Je pense naturellement à la bataille et à la victoire des deux cents euros en Guadeloupe. Le retentissement est mondial. Rien au monde n’est plus menaçant que les inégalités qui se creusent entre les très riches et la masse des pauvres, les très puissants et la masse des dominés. Qu’un mouvement de masse fasse céder les très riches et les très puissants, c’est exemplaire.
Exemplaire aussi est la part de la culture dans ce mouvement. A tous égards, les Antilles sont une terre de culture, et j’ai été frappé, comme bien d’autres, par la qualité et la rigueur d’expression des porte-paroles de la LKP (LPK : Lyiannaj kont pwofitasyon, (collectif contre l’exploitation outrancière)), ce mariage réussi de la langue créole locale et du français le plus pur.
L’enseignement des mathématiques y est-il pour quelque chose ? Je n’en sais rien. Mais, là encore, les Antilles sont exemplaires. Il y a une douzaine d’années, le comité scientifique des IREM, que je présidais, avait mené une enquête sur les productions et les activités des IREM, et j’avais été frappé par l’originalité et la haute tenue de ce qui venait des Antilles. En particulier, un rallye mathématique annuel y avait un écho public incomparable à celui des initiatives similaires en métropole.
En 2008 j’ai été amené à préfacer un livre de « manipulations » de géométrie non-euclidienne qui venait de la Guadeloupe, et qui est excellent. Le thème est la géométrie plane hyperbolique sous différents modèles, et la forme est une suite d’exercices, de manipulations à l’aide du logiciel Cabri, une exploration de ces modèles et de leurs relations. Les auteurs sont un Guadeloupéen d’origine, Alain Magen, qui a roulé sa bosse comme étudiant puis professeur de mathématiques en France et dans le monde francophone avant de retrouver la Guadeloupe et de devenir un pilier de l’IREM des Antilles-Guyane, et une Antillaise d’élection, Karine Pérez, ingénieur textile de formation, auteur d’une thèse sur la saisie informatique du corps humain en 3D, puis virant à l’enseignement avant de se fixer en 2001 à la Gaudeloupe et de collaborer avec Alain Magen à des ateliers mathématiques en Martinique. C’est elle qui figure en tête des auteurs. On peut avoir accès au livre ici. « Ce livre mérite un grand salut », c’est ainsi que débute la préface. J’ai plaisir à renouveler ce salut pour illustrer ce qu’il peut y avoir d’exemplaire dans les Antilles aujourd’hui en matière de culture et d’enseignement.