Figure sans paroles #10.5

Figure sans paroles
Publié le 22 janvier 2024

ÉCRIT PAR

Arseniy Akopyan

Chercheur - Institute of Science and Technology (Autriche)

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Commentaires

  1. Reine
    février 12, 2024
    11h33

    Les données de cette figure sont un triangle quelconque \(ABC\) et trois points \(A’\), \(B’\) et \(C’\) sur les droites portant les côtés. Ils sont ici présentés comme les milieux des côtés, mais il suffit, plus généralement, de supposer que les trois droites \(\,AA’\), \(BB’\) et \(\,CC’\) sont concourantes ou parallèles. D’un point \(I\), quelconque dans le plan mais non situé sur les droites portant les côtés, on tire les trois droites \(IA’\), \(IB’\) et \(IC’\) (tracées en noir sur la figure 1). Ceci permet d’instaurer ce que Sidonie appelle joliment une tourniquette : on part d’un point quelconque \(Q\) de \(IA’\) ; la droite \(QC\) rencontre \(IB’\) en un point \(R\), puis \(RA\) coupe \(IC’\) en \(S\), et \(SB\) croise \(IA’\) en \(T\). Et en recommençant ces trois opérations à partir de \(T\) au lieu de \(Q\), on retombe toujours, comme on va le voir, sur le point initial \(Q\).

    Choisissons (figure 2) un point \(O\) hors du plan \(P\) de la figure, et introduisons un autre plan \(P’\), parallèle à \(OI\) mais ne contenant pas cette droite. La projection de centre \(O\) établit une correspondance entre les points de \(P\) et ceux de \(P’\), les points \(A\), \(B\), \(C\), \(A’\), \(Q\) etc. devenant \(a\), \(b\), \(c\), \(a’\), \(q\) etc. Le point \(I\) n’a pas de correspondant, les droites \(IA’\), \(IB’\) et \(IC’\) devenant des droites \(\alpha\), \(\beta\) et \(\gamma\) de \(P’\) parallèles à \(OI\), [1] donc parallèles entre elles (en noir sur la figure 3). La construction de la tourniquette est bien transférée par cette projection : \(q\) est sur \(\alpha\), \(qc\) coupe \(\beta\) en \(r\), etc.

    Si \(m\) est un point de \(P’\), j’appellerai \(m(\alpha)\) la distance de \(m\) à \(\alpha\), comptée positivement si \(m\) est « au dessus » de \(\alpha\) (considérée comme « horizontale ») et négativement si \(m\) est « au dessous » ; de même \(m(\beta)\) et \(m(\gamma)\).

    L’homothétie de centre \(c\) (respectivement \(a\), \(b\)) qui envoie \(\alpha\) sur \(\beta\) (respectivement \(\beta\) sur \(\gamma\), \(\gamma\) sur \(\alpha\)) transforme \(q\) en \(r\) (respectivement \(r\) en \(s\), \(s\) en \(t\)). La composée de ces trois homothéties est une homothétie qui envoie \(\alpha\) sur elle-même (donc centrée en un point \(h\) de \(\alpha\)) et dont le rapport est le produit des trois rapports, soit\[\frac{c(\beta)}{c(\alpha)}\times\frac{a(\gamma)}{a(\beta)}\times\frac{b(\alpha)}{b(\gamma)}\;.\]Ceci peut se réarranger en\[\frac{b(\alpha)}{c(\alpha)}\times\frac{c(\beta)}{a(\beta)}\times\frac{a(\gamma)}{b(\gamma)}\;,\]pour devenir le « produit de Céva »\[\frac{\,\overline{\!ba’\!}\,}{\,\overline{\!ca’\!}\,}\times\frac{\,\overline{\!cb’\!}\,}{\,\overline{\!ab’\!}\,}\times\frac{\,\overline{\!ac’\!}\,}{\,\overline{\!bc’\!}\,}\;.\]Mais, tout comme \(AA’\), \(BB’\) et \(CC’\), leurs projections \(aa’\), \(bb’\) et \(cc’\) sont concourantes ou parallèles ; le théorème de Céva dit que ce produit vaut \(-1\), et notre homothétie est simplement la symétrie par rapport à \(h\). En repartant du point \(t\) pour un nouveau tour de tourniquette \(t\), \(u\), \(v\), \(w\), on atterrira sur \(w\) symétrique de \(t\) par rapport au même point \(h\), c’est-à-dire sur \(q\). Il ne reste évidemment pour conclure qu’à dé-projeter tout ça de \(P’\) vers \(P\).

    \({}\)

    Remarque. —- Les projections centrales ne préservant pas les milieux, \(T\) n’est pas le symétrique de \(Q\) par rapport au point \(H\) correspondant à \(h\). Mais on peut néanmoins observer que, \(h\) étant le milieu du segment \(qt\) parallèle à \(OI\), on a dans le plan \(OIA’\alpha\) un faisceau harmonique \((Oq,\,Ot,\,Oh,\,OI)\), dont la trace sur la droite \(IA’\) est une division harmonique \((Q,\,T,\,H,\,I)\) : le point \(T\) est toujours le conjugué harmonique de \(Q\) par rapport à \(H\) et \(I\).

    À part le fait que \(H\) est (avec \(I\)) le seul point de \(IA’\) d’où part une tourniquette se refermant dès le troisième maillon, je ne vois pas comment le caractériser simplement sans sortir de \(P\).

    [1] Car α est l’intersection du plan \(P′\) parallèle à \(OI\) avec le plan \(OIA′\) qui contient \(OI\).
    .