La Khan Academy

Tribune libre

Lieu de création, d’expérimentation et d’exposition situé à Voiron.

Écrit par Étienne Ghys
Publié le 12 novembre 2011

Fin 2004, Salman Khan était un analyste financier travaillant à Boston. C’est à cette époque que sa cousine Nadia lui demande de l’aide en mathématiques et qu’il commence à lui donner des cours à distance via internet. Comme des parents et des amis lui demandaient de bénéficier également de ses cours, il décida de les déposer sur YouTube.

Lorsque sa cousine lui dit qu’elle le trouvait mieux sur YouTube qu’en vrai, Salman Khan prit la plaisanterie au sérieux. Il se dit qu’un petit clip vidéo qu’on peut regarder seul, qu’on peut reprendre si on n’a pas tout compris, qu’on peut mettre en pause, pouvait parfois avoir des avantages sur un professeur en chair et en os qui est derrière vous.

Le succès de son site fut rapidement au rendez-vous. Fin 2009, il avait en moyenne 35 000 visites par jour. « J’étais un analyste de hedge fund : c’était très étrange pour moi de faire quelque chose qui avait un intérêt pour la société ! » Il décide alors de quitter son emploi et de se consacrer à cette activité à temps complet.

Aujourd’hui, la Khan Academy est une fondation sans but lucratif, financée en particulier par Google et la fondation Bill and Melinda Gates.

Elle comprend maintenant 2400 vidéos. Plus d’un million d’étudiants visitent le site chaque mois et 200 000 vidéos sont vues chaque jour ! Récemment, le projet a pris une autre direction puisqu’il propose maintenant une véritable méthode pédagogique, qui est à l’essai dans quelques écoles californiennes.

Salman Khan raconte que certains professeurs lui ont écrit : « Nous utilisons les vidéos pour faire bouger la classe. Maintenant je donne vos cours comme devoirs à la maison et les élèves font en classe ce que je donnais auparavant comme devoirs à la maison ». L’idée de Salman Khan est « d’utiliser la technologie pour humaniser la classe ». « En laissant les élèves réguler leurs cours à la maison, avec l’enseignant à proximité, en donnant aux enfants des moyens réels d’interagir entre eux, ces enseignants ont utilisé la technologie pour humaniser la classe. »

Pour se faire une idée, le mieux est bien sûr de visiter le site. Outre les vidéos qui forment en quelque sorte un cours complet (et qui ne traitent d’ailleurs pas uniquement de mathématiques), on y trouve aussi des exercices en ligne. L’ensemble couvre à peu près le programme de maths du collège au lycée (et même un peu plus).

Chaque vidéo est en fait un mini-cours fait au tableau noir (numérique). Les internautes sont invités à participer à l’opération, par exemple en traduisant les commentaires anglais dans d’autres langues. Certaines traductions françaises existent mais il reste encore beaucoup à faire. On peut aussi proposer ses services pour être « coach » et aider les élèves

Voici un exemple d’une capture d’écran sur le théorème de Pythagore.

Une capture d’écran sur le théorème de Pythagore.

Salman Khan a été invité récemment à donner une conférence prestigieuse. Même si cette conférence, intitulée « Utilisons les vidéos pour réinventer l’éducation », ressemble plus à un show américain qu’à une conférence sur la pédagogie, je la trouve très intéressante.

Sa conclusion : « Je pense que nous pouvons voir l’émergence d’une notion de salle de classe globale, au niveau mondial. C’est ce que nous essayons de construire ».

Bill Gates intervient alors sur scène et s’adresse au public : « Je pense que vous venez d’avoir un aperçu du futur de l’éducation ».

Utopie ? Exagération ? Peut-être ? Une belle expérience en tous cas !

ÉCRIT PAR

Étienne Ghys

Directeur de recherche CNRS émérite, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences - École Normale Supérieure de Lyon

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Commentaires

  1. Secrétariat de rédaction
    novembre 8, 2011
    14h18

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