Un certain travail mathnuel pour ma thématique appliquée !
Nous avons connu, à une certaine époque, un engouement pour ce travail manuel décoratif qui consiste à tendre des fils entre des clous enfoncés dans une planchette et qui laisse apparaître au résultat une figure abstraite ou figurative. Ce souvenir n’est sans doute pas sans incidence sur la réalisation que j’ai faite 4exposition Mathérialisation au centre CIRCA à Montréal en juin. Je n’avais pas pratiqué ces travaux manuels mais je me souviens d’avoir eu une certaine émotion, en classe, lorsque nous avons exprimé la génération tangentielle des coniques (la photo ci-dessus en est un exemple pour l’ellipse) et la dualité point-droite. Par dualité ce qui est droite devient point et ce qui est point devient droite. Ainsi « deux droites concourantes » par dualité se transforme en « deux points appartenant à la même droite ». Nombre de problèmes se trouvaient simplifiés lorsque nous prononcions la phrase un peu magique : « par dualité … »
Je pourrais, tout autant, évoquer le plaisir qu’il y a à produire une courbe en l’approchant par le polygone tangent extérieur. S’il n’est pas toujours aisé de produire dans l’espace (ou le plan) des courbes il est plus simple de tirer des segments de ligne droite.
Il faudrait également évoquer la fascination que représente la tangente à une courbe. C’est, d’ailleurs, un usage dont ne se privent pas les mathématiciens lorsqu’ils font du calcul infinitésimal ou différentiel. Et l’histoire des origines de ce calcul est émouvante, si on accepte ce terme en mathématique. Plastiquement, ou bien sensiblement : considérer, qu’au-delà d’un certain seuil, on puisse admettre que l’erreur commise en confondant la courbe et ce petit segment de droite tangent est négligeable ; cela n’a rien d’extravagant. Mais conduire des calculs en s’appuyant sur un tel raisonnement a de quoi étonner … c’est comme ouvrir une fenêtre sur le mystère du continu et de l’infini … infiniment petit. Le plus surprenant, pour le mathématicien en herbe qui doute un peu, arrive lorsqu’il constate que cette approche « tangentielle ou différentielle » fournit les bons résultats. Par exemple, lorsqu’il compare les résultats obtenus par deux méthodes différentes pour l’aire d’un cercle. « Bien sûr ça doit être vrai puisqu’on nous l’enseigne » … mais tout de même ! N’est-ce pas merveilleux ?
Si on n’a pas la capacité de trouver en cette chose de l’émerveillement, on peut ne voir dans la réalisation que je viens de faire que le résultat d’une application numérique plus ou moins habile ; ou bien une réalisation plastique, formelle. Cette sève mathématique, qui devient poétique, qui alimente ou accompagne mon parcours, n’est qu’un parfum supplémentaire pourrait-on dire. Mais c’est ce parfum là qui me guide dans mes recherches. Un parfum : ! … ? ou bien ? … !
L’exercice mathématique, qui consiste à réaliser cette enveloppe tangentielle d’une ellipse, pourrait très aisément être confié à un élève en classe de terminale du lycée. Ce serait une illustration pratique du calcul trigonométrique dans le cadre de la géométrie analytique, complété par un peu de géométrie dans l’espace. In situ, au pied du mur , ce sont des mesures, des repérages, … un peu de méthode. De la méthode, certainement, car ces valeurs que l’on extrait de la calculette sont bien abstraites. Rien ne ressemble plus à un nombre qu’un autre nombre, et dans l’accumulation il y a bien des occasions de confondre. Ce ne sera que pas à pas que la forme visuelle apparaîtra … et les erreurs deviendront flagrantes.
Dans cette salle je décidai du plan incliné qui recevrait l’ellipse et au sol du cercle qui me servirait d’appui. Ensuite je calculai les tangentes à ce cercle et les intersections avec les murs. Ensuite, grâce à ces niveaux lasers qui tracent les verticales, je relevai chaque point jusqu’à la trace du plan incliné sur les murs. Enfin je tirai les lignes. La salle mesurait 6 x 6,4 x 3 m et je choisis, pour le cercle au sol, un rayon de 1,5 m. Son centre était décalé par rapport au centre de la pièce, afin d’écarter les symétries. Trente six lignes , soixante douze points d’ancrage, deux à trois cents mètres de fils fluorescents, l’obscurité et un éclairage ultraviolet.
Je ne parlerai pas du résultat plastique ou artistique. Ce n’est pas à moi d’en faire le commentaire. Les images ne sauraient rendre compte de l’effet produit in situ … ce ne sont, hélas, que des traces. 5une vidéo serait plus expressive … mais celle-ci est en cours de montage.
Trois artistes de la danse contemporaine 6Elise Bergeron, Rosie Contant, Audrey Rochette s’approprièrent l’installation pour une performance. Elles s’en trouvèrent ravies et nous projetons de prolonger ce travail. Elles s’approprièrent également la seconde installation … mais ce sera pour un prochain billet.