Les mathématiciens, c’est bien connu, n’ont besoin, pour travailler, que de papier et de crayons. D’un peu de craie et d’un tableau, aussi, pour communiquer. Ah, et puis, de la bibliothèque. Et d’un peu d’argent pour voyager, rencontrer des collègues, d’un peu d’argent aussi pour les inviter.
Nous sommes de purs esprits, nous ne coûtons pas cher, nous n’avons besoin de personne.
Sauf que… Eh bien, le papier et les crayons, bien sûr, mais aussi l’ordinateur.
L’ordinateur, parce qu’il faut bien écrire, taper (les mathématiciens tapent aujourd’hui tous leurs articles). Et puis, le tableau, pour communiquer avec ceux qui sont à côté, mais l’ordinateur aussi, pour communiquer avec ceux qui sont loin (les mathématiciens travaillent aujourd’hui beaucoup par courrier électronique). Le tableau, pour faire des exposés, mais aussi l’ordinateur, parce que, c’est quand même bien, de pouvoir montrer des images, des animations. Et puis, la bibliothèque, bien sûr, mais aussi l’ordinateur, pour lire le fichier de la bibliothèque, pour lire les articles publiés électroniquement.
Et je ne parle pas de ceux d’entre nous qui utilisent les ordinateurs aussi pour calculer, pour démontrer…
Derrière ce presque rien, il y a des hommes (et des femmes)
Derrière tout ça, ce presque rien, ajouté au papier et aux crayons, mais indispensable, il y a, oui, des machines, mais surtout des hommes et des femmes. Le “personnel d’accompagnement à la recherche”, ça s’appelle (dans la rhétorique qui appelle les hommes et les femmes qui travaillent des “ressources humaines”). Allez, j’essaie de faire une liste de ceux et celles que le grand public ne voit pas et sans lesquels, sans la proximité desquels nous ne serions pas grand chose :
- Les gestionnaires, qui s’occupent d’organiser et de payer nos voyages, de rembourser nos invités, les secrétaires qui font les réservations d’hôtel pour nos invités.
- Les bibliothécaires, qui achètent les livres dont nous avons besoin, négocient les abonnements aux revues (papier ou électronique), qui alimentent le fichier de la bibliothèque et le remettent en route lorsqu’il est “planté”, nous aident à trouver ce dont nous avons besoin, quelle que soit la façon de le formuler (je cherche un livre, non je ne me souviens plus du titre, ni de l’auteur, mais c’était vraiment très bien, oui je crois que c’était en anglais, j’en ai vraiment besoin, ah ! et puis, le livre était jaune… (pour les non-mathématiciens qui, j’espère, liront ce billet, je précise que le jaune est la couleur moyenne des livres de nos bibliothèques, de même que l’anglais en est la langue… tout aussi moyenne).
- Les informaticiens, qui s’occupent du réseau et des serveurs, grâce auxquels le fichier de la bibliothèque, la documentation électronique, le courrier électronique, fonctionnent, et qui s’occupent de nos ordinateurs, de la maintenance de nos imprimantes, qui accourent à notre demande dès qu’il y a un problème, un ordinateur “planté”, une cartouche d’encre à changer, une imprimante collective bloquée par un utilisateur maladroit (et nous le sommes, nous le sommes tous).
- Les responsables de la communication qui, quel que soit leur titre, maintiennent le site web du laboratoire, grâce auquel nous sommes informés des exposés de séminaire ici ou là, qui réalisent les affiches de nos colloques, les “interfaces” pour que l’on puisse s’inscrire à ces colloques, qui préparent les cadres de nos interventions dans des manifestations publiques comme la fête de la science…
Aujourd’hui, dans les laboratoires de mathématiques soutenus par le CNRS, cet indispensable service de proximité existe. Son apport est à la fois indispensable à la qualité de notre recherche et difficilement quantifiable en termes de “facteur d’impact” 2 Voir un billet récent d’Etienne Ghys. ou d’autres indices numériques.
C’est pourquoi nous, mathématiciens, sommes attentifs au devenir de ce service, pendant les restructurations en cours…