Il y a douze ans, le 3 février 2008, Ibni Oumar Mahamat Saleh était enlevé à son domicile de N’Djamena par des soldats de l’armée tchadienne. Il était professeur de mathématiques à l’université de N’Djamena et leader de l’opposition politique dans son pays. Depuis cette date, il est officiellement « disparu » : le régime n’a jamais dit la vérité sur son sort —il est certainement mort en prison peu de temps après son arrestation comme l’a montré une commission d’enquête indépendante que le pouvoir a dû accepter peu après les faits—, ni permis à une enquête de déterminer et condamner les responsables.
Malheureusement, j’écris ce billet pour signaler que rien de nouveau le concernant n’est survenu depuis l’an dernier. Seul le président tchadien pourrait faire bouger les choses mais la situation politique internationale le met à l’abri de toute pression.
Si vous lisez ce billet anniversaire de l’enlèvement pour la première fois ou voulez vous rafraîchir la mémoire, vous pouvez consulter mon billet originel de 2009 et ceux de 2011 et 2014.
Cette tribune demande à nouveau la vérité et la justice dans cette affaire. Vous pouvez le faire également en vous joignant à la pétition lancée pour cela en 2008 par les trois sociétés savantes françaises de mathématiques et toujours ouverte, si vous ne l’avez déjà fait.
Si le dossier est bloqué, il n’est pas oublié au sommet de l’État tchadien, comme ce qui suit le montre. Deux parlementaires du Loiret, Jean-Pierre Sueur et Gaétan Gorce, continuent de le suivre (Ibni Oumar Mahamat Saleh était en effet docteur de l’université d’Orléans et avait ensuite créé des liens avec cette université). Or il apparaît dans cette interview de J.-P. Sueur sur RFI en 2018 que le président tchadien n’aime pas que leurs noms soient évoqués devant lui.
Le prix Ibni
Pour rendre hommage à la mémoire d’Ibni Oumar Mahamat Saleh et poursuivre son œuvre de promotion des mathématiques en Afrique et de construction de liens avec des chercheurs et chercheuses hors d’Afrique, la Société Mathématique de France, la Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles et la Société Française de Statistique ont créé un prix à son nom, récompensant un ou une jeune mathématicien(ne) d’Afrique Centrale ou de l’Ouest.
En 2018 il est devenu un prix de thèse, décerné tous les deux ans à deux personnes ayant récemment soutenu leur thèse.
La campagne de candidature au prix Ibni 2020 est ouverte, voir cette page (attention pour une raison technique la page n’est pas à jour et ne le sera que dans quelques jours). Le comité scientifique attribuant le prix est constitué par le CIMPA. Le prix est financé par des dons. Si vous désirez y contribuer, rendez vous sur cette page de l’Association pour la Promotion Scientifique de l’Afrique (APSA) (descendre un peu pour voir la paragraphe concernant le prix). Les dons donnent lieu à reçu pour déduction fiscale.