». C’est peu probable certes, mais peut-on estimer la probabilité de ces événement rares ?

Et puis, après toutes ces conférences, nous avons pu profiter des réceptions offertes par les délégations américaine et norvégienne (à la même heure, dans deux salles différentes…), suivies par un repas « en l’honneur des lauréats ». Encore une fois, l’occasion de retrouver des collègues et de faire connaissance avec d’autres.

Profiter des événements rares…

ÉCRIT PAR

Étienne Ghys

Directeur de recherche CNRS émérite, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences - École Normale Supérieure de Lyon

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