Le livre des nombres

Recension

Les secrets de la plus belle invention de l’humanité

Publié le 15 avril 2021

Les nombres sont omniprésents dans notre environnement. Ils sont le langage dans lequel les humains comprennent et expriment la nature qui les entoure. Ils sont naturels mais aussi construction humaine. Hervé Lehning leur consacre un livre à la fois érudit et agréable à lire.

Hervé Lehning a publié en 2017 Toutes les mathématiques du monde, en 2019 La Bible des codes secrets. Suivant la progression arithmétique, il sort en 2021 « Le Livre des nombres, Les secrets de la plus belle invention de l’humanité ». Ce livre reprend et complète celui sorti en 2013, désormais épuisé, « L’Univers des nombres ; de l’antiquité à internet ». Nous nous en étions fait l’écho dans la Revue de Presse de mars d’Images des Mathématiques en promettant au lecteur d’en parler un peu plus.

L’auteur est loin d’être un inconnu dans le paysage de la diffusion mathématique. Un parcours atypique l’a amené à enseigner les mathématiques en classes préparatoires. Il partage avec passion depuis 1987 sa curiosité pour les sciences exactes et s’est consacré totalement, depuis 2010, à la diffusion scientifique en mathématiques, en informatique et en cryptologie. Collaborateur de la première heure de la revue Tangente (le premier numéro est sorti justement en 1987) dont il a été un temps rédacteur en chef, il tient un blog « grand public » sur le site Futura Sciences, un autre blog « plus matheux » sur son site. Il a également publié dans plusieurs revues : Pour La Science, Quadrature, La Recherche, la Revue de Mathématiques Spéciales, l’American Mathematical Society, la Mathematical Association, etc. Sans prétendre à l’exhaustivité, la base bibliographique francophone Publimath en a référencé 1113. Ces articles sont, dit-il, en grande partie la matière première de ses livres de vulgarisation.

Pierre Gallais nous livre son ressenti suite à la lecture de ce livre sortant des mathématiques scolaires.

« C’est avec plaisir que j’ai lu ce livre. Je pense qu’il répond à une demande que j’ai pu avoir devant l’ignorance de l’histoire des mathématiques. Durant les études scolaires, on nous assène des notions mathématiques sans avoir le temps — le soin peut-être — de les rattacher à l’Histoire humaine dont elles sont partie intégrante. Bien souvent si on est bon en mathématique le fait que ces notions aient une histoire — qu’elles soient une ou des aventures avec des réussites, des échecs et une longue période d’affinage — ne nous tracasse pas. Mais pour peu qu’à une occasion nous nous mettions à douter de cet aspect lisse qu’on nous présente… nulle part on ne trouve de réponse. Ici, je pense que si on a fait des études secondaires et que, par dégoût, on n’a pas décroché, on trouve une lecture simple et bien documentée de l’histoire des nombres et de ce qui s’y rattache.

Le premier os d’Ishango
Vraisemblablement bâton de comptage qui n’a pas révélé tous ses mystères…

« Le livre est copieux mais je pense qu’on peut l’aborder par n’importe quel chapitre, l’abandonner et le reprendre plus tard. C’est tout du moins ainsi que je l’ai abordé, parcouru. Facile à lire, avec des informations contemporaines qui permettent de se dire qu’on n’a pas affaire à un livre de « vieille barbe » et que l’aventure mathématique se poursuit encore, même si certaines notions et questions remontent à des temps très anciens.

« Le chapitre intitulé « l’ère du numérique » nous permet de saisir la place et le fonctionnement des nombres binaires dans ces objets contemporains que nous manipulons quotidiennement. Nous entrons, non sans peine mais assez sérieusement pourvu qu’on s’y concentre, dans le fonctionnement des codages, et autres procédures qui régissent la circulation et la transcription des informations au sein de ces machines et objets numériques.

« Le chapitre « Attention danger ! les nombres mensongers » nous présente sur deux cas bien précis et d’actualité — puisqu’il prend comme exemple l’épidémie que nous traversons et celui de « la vache folle » — comment se construisent les évaluations, les risques qui s’y rattachent lorsqu’on ne prend pas de précautions et comment de fausses interprétations peuvent en découler quand bien même elles sont involontaires ou inconscientes. Un bon éclairage sur les statistiques et la nécessité de demeurer vigilant.

« J’ai pris le temps de chercher à répondre à certains petits exercices qui accompagnent les chapitres et je pense qu’on se piquera rapidement au jeu pour peu qu’on porte un intérêt personnel à la résolution des problèmes… signe d’un intérêt particulier à cette mat(h)ière :-)). Mais on peut les ignorer si on ne cherche qu’à se nourrir de l’aventure des nombres et leur place dans notre vie.

De l’os d’Ishango à Occigen
Le supercalculateur Occigen installé par le GENCI (Grand Équipement National de Calcul Intensif) au CINES (Centre informatique national de l’enseignement supérieur), à Montpellier en 2015.

« En le lisant, je me suis dit que j’en offrirai un exemplaire au fils d’une amie qui m’a déjà posé des questions et qui révèle un intérêt chez lui envers les mathématiques. Il a dix ans et je le lui offrirai en lui disant « c’est un cadeau que tu liras peut-être seulement dans 5 ou 8 ans … mais au moins tu l’auras ». C’est un livre que j’aurais bien aimé avoir quand j’étais au lycée… Au collège aussi car certaines questions me tracassaient déjà mais certainement qu’il aurait fallu qu’on adapte. Bien des choses se seraient éclairées d’une lumière qui était absente. »

La découverte des nombres est peut-être le premiers pas mathématique de nos ancêtres (voir le premier os d’Ishango, vieux de près 20’000 ans, en photo). On attend impatiemment de l’auteur une description aussi vivante de leurs pas suivants, pourquoi pas en géométrie…

En refermant ce livre certains se demanderont quelles seront les prochaines étapes, vers quels cieux progressera l’esprit humain, jusqu’où nous irons, si l’accélération que nous connaissons en ce moment de cette formidable aventure ne nous dépasse pas. « L’avenir semble fait d’une foule de questions existentielles petites et grandes, mais son charme tient sans doute à ce qu’il n’est pas écrit d’avance » dit Hervé Lehning dans son épilogue. Il conclue avec cette affirmation : « Dans tous les cas, notre rapport aux machines et aux nombres est à réinventer ».

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ÉCRIT PAR

Bruno Duchesne

Professeur - Université Paris-Saclay

Pierre Gallais

Plasticien, mathématicien - Institut de Mathologie

Régis Goiffon

Chercheur associé - Université Claude Bernard de Lyon

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