Depuis 1666, l’Académie des Sciences encourage la vie scientifique par la remise de prix. 80 environ en sciences, dont 11 pour des mathématiciens cette année.
Un peu moins vénérable (mais née tout de même en 1872, c’est l’une des plus anciennes sociétés mathématiques du monde), la Société Mathématique de France promeut la recherche et l’enseignement des mathématiques, à sa façon. Elle est ouverte à toutes les personnes curieuses de maths. C’est aussi une maison d’édition. Adhérer donne accès à des prix réduits.
Le cycle des journées des prix est une initiative commune de l’Académie des sciences et de la SMF. La journée 2013 a été organisée à Nancy par Isabelle Dubois, El Haj Laamri, Angela Pasquale, Jean-Louis Tu et Marius Tucsnak. Dès le matin, des étudiants de Nancy, Metz et Saint-Dié et des élèves de classes préparatoires aux grandes écoles sont venus se fondre dans le public de l’amphi 8 du campus de Vandoeuvre. Dans l’après-midi, des lycéens de Nancy et de Metz sont venus les rejoindre. C’est Christophe Soulé, délégué de la section Mathématiques de l’Académie, qui a présenté les conférenciers.
Pierre Degond (Imperial College), Prix Jacques-Louis Lions a dédié son exposé, intitulé Auto-organisation et dynamique collective au grand mathématicien que fut Jacques-Louis Lions (voir à son sujet l’avant-dernier chapitre de ce livre).
Il s’agit de modéliser des systèmes complexes concernant un très grand nombre d’entités individuelles qui interagissent localement et sans leader. Ces systèmes forment des structures à grande échelle très caractéristiques. La formation en V des vols d’oies sauvages, les embouteillages, les formations nuageuses en sont des exemples. Les outils mathématiques disponibles pour les étudier sont l’analyse asymptotique et la théorie cinétique.
David Hernandez (Université Paris Diderot), Prix Jacques Herbrand a parlé de Spectre des systèmes quantiques et représentations linéaires.
Il s’agit d’étudier des systèmes quantiques à peu de particules, avec des outils d’algèbre et de géométrie. Pour certains systèmes très particuliers, des physiciens ont pu calculer le spectre, i.e. l’exprimer au moyen de formules mystérieuses. Pour expliquer ces formules, on a introduit de nouvelles structures algébriques appelées groupes quantiques, proches parents des groupes classiques qui jouent un rôle en géométrie et en physique des particules. Cela constitue un beau chapitre de la théorie des représentations.
Julien Barré (Université de Nice), Prix Langevin a présenté ses travaux sur la Rigidité en percolation.
On considère des atomes et des liens de longueurs fixées. Si on place les liens au hasard, l’ensemble est-il rigide ou déformable ?
Ci-dessus, un assemblage rigide de 7 atomes. Il suffit d’enlever une liaison pour qu’il devienne déformable. La déformabilité, pour des protéines par exemple, est liée aux fonctionnalités biologiques ou pharmaceutiques. Lorsque le nombre d’atomes est très grand, on utilise des techniques probabilistes, pour mettre en évidence des transitions de phase.
Un mot sur le prix Langevin. Paul Langevin, président de la Ligue des droits de l’homme, a poussé à la création du prix, en 1945, en hommage à la mémoire des savants Français assassinés par les nazis en 1939-1945, Henri Abraham (1868-1943), Eugène Bloch (1878-1944), Georges Bruhat (1887-1945), Louis Cartan (1909-1943, fils d’Elie Cartan) et Fernand Holweck (1890-1941).
Frédéric Klopp (Université Pierre et Marie Curie), Prix Gabriel Sande a choisi de parler d’Électrons en interaction dans un milieu aléatoire.
L’objectif est d’expliquer la conduction du courant dans certains matériaux. Les physiciens ont découvert il y a 50 ans que la présence d’impuretés dans un cristal peut le rendre isolant. Leur analyse ne portait que sur des électrons sans interaction. On sait maintenant, en utilisant les outils de l’analyse semi-classique, prendre en compte des interactions entre électrons.
Zoé Chatzidakis (CNRS et Université Paris Diderot), prix Leconte a choisi de donner une Introduction à l’o-minimalité. Pourtant, ses travaux concernent des applications de la théorie des modèles à l’algèbre. Comme ce sujet n’arrive qu’assez tard dans les études, pour être plus accessible, elle a choisi de présenter un aspect particulièrement joli de la théorie des modèles, qui a des applications inattendues à l’arithmétique. L’objet de la théorie des modèles est de parler abstraitement des structures qui satisfont une série d’axiomes, et d’obtenir des résultats qui s’appliquent à toutes ces structures simultanément. Ce point de vue abstrait peut néanmoins avoir des conséquences concrètes.
Les détails de chacune de ces conférences feront l’objet d’articles à part, ainsi que de textes plus avancés pour la Gazette des Mathématiciens.
Pour les jeunes
La journée s’est terminée par une conférence destinée à un large public. Des lycéens et une vingtaine de collégiens sont venus exprès. Les diapos sont disponibles ici.
C’était une belle journée, où les orateurs ont fait un gros effort pour s’adresser à un public de jeunes étudiants. Il me semble que le but a été atteint, pour le plaisir de tous, à commencer par l’auteur de ces lignes. Rendez-vous l’an prochain à Toulouse.
Post-scriptum
Ce billet, chose inhabituelle, a bénéficié du travail de relecteurs. Qu’ils soient ici remerciés.