La valeur de π n’est pas la bonne !

Débat
Publié le 18 octobre 2015

Choisir de bonnes notations en mathématiques est important si on ne veut pas inutilement se compliquer la vie 7Voir le billet de Christine Huyghe.. Malheureusement pour l’humanité (c’est en tout cas le point de vue de certains…), un très mauvais choix a été fait il y a fort longtemps ! La valeur de \(\pi\) n’est pas la bonne ! Et les conséquences sont catastrophiques ;-).

 

Tout a commencé l’autre jour pendant un groupe de travail alors que l’orateur s’amusait à recoller les faces d’un polyèdre dans le but de construire la sphère dodécaédrique de Poincaré8C’est quoi ce truc vous demandez-vous ? Le mieux est encore d’aller écouter Nicolas Bergeron nous expliquer cette construction en détail. . C’est à cet instant que le drame s’est produit puisqu’il fallait faire une rotation d’un dixième de tour, \(\frac{\pi}{10}\) donc…, euh ben non \(\frac{2\pi}{10} = \frac{\pi}{5}\) ! Mon voisin 9que je ne dénoncerai pas mais qui arpente quotidiennement les coulisses de ce site et supervise la relecture des articles, un grand merci à lui et à son compère au passage pour leur travail ! me fit aussitôt remarquer que le problème, c’est que la valeur de \(\pi\) a été très mal choisie 10Le suspect numéro un semble être William Jones dans un écrit de 1706. Notation qui fut reprise par Euler dès 1737 pour ensuite être universellement acceptée.. On devrait poser
\[\pi = 2\pi,\]
c’est-à-dire \(\pi = 6,28…\) et non \(\pi = 3,14…\) : la vie s’en trouverait alors plus légère et plus harmonieuse :-). Aussitôt dit, il m’envoyait un article de Bob Palais simplement intitulé «\(\pi\) is wrong!». On le trouve sur cette page web et j’en extraie ci-dessous quelques-uns des arguments.

Premier argument : la belle idée d’exprimer les angles en radians et non en degrés est sabotée par le fait que \(\pi\) ne correspond pas à un tour complet mais à un demi-tour. Du coup, un énième de tour n’est pas \(\frac{\pi}{n}\) comme il se devrait.

Deuxième argument : le très grand nombre de formules mathématiques qui se retrouvent polluées par l’apparition d’un facteur 2. Parmi celles-ci : la formule intégrale de Cauchy, les formules de séries de Fourier, l’équivalent de Stirling, la distribution gaussienne, les théorèmes de Gauss-Bonnet, les équations de l’électromagnétisme, la constante de Planck, la formule d’Euler, etc. etc.

Qui ne préfèreraient pas que les vénérables fonctions cosinus et sinus soient \(\pi\)-périodiques ?!

Troisième argument : l’aire d’un disque serait \(\frac{1}{2}\pi r^2\), ce qui ne serait pas sans rappeler les fameuses formules de mécanique \(\frac{1}{2}g t^2\) (distance parcourue au temps \(t\) par un corps en chute libre dans le vide) et \(\frac{1}{2}m v^2\) (énergie cinétique d’un corps de masse \(m\) et de vitesse \(v\)).

Quatrième argument : imaginez dans quelle folie vivrions-nous si on avait défini le nombre complexe \(i\) par \(\frac{\sqrt{-1}}{2}\) plutôt que \(\sqrt{-1}\) ? Eh bien nous vivons dans une folie analogue avec notre \(\pi\). Si des extraterrestres nous écoutent et qu’ils réalisent qu’on a donné un nom à 3,14… et non à 6,28…, ils vont nous prendre pour de vrais sauvageons ! Comme ils recevront ce message codé en binaire, notre seule chance de salut sera qu’ils se disent qu’un bit s’est perdu dans la transmission…

Terminons par quelques formules qui auraient pu être aussi belles que :

\[\sin(x + \pi) = \sin(x)\]

\[\text{e}^{i\pi} = 1\]

\[n! \sim \sqrt{\pi n} n^n \text{e}^{-n}\]

\[A = \frac{1}{2}\pi r^2\]

\[ℏ = \frac{h}{\pi}\]

\[T = \frac{\pi}{\omega}\]

\[90° = \frac{\pi}{4}\]

\[c_n = \frac{1}{\pi} \int_0^{\pi}f(x)\text{e}^{i\pi x} dx\]

\[f(a) = \frac{1}{i\pi} \int_C \frac{f(z)}{z-a} dz\]

\[\frac{1}{\sqrt{\pi}} \int_{-\infty}^{+\infty} \text{e}^{-\frac{1}{2}x^2} dx = 1\]

\[\zeta^k = \text{e}^{\frac{ik\pi}{n}}, k = 0 \cdots n\]

Il faut bien reconnaître que poser \(\pi = 2 \pi\) 11comme le ferait tout bon programmeur… pourrait être un peu confusant… Aussi il semble préférable de choisir une autre notation et celle qui se dégage, c’est \(\tau\). Ne tardez plus, le changement c’est maintenant !

Le manifeste pour \(\tau\) :
Et bien entendu, le \(\tau\)-day, ça se fête le 28 juin de chaque année !

Notons pour terminer que rien n’empêche en effet les deux notations \(\pi\) et \(\tau\) de coexister12Je conçois que cette proposition est un peu moins révolutionnaire que celle de changer du jour au lendemain la valeur de \(\pi\)…. Le temps passant, on imagine alors que la meilleure notation finira bien par s’imposer…

Post-scriptum

Cette anecdote m’a rappelé le premier cours de relativité que j’ai suivi il y a quelques années déjà. Le prof, qui n’était pas la moitié d’un théoricien ;-), a commencé ainsi : « Bonjour. Dans ce cours, la vitesse de la lumière, notée \(c\), vaudra 1. » Et il a continué sans davantage s’étendre sur la question… Du coup, quitte à redéfinir \(\pi\), je proposerais bien de carrément poser \(2\pi = 1\) !!

Mais bon… comme j’en entends déjà certains grincer, reportons cette seconde réforme à la prochaine refonte des programmes scolaires… quand alors le périmètre du cercle sera égal à son rayon et que nos vénérables fonctions trigonométriques {cosinus} et {sinus} seront donc devenues 1-périodiques :-).

ÉCRIT PAR

Aurélien Alvarez

Professeur - Rédacteur en chef d'IdM - École normale supérieure de Lyon

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