À la fin des années soixante le psychologue canadien Laurence J. Peter énonça le principe paradoxal suivant (appelé depuis lors Principe de Peter ) :
« Tout nouveau membre d’une organisation hiérarchique gravit les échelons de la hiérarchie jusqu’à atteindre son niveau d’incompétence maximale ».
L’idée sous-jacente est que les promotions sont accordées aux individus les « meilleurs » mais que la compétence demandée à chaque niveau est essentiellement indépendante (ou au moins bien différente) de celle requise au niveau précédent. Un article paru en 2009 2A. Pluchino, A. Rapisarda, C. Garofalo, The Peter principle revisited: a computational study, Physica A 389 (2009) 467-472. propose une étude calculatoire de ce principe et montre non seulement sa validité mais aussi qu’il entraîne une diminution de l’efficacité globale (que les auteurs définissent) de la structure.
Plus précisément les auteurs étudient deux modèles de transmission de la compétence :
- l’hypothèse du sens commun où un membre de l’organisation hérite de sa compétence au niveau précédent avec une variation aléatoire (d’au plus 10%),
- l’hypothèse de Peter où la compétence de l’agent est calculée de manière aléatoire et est indépendante de sa compétence au niveau hiérarchique occupé avant sa promotion.
Sans surprise, dans le cas de l’hypothèse du sens commun, l’efficacité moyenne augmente de manière significative si on promeut toujours les « meilleurs ». En revanche elle diminue de manière significative si l’on est dans le cas où l’hypothèse de Peter s’applique.
L’étape suivante dans le raisonnement des auteurs est fort intéressante : dans une structure réelle on ne sait pas a priorilaquelle des deux hypothèses s’applique. Quelle est alors la meilleure stratégie de promotion ? Il se trouve que ce n’est pas nécessairement celle qui consiste à promouvoir les meilleurs. Les auteurs étudient alors la promotion systématique des « moins bons », puis la stratégie où l’on promeut les individus au hasard. La meilleure stratégie en termes d’efficacité globale (et si l’on ne sait pas dans laquelle des deux hypothèses on se trouve) est une stratégie mixte où l’on promeut alternativement les meilleurs ou les pires avec un certain pourcentage \(p\) entre 0 et 1, le meilleur choix étant \(p=0,47\)
Pour conclure les auteurs prouvent la validité du principe de Peter dans le cas où l’hypothèse de Peter est vérifiée mais aussi une sorte de principe symétrique, à savoir que si l’on combine ce principe et la promotion des plus mauvais, chacun finit par atteindre son degré de compétence maximale ! Enfin des promotions aléatoires garantissent le maintien de la compétence des individus dans les deux hypothèses.
Les lecteurs auront remarqué que donner une vision quantitative de ce qu’est la compétence est dangereusement proche des évaluations quantitatives fort à la mode ces temps-ci. Les lecteurs pourront aussi se demander dans quelle mesure ces résultats s’appliquent au monde académique (ou à la structure hiérarchique qu’ils connaissent le mieux) : pour semer un peu plus (?) le trouble, je ne manquerai pas de rappeler que les promotions actuelles dans le monde académique (mais aussi dans d’autres structures) du niveau \(n\) au niveau \(n+1\) tiennent terriblement compte du fait que l’individu au niveau \(n\) consacre déjà ou non une grande part de son activité à des tâches ou des responsabilités qui — stricto sensu — sont normalement exercées seulement au niveau \(n+1\)…
Post-scriptum
L’image en logo vient du livre de poche « Le Principe de Peter » de Laurence-J. Peter Raymond Hull.