Des clowneries peuvent-elles aider à enseigner une discipline réputée difficile ?
Quels liens entre clown et maths ? Par exemple le clown et le mathématicien ont des problèmes, le premier est dans l’échec, le second aussi à sa façon, il cherche une chose qu’il ignore. C’est comme les sportifs, ça ne viendrait à l’idée de personne de mettre 22 ballons sur un terrain de foot, de mettre un large panier à un mètre du sol aux basketteurs, d’ôter la barre pour le saut en hauteur ou de virer les poids au bout des altères… Aussi irons-nous alors voir que les problèmes du clown peuvent aider celui qui a des problèmes en maths…
La cohérence, le doute, l’imaginaire, l’absurde, la naïveté, la sortie du cadre sont eux aussi parmi les nombreux points communs entre les deux. Le clown, en tant que concept, peut être utile autant au pédagogue qu’à celui qui cherche. Or si la démarche proposée est sans aucun doute transposable à la plupart des disciplines, car c’est un état d’esprit de fonctionnement général, il sera question de l’appliquer aux sciences théoriques et en particulier aux mathématiques, on souhaite montrer en quoi faire à l’envers permet de comprendre l’endroit, la démarche clownesque comme moyen de comprendre…
Le clown est cependant aussi une discipline théâtrale à part entière et nous souhaitons insister sur le fait qu’il ne s’agit pas de voir en quoi les sciences peuvent venir dans le théâtre en le nourrissant de technologies ou d’archétypes de “savants fous” et autres objets de sciences, mais bien de voir en quoi le théâtre burlesque peut venir de façon rigoureuse à la rencontre des contenus des sciences théoriques. Que se passe-t-il lorsque le clown va pratiquer les mathématiques ?
C’est à une telle question que nous essayons de répondre en mettant en pratique des idées du genre depuis déjà quelques années. Tout commence avec L’île logique, une compagnie de théâtre et clown (que j’ai montée il y a plus de 10 ans) abordant de façon rigoureuse mais burlesque les sciences théoriques et en particulier les mathématiques. Elle propose à ce jour 8 spectacles de vulgarisation des sciences abstraites (pour tous petits jusqu’aux adultes), des conférences, des animations, des concerts scientifiques, des créations de pièces de théâtre avec des enfants ou adultes, des cours et des ateliers pratiques de théâtre scientifique. La compagnie est soutenue par plusieurs structures scientifiques (IHP, Polytechnique, Palais de la découverte, Cap maths, Animaths, Kangourou, APMEP, EPGG, elle a reçu le coup de cœur du Prix d’Alembert délivré par la SMF) et plusieurs milliers d’enseignants de mathématiques suivent son actualité. Et c’est L’île logique qui est à l’origine de mon livre À l’endroit de l’inversion.
Un livre sur maths et clown ? Et pourquoi pas un bouquin sur choucroute et ping-pong ? Il y a sûrement des pongistes en Alsace… Admettons, c’est un peu incongru en apparence, mais si on creuse ?
Aussi « À l’endroit de l’inversion » est-il à la fois un partage d’expériences, un bilan philosophique et concret, à travers lequel je souhaite montrer à quel point la démarche clownesque peut aider celui qui cherche (dans son labo ou à l’école), celui qui transmet des savoirs (enseignants, animateurs) ou le comédien, le metteur en scène, etc. Alors après avoir défini ce qu’on entend par maths et par clown, on se penche sur les nombreux liens qui les unissent, puis dans une réflexion d’ordre épistémologique on s’interroge sur la question de la création, qui demande de mettre en œuvre des émotions et des sensations, ce qu’est l’intuition, pour enfin aborder les questions de pédagogie et de pensée critique ou comment mettre concrètement en œuvre cette méthode…
Faut-il prendre ce livre au sérieux ? Je n’en sais rien moi-même, chacun fera comme il veut, et si certains passent un bon moment tandis que d’autres en tirent une ou deux idées ce sera déjà très bien car, prévenons, parler du clown n’est pas forcément drôle… Bien sûr, on est amené à aborder concrètement des contenus scientifiques. Mais que le lecteur qui se croit fâché avec les maths ne s’affole pas, il n’est pas indispensable de tout comprendre ; de toute façon, idées lâchées, pensées jetées, le propos pourra sembler parfois assez amphigourique, la preuve. Alors que chacun prenne ce qu’il trouve, et si ça fait polémique tant mieux, si ça fait consensus tant mieux aussi…
- Regards croisés entre clown-théâtre et sciences fondamentales.
- L’archétype du clown comme approche alternative des sciences et des mathématiques, le théâtre comme lieu de décomplexion.
- L’absurde peut-il éveiller le sens critique ?
- L’inversion et le doute pour s’interroger sur la création ou la découverte, sur l’intuition, la trouvaille…
- Qu’est-ce qui motive celui qui cherche ?
- Peut-on aimer avoir des problèmes ?
- In-Con-science, sans avec science…
- Savoir qu’on ne sait pas et ne pas savoir qu’on sait…
- Le sage connaît-il le pas sage ?
- Ni un traité de clown, ni un scénario de maths, juste une vie de l’esprit…
$$ x−x′ =x(1−1′).$$
On y trouve de nombreux exemples de situations clownesques, décalées, humoristiques qui illustrent les mathématiques ou les sciences théoriques, sauriez-vous en trouver ? Comment mettez- vous les maths à l’envers ? Par exemple imaginer la vie d’une personne dont l’âge et la taille seraient proportionnels, ou bien que si on saute en l’air pendant que la Terre tourne alors on retombe là où on était mais ailleurs sur la Terre permet de mettre en évidence de façon absurde ce que sont la proportionnalité dans le premier cas et le principe d’inertie dans le second…
Post-scriptum
Le livre est préfacé par Cédric Villani (mathématicien, médaille Fields et par Bertil Sylvander, maître clown (s’il en est), qui a fondé le Bataclown, une des plus grandes écoles de clown en France. Je les remercie tous les deux pour leur soutien de la première heure.
Article édité par l’équipe du « débat du 18… », A. El Kacimi, F. Recher, V. Vassallo.