Ibni Oumar Mahamat Saleh : dix ans.

Hommage
Écrit par Charles Boubel
Publié le 3 février 2018

Cela fait aujourd’hui dix ans qu’Ibni Oumar Mahamat Saleh, professeur de mathématiques à l’université de N’Djamena et principal opposant de l’époque au dictateur tchadien Idriss Déby, a été enlevé par des soldats de celui-ci : c’était le 3 février 2008. Il est mort en détention très vite, mais le Tchad ne veut rien reconnaître : il est toujours officiellement « disparu ». Le prix créé à sa mémoire, décerné à de jeunes mathématiciens africains pour leur permettre un séjour de recherche, change de forme ; les candidatures sont ouvertes.

Comme je le rappelle tous les ans, Ibni Oumar Mahamat Saleh était enlevé le 3 février 2008 par des soldats tchadiens à son domicile de N’Djamena, pour ne plus jamais reparaître. La France est concernée parce que cet enlèvement s’est déroulé à l’heure même où elle sauvait in extremis le président tchadien Idriss Déby d’une attaque de rebelles armés ayant failli prendre la capitale, et parce que fort probablement, c’est seulement avec une pression de sa part que le Tchad pourrait admettre la vérité. Toute l’histoire est racontée dans mon billet de 2009, et quelques suites importantes dans ceux de 2011 et 2014.

Ibni Oumar Mahamat Saleh, qui avait fait une thèse de mathématiques à l’université d’Orléans et enseignait les mathématiques à l’université de N’Djamena, avait travaillé à créer des liens universitaires en mathématiques entre France et Tchad. Les trois sociétés françaises de mathématiques (Société Française de Statistique, SFdS, Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles, SMAI, et Société Mathématique de France, SMF ont créé un prix à sa mémoire, remis tous les ans à de jeunes mathématiciens africains, et qui va désormais changer de forme. J’en parle plus bas ; l’appel à candidatures est ouvert.

Autorités tchadiennes et françaises : silence total

ontrairement aux années précédentes, pour ces dix ans je n’ai vraiment rien à rapporter de neuf concernant la recherche de la vérité sur Ibni. Avec les opérations militaires françaises au Sahel, le président Déby est géopolitiquement en position de force. Je signale seulement des événements liés aux dix ans de l’enlèvement :

  • En France, une conférence-débat « Dix ans sans Ibni Oumar Mahamat Saleh » a lieu aujourd’hui samedi 3 février 2018 de 10h a 15h à la Fondation Jean-Jaurès, 12 cité Malesherbes, Paris 9e (métro Pigalle, ligne 2). Elle est co-organisé par la Fondation Jean-Jaurès et le PLD, Parti pour les Libertés et le Développement, dont Ibni Oumar Mahamat Saleh avait été le chef.
  • Au Tchad, une « journée des martyrs de la démocratie » a lieu également aujourd’hui, de 14h à 18h à N’Djamena, organisée par le PLD.

Il est indispensable de demander la vérité et la justice en cette affaire. Elles ne viendront pas toutes seules.

Le prix Ibni change de forme

De 2009 à 2015, ce prix a été décerné tous les ans à un jeune mathématicien ou une jeune mathématicienne d’Afrique Centrale ou de l’Ouest, pour financer un séjour scientifique de quelques mois. Les lauréats successifs ont été Oumarou Abdou Arbi, du Niger, Amadou Tall, du Sénégal, Solym Mawaki Sanou Abi, du Togo, El Hadji Deme, du Sénégal, Koffi Wilfrid Houedanou, du Togo, David Jaures Fotsa Mbogne, du Cameroun et Valaire Yatat Djeumen, du Cameroun. Depuis 2016 il était suspendu, le temps de le redéfinir. Il redémarre cette année, devenant un prix de thèse, c’est-à-dire décerné à un(e) docteur(e) à l’issue de sa thèse. Il sera décerné à deux personnes, tous les deux ans.

La campagne de candidature au prix Ibni 2018 est ouverte, jusqu’au 30 mars 2018. Toutes les informations se trouvent ici. Le prix sera décerné fin juin 2018. Les candidatures féminines sont encouragées.

ÉCRIT PAR

Charles Boubel

Maître de conférences - Université de Strasbourg

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