Math en Jeans s’éclate

Tribune libre
Écrit par Étienne Ghys
Publié le 5 avril 2011

Cette fin de semaine, l’association Math en Jeans tenait son 22ème congrès.
A vrai dire, cette année, le congrès s’est éclaté en trois congrès parallèles, à Epinal, Bobigny et Gap.
Chacun des trois sites accueillait plus de 400 jeunes. Imaginez l’ambiance !

Le principe de Maths en Jeans est simple : proposer à de jeunes élèves 2principalement du collège et du lycée, mais aussi en primaire et à l’université., bien sûr volontaires, de travailler ensemble sur d’authentiques problèmes mathématiques, en lien avec un enseignant et un chercheur. Le congrès annuel est l’occasion pour ces élèves de présenter le résultat de leur travail.

Ingrédients types : 1 mathématicien(ne), 2 établissements, avec, dans chacun, un enseignant et une vingtaine d’élèves qui choisissent cette activité ; un bouquet de sujets à la fois attractifs et sérieux ; un calendrier prévoyant, sur l’année, un atelier hebdomadaire (travail collectif en petit groupes de 1h30 à 2h) , 4 « séminaires » réunissant tous les participants, et une présentation « officielle » des résultats (communication en congrès + article).

J’ai participé au congrès de Gap. Voici trois exemples d’exposés auxquels j’ai assisté.

Pavage de terrasse. Deux élèves (de 5ème) se sont posés la question suivante. On se donne une terrasse rectangulaire formée de carrés de 1m de côté et quelques-uns de ces carrés sont « occupés » par des arbres. On veut recouvrir l’espace vacant par des rectangles de pelouse de 2m sur 1m. Est-ce possible ?

Ici, une terrasse de 5m sur 3m contenant trois arbres. A gauche, on peut paver avec des rectangles de 2m sur 1m. A droite, c’est impossible

.

Les élèves n’ont pas résolu le problème général mais ils ont compris quelques cas particuliers, établi quelques conditions nécessaires etc. Après la présentation, au moment des questions, une petite fille (de 6ème ?) demande : « Que se passe-t-il si la terrasse est infinie ? ». Je suis admiratif : c’est une vraie question de mathématicienne !

Le triangle à trois couleurs. Quatre ou cinq élèves de 5ème ont démontré un théorème combinatoire. IL s’agit d’une histoire de décomposition d’un triangle en petits triangles et de colorations des sommets avec trois couleurs. Il est clair qu’ils sont fiers de leur théorème. Lorsque des enseignants posent des questions pour essayer de comprendre, je me régale de voir ces élèves en situation d’expliquer des maths à leurs enseignants, avec une précision de langage étonnante.

Comment améliorer le temps d’attente à notre cantine ? Pour comprendre, les élèves ont réalisé une enquête auprès de leurs camarades : à quelle heure précise sont-ils arrivés dans la file d’attente, combien de temps ont-ils passé dans la queue, à quelle heure sont-ils sortis de la cantine ? Ils ont essayé de comprendre comment le temps d’attente dépend de la distribution des moments d’arrivée dans la queue. Ils ont cherché à bien poser le problème qu’ils veulent traiter. Quel est le but ? Veut-on minimiser le temps moyen d’attente des élèves ou plutôt le temps maximum d’attente ? Les élèves ont fait quelques simulations numériques (à vrai dire peu concluantes pour le moment) mais il n’est pas impossible qu’ils proposent bientôt à leur proviseur une adaptation des horaires du lycée pour améliorer tout cela…

Organiser un tel congrès n’est pas une chose facile. On imagine que l’association n’est pas bien riche. Math En Jeans est soutenu par le CNRS et agréé par l’éducation nationale, mais cela n’a pas empêché l’université de la méditerranée de présenter sa facture pour l’utilisation des salles utilisées par le congrès (alors qu’elles ne sont pas utilisées le weekend). Un comble…

ÉCRIT PAR

Étienne Ghys

Directeur de recherche CNRS émérite, Secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences - École Normale Supérieure de Lyon

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