Pour éviter un malentendu, je voudrais d’abord dire que je suis enseignant-chercheur en mathématiques, que j’enseigne à l’Université de Lille, que j’ai enseigné au collège et au lycée, en France et en Italie, et que je suis bien sûr très attaché à cette belle institution nommée École. Je dirais avec force que je garde des magnifiques souvenirs de mon passage, en tant qu’enseignant, dans le secondaire, surtout dans les classes de sixième. Toutefois je ne dirais pas que je suis devenu enseignant de mathématiques grâce à mes enseignants de mathématiques. Je dirais même que je suis devenu enseignant pour (me) prouver d’abord que l’on peut enseigner les mathématiques différemment de comment je les ai subies au lycée (en Italie ; cf. Billet : Mon goût pour la géométrie). Exercices à répétitions, toujours les mêmes et sans trop d’intérêt, et des théorèmes à répéter comme on restitue un texte littéraire sans l’habiter et l’angoisse quasi constante des notes. Je serais critique aussi avec l’enseignement de la littérature italienne que j’ai reçu et subi aussi. Il fallait restituer ce que disait Natalino Sapegno, le grand (je reconnais qu’il était un grand dans son domaine) critique littéraire qui avait une vision globale de notre littérature, de l’origine de la langue italienne jusqu’à nos jours (les années ’70). Nous, élèves au lycée, ne pouvions pas exprimer nos idées sur des textes de Dante, de Petrarque, Manzoni ou Leopardi ou d’autres. Non, il fallait restituer les idées de Natalino Sapegno (cf. aussi Film de Marco Tullio Giordana, « Nos meilleurs années »).
Heureusement, heureusement, qu’au collège, une professeure de français, passionnée, m’a donné le goût de la langue française (parlée avec l’accent napolitain c’est encore mieux !) avec un enseignement très vivant, et qu’un professeur de latin et grec m’a donné le goût de la culture classique, et de la culture tout court, grâce à un enseignement très pointu et plein de références savantes y compris au sanscrit ! Quels modèles ! Merci, et encore merci à eux deux.
Toutefois, je garde le souvenir que mes « meilleurs années » partaient en fumée, courbé pendant des heures et des heures sur les livres à apprendre beaucoup par cœur (trop de leçons à digérer) et sur les cahiers à rédiger des devoirs souvent sans intérêt. Maigre consolation : l’École a vieilli avec moi, comme une compagne, avec ses nombreux bobos, quelques rituels presque inchangés et de temps en temps, malgré tout, avec son (petit) charme.
Avec mes camarades de rue, adolescents, on discutait pendant des heures à une autre école : on rêvait d’une École où on aurait eu envie de s’y rendre (presque) tous les jours avec joie. Parfois, déçus par le système, on rêvait d’une société sans école !
Maintenant, j’ai la possibilité, je dirais la chance de ma vie, de pouvoir m’adresser à un large public pour partager le rêve d’une « autre » École. Laquelle ? Et bien, j’ai essayé de coucher ce rêve, et quelques idées mûries au cours de ces quinze dernières années, dans un billet (cf. dans la rubrique « Nos billets » le Billet paradoxalement intitulé « Faut-il mettre l’École à la poubelle ? »).
Avec mes collègues universitaires et amis, Aziz et François (responsables de cette rubrique) nous avons mené différentes expériences dans beaucoup d’établissements du secondaire de la région Nord-Pas de Calais ; celles-ci nous ont permis de dire qu’une autre École est possible. L’IREM de Lille a été aussi pour moi, depuis plus de vingt ans, un lieu d’échange, surtout pendant ces quatre dernières années, avec mes collègues du secondaire : Edith, Nicolas, Romain, Sophie. Quels espoirs ces jeunes enseignants pour une autre École !
Mais, au juste c’est quoi, cette « autre » École ?
L’affaire est en effet très complexe et maintenant, après plusieurs années de réflexion, je suis moins rancunier envers mes enseignants qui m’ont déçu.
Il n’est vraiment pas facile de penser une « autre » École, une belle École pour tous ! Cela demanderait que l’on puisse déjà expérimenter la validité de certaines de nos idées sur plusieurs années, en suivant les mêmes élèves dans leur scolarité ; tout au moins au collège.
Cela n’a jamais été possible, hélas !
Dans le billet mentionné, je ne reviens pas sur des expériences bien connues, comme les Écoles Montessori ou les Écoles imaginés par Françoise Dolto ; je trouve que ces tentatives restent très intéressantes à étudier (il y a différents documentaires sur ces sujets).
Maintenant, je ne peux pas remonter dans le temps pour tout recommencer en tant qu’élève…, mais un nouveau départ, pour nos jeunes d’aujourd’hui, je pense qu’il est possible.
Alors, je vous demande un peu (façon de dire) de patience, de prendre le temps d’aller à la Rubrique « Nos billets », lire ce rêve dans le billet intitulé « Faut-il mettre l’École à la poubelle ? » et nous faire part de vos commentaires comme dans le débat précédent.
Merci d’avance,
Bien à vous,
Valerio Vassallo