Nous – enseignants, chercheurs, inspecteurs, etc. – sommes très attentifs aux contenus à enseigner en cours de mathématiques : quels objets mathématiques les élèves doivent-ils rencontrer ? Quels résultats ou outils doivent-ils savoir utiliser ? Quelle preuve peut-on apporter des théorèmes énoncés ? Les objets mathématiques sont essentiellement manipulés au travers du langage. Les élèves découvrent en même temps ces objets, leurs propriétés, et la façon d’en parler. Ces pratiques langagières sont cependant rarement étudiées, ou même explicitées. Peut-être parce que pour nous-mêmes les choses sont naturalisées et restent souvent implicites. En énonçant une propriété, se rend-on par exemple compte de la difficulté à comprendre « les côtés sont deux à deux parallèles » ? (et de la différence de sens avec « les nombres sont deux à deux distincts » ?), ou des quantifications exprimées par « un nombre pair s’écrit sous la forme 2navec n entier », etc.
Il y a là matière à réflexion, pour les mathématiciens et pour les enseignants au moins. Mais sans doute serait-il intéressant que les élèves et les étudiants aient un regard réflexif sur les formulations qu’on leur propose pour les définitions et propriétés de leurs cours, sur les formulations des preuves qu’on leur présente ou qu’on leur demande de produire.
Le travail sur le langage est par ailleurs un levier d’apprentissage puissant : on ne pense pas, on n’apprend pas sans langage. Apprendre les mathématiques ne consiste pas à apprendre à dire des mathématiques, mais s’approprier les pratiques langagières spécifiques de la discipline et les travailler est nécessaire et permet d’accompagner l’apprentissage, d’approfondir la connaissance des objets mathématiques et de leurs propriétés. Les élèves doivent entrer progressivement dans une utilisation plus formelle de la langue, ou dans l’usage de symboles. Il est possible de trouver des activités permettant des écrits intermédiaires, les aidant à prendre petit à petit une posture d’auteur et de lecteur de textes mathématiques, ou de phrases mathématiques.
Les narrations de recherche, les bilans de savoir, le travail sur le lexique ou la confection d’un dictionnaire de la classe de mathématiques, sont sans doute connus et permettent, entre autres, un travail progressif sur la langue. Mais on peut aussi mettre en place des moments de travail de (re)formulation de définitions ou de propriétés du cours, de démonstrations liées à la résolution d’un exercice : écriture individuelle ou collective, relecture et amélioration, débat dans la classe avec l’enseignant sur les choix de formulation, sur les incompréhensions, les ambiguïtés, etc. (voir les travaux du groupe « Léo » de l’IREM de Paris). On peut aussi donner une place plus forte au travail oral, en permettant par exemple aux élèves d’écouter un énoncé (sur un enregistrement numérique), ou d’enregistrer une réponse à un exercice (voir les travaux de l’IREM de Besançon).
Le travail sur les formulations et les pratiques langagières en mathématiques permet une nouvelle entrée sur l’apprentissage des mathématiques elles-mêmes. Pourquoi s’en priver ?
Références
- « Mathématiques et maîtrise de la langue », document d’accompagnement des programmes de mathématiques du cycle 4, 2016.
- « Ressources autour des questions liées au langage dans l’enseignement des mathématiques », groupe « Léo » de l’IREM de Paris.
Post-scriptum
Ce texte appartient au dossier thématique « Mathématiques et langages ».
Article édité par Jérôme Germoni.