Le cycle de conférences «Une question, un chercheur» est destiné aux étudiants et étudiantes de licence ainsi qu’aux élèves de classes préparatoires. Il consiste en deux conférences par an, l’une par un-e mathématicien-ne, l’autre par un-e physicien-ne. Le 29 janvier dernier, dans le magnifique amphithéâtre de l’institut d’astrophysique de Paris, Nabila Aghanim de l’institut d’astrophysique spatiale nous a parlé de la mission Planck.
En mars 2013, les résultats obtenus après 15 mois d’observation du satellite européen Planck avaient largement modifié notre vision cosmologique de l’univers. Nabila Aghanim avait planifié cette conférence à une date à laquelle elle espérait pouvoir présenter de nouveaux résultats obtenus à partir d’une nouvelle série de données, récoltées pendant 29 longs mois. Même si la publication des résultats a été retardée, la conférence a fourni aux auditeurs et auditrices les clefs pour apprécier et comprendre les résultats qui ont depuis été annoncés.
Le Big Bang et le fond diffus cosmologique
Au cours du vingtième siècle, l’astrophysique a fait des progrès considérables : la découverte des premières galaxies, puis l’observation de l’expansion de l’univers, sans oublier bien sûr la révolution théorique de la relativité générale d’Einstein. Ainsi la compréhension de l’univers, qu’il s’agisse de sa structure ou de sa dynamique, a grandement avancé. La théorie du Big Bang a notamment été formulée pour expliquer sa possible «origine». L’observation du fond diffus cosmologique, notamment par le satellite Planck, vient étayer cette théorie.
La théorie du Big Bang stipule qu’il y a plus de 13 milliards d’années, l’univers était à la fois très chaud (soit 2 ou 3 dixièmes de milliards de degrés Kelvin) et très dense (d’un facteur \(10^8\)). 380 000 ans après le Big Bang, l’univers est devenu suffisamment froid pour que la lumière puisse commencer à se propager. On parle parfois de découplage (sous-entendu entre rayonnement et matière). Le fond diffus cosmologique est une relique de ces temps reculés, c’est la dernière diffusion des photons primordiaux. Nabila Aghanim explique que ce découplage «existe aussi dans le soleil», que c’est la même physique qui est à l’œuvre quand on s’intéresse à la photosphère de ce dernier.
L’histoire de la mission Planck
L’enjeu est mesurer les anisotropies, les hétérogénéités, du fond diffus cosmologique. Ces mesures étaient d’abord effectuées par des ballons, elles ont ensuite été effectuées par trois générations de satellites. Le projet Planck a été sélectionné par l’agence spatiale européenne pour effectuer les mesures les plus fines et notamment pour améliorer les mesures de la polarisation. En 1993, deux instruments sont proposés par l’agence, elle en choisit deux en 1996 (Cobras et Samba) et le satellite est lancé en 2009. Le développement technologique de ces instruments a été effectué dans différents laboratoires, et notamment à l’institut d’astrophysique spatiale, à Orsay.
Construire les données
L’analyse des données est très complexe et la réussite de la mission Planck se mesure aussi à la très grande stabilité, sur une période de plus de deux ans, de la température observée : la variation autour d’environ 2,73 degrés Kelvin ne dépasse pas quelques fractions de micro-Kelvins ! Durant ces 29 mois, une quantité gigantesque de données a été récoltée. La grande difficulté de l’analyse est de «filtrer le bruit». Pour cela, 9 canaux d’intensité ont été choisis, et 6 canaux de polarisation. Il s’agit ensuite d’assembler ces 9 (ou 6) cartes-type.
Le fonds diffus cosmologique est observé dans toutes les directions de l’espace depuis la Terre. Ainsi les belles images comme celle de la figure ci-dessous permettent de visualiser un signal qui est une fonction sur la sphère. On sait depuis Fourier (1822) que l’on peut découper un signal ou petits bouts élémentaires, qu’on appelle des harmoniques . Ainsi on utilise une décomposition en harmoniques sphériques pour analyser les données de Planck, aboutissant à ce que l’on appelle un spectre en puissance.
Le modèle standard de la cosmologie prédit que le fond diffus cosmologique doit avoir le spectre d’un corps noir. Il est remarquable que les observations de Planck confirment une nouvelle fois cette prédiction, avec des marges d’erreur extrêmement faibles.
Des données aux résultats
Que nous apprennent ces données ? Beaucoup de choses. Tout d’abord elles fournissent de précieuses informations non seulement sur la répartition entre matière ordinaire, matière noire et énergie noire, mais aussi sur la répartition de la matière noire, du gaz chaud ou des galaxies et des étoiles dans l’univers. Elles permettent aussi de favoriser l’un des modèles de l’inflation, dit modèle d’inflation simple. Les mesures de la polarisation fournissent aussi de nouvelles et précieuses informations sur les champs magnétiques galactiques, et notamment sur le champ magnétique de la Voie lactée. Et ce ne sont que quelques conclusions parmi d’autres qui peuvent être tirées des données.
Nabila Aghanim conclura sa conférence en signalant que la mission Planck est le résultat d’efforts conjugués de 17 pays, de 600 personnes dont 300 chercheur-e-s. Elle aura coûté 7 centimes par européen-ne et par an durant 20 ans, «ce qui est, somme toute, modeste».
Post-scriptum
Vous pouvez visionner la conférence ici.
15h05
Bonjour,
Vous dites: «l’univers était à la fois très chaud (soit 2 ou 3 dixièmes de milliards de degrés Kelvin)»
Vouliez vous dire «dizaines» plutôt que «dixièmes»?
Cordialement,
Rafael
18h16
Nabila Aghanim avait donné un chiffre assez précis (si je ne me suis pas trompé), à savoir \(273.10^6\) degrés Kelvin. Donc je voulais bien dire «dixièmes».
Cordialement,
Cyril