La question des {{nombres congruents}} aurait été mentionnée dans un manuscrit arabe du dixième siècle, selon Dickson, ce qui en fait d’elle une des plus anciennes questions arithmétiques ouvertes.
Le problème est de déterminer les entiers positifs \(d\), qu’on appelle nombres congruents, pour lesquels il existe un triangle rectangle dont tous les côtés sont des nombres rationnels et l’aire est \(d\).
Bien que simple à énoncer la question n’est pas anodine.
Essayons de nous convaincre.
Par exemple, \(6\) est l’aire du triangle rectangle de côtés \(3,4\) et \(5\)
que tout le monde a rencontré lors de la leçon sur le théorème de Pythagore
(notez que \(3^2+4^2=5^2\)).
Si on analyse le nombre \(5\) c’est un peu plus compliqué, mais
on va y arriver: l’aire du triangle de côtés
\(\frac{20}{3}\), \(\frac{3}{2}\) et \(\frac{41}{6}\) est bien \(5\)…
Après ça, il faut
réfléchir un peu avant de comprendre que \(3\) n’est pas un nombre
congruent. Par contre il est bien moins évident, à moins de s’y connaître dans ce que
les spécialistes appellent les {courbes elliptiques}, que \(157\) est aussi un nombre congruent.
Pourquoi ? Parce que le triangle rectangle le plus simple
d’aire 157 a les côtés
\[ \frac{6803298487826435051217540}{411340519227716149383203},
\frac{411340519227716149383203}{21666555693714761309610},\]
\[\frac{224403517704336969924557513090674863160948472041}
{8912332268928859588025535178967163570016480830}.\]
Les nombres congruents sont précisément les entiers \(d\) pour lesquels l’équation
\[ d y^2=x^3-x\]
admet un nombre infini de solutions \(x\) rationnelles.
Des résultats profonds de Tunnell nous amènent à la caractérisation conjecturale
suivante. Supposons que \(d\) n’est divisible par aucun carré parfait (à part \(1\) bien sûr).
On va noter par \(N(d)\) (et respectivement par \(M(d)\)) le nombre des solutions {entières} de :
\[ 2x^2+y^2+8z^2=d,
~{\rm et ~respectivement}~
2x^2+y^2+32 z^2=d, ~{\rm si~ }~ d ~{\rm est~impair, }\]
\[ 4x^2+y^2+8z^2=\frac{d}{2},~{\rm et ~ respectivement}~
4x^2+y^2+32z^2=\frac{d}{2},~{\rm si~}~ d~{\rm est~ pair.}\]
Si \(d\) est un nombre congruent on a l’identité:
\[ N(d) = 2 M(d)\]
Réciproquement, si une fameuse {Conjecture de Birch-Swinnerton-Dyer} était vraie
pour cette famille de courbes elliptiques et \(d\) vérifie l’identité ci-dessus
alors \(d\) serait un nombre congruent. En plus, on peut tester si \(d\) vérifie ou pas
cette identité, car on n’a qu’à essayer toutes les combinaisons possibles d’entiers
\(x,y,z\) de module plus petit que \(\sqrt{d}\). On peut en trouver beaucoup, mais un ordinateur n’aura pas trop de difficultés à les compter pour nous.
Ceci dit, il n’est toujours pas connu si tous les entiers congruents à 5, 6 ou 7 modulo 8 sont congruents…
Pour savoir d’avantage:
P.Colmez, Le problème des nombres congruents,
N. Koblitz: Introduction to elliptic curves and modular
forms, Second edition, Graduate Texts in Mathematics, 97,
Springer-Verlag, New York, 1993