Mathématiques – un dépaysement soudain

Actualité
Publié le 8 novembre 2011

Du 21 octobre 2011 au 18 mars 2012.


Créée à l’initiative de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, l’exposition Mathématiques propose un « dépaysement soudain », selon la formule du mathématicien Alexandre Grothendieck.

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Parmi les mathématiciens qui ont contribué à la création de l’exposition, huit en ont été les maîtres d’œuvre : Sir Michael Atiyah, Jean-Pierre Bourguignon, Alain Connes, Nicole El Karoui, Misha Gromov, Giancarlo Lucchini, Cédric Villani et Don Zagier. Neuf artistes, ayant déjà tous exposés à la Fondation Cartier, ont été sollicités « pour leur qualité exceptionnelle de curiosité et d’émerveillement » : Jean-Michel Alberola, Raymond Depardon et Claudine Nougaret, Takeshi Kitano, David Lynch, Beatriz Milhazes, Patti Smith, Hiroshi Sugimoto et Tadanori Yokoo, avec le concours de Pierre Buffin et de son équipe.

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Misha Gromov nous présente la bibliothèque des mystères avec ce texte.

Deux miroirs semi-transparents : l’un cache derrière lui les tréfonds de votre esprit, l’autre fait écran entre l’Univers et vous.

De multiples reflets de motifs lumineux vous submergent. Ces taches rouges sur l’écran sont-elles les restes d’une galaxie morte lointaine de plusieurs millions d’années-lumière qui se consument, ou bien votre vision mentale éblouie par les braises rougeoyantes de peurs et de désirs reptiliens, vieux de plusieurs millions d’années, dans une chambre cachée de votre cerveau ?

Perdu… mais scrutant profondément les ténèbres de l’espace anonyme, ni à l’intérieur ni à l’extérieur de ce que vous appelez « moi-même », vous percevez des chuchotements sans son, des visions sans lumière – l’Univers, se reflétant dans les miroirs des esprits des autres, essaie de vous parler dans un langage fait d’invisibles et silencieux cordons de symboles hiéroglyphiques.

Douloureusement, avec effort, presque comme un rêve, vous vous apercevez que les symboles sont des mots et les miroirs des livres. Vous entamez la lecture et votre conversation avec l’Univers commence.

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Et c’est avec ce deuxième texte de Gromov 2Publié pour la première fois dans Les Déchiffreurs. Voyage en mathématique, Belin, Paris (2008). que Patti Smith nous invite dans la salle des quatre mystères.

Le premier mystère du monde est celui de la nature des lois de la physique. On pense à une structure rayonnant à partir d’un point unique, point de départ dont la seule caractéristique perceptible est une symétrie absolue, et cette symétrie se dilue et se dissipe au fur et à mesure que l’univers se révèle à l’observateur humain.

Le deuxième mystère est celui de la vie. La structure symétrique de la matière physique, se dissipant, évolue vers un autre type de structure, condensée en îlots de réalité dans l’exponentielle immensité des potentialités.

Le troisième mystère réside dans le rôle du cerveau. Une masse de matière organique, qui s’est développée accidentellement et apparemment amorphe, est capable, en suivant des voies dictées par la physique, de sélectionner une réponse adéquate dans un ensemble doublement exponentiel de possibilités (peut-être imaginaires ?).

La seule manière de représenter l’une ou l’autre de ces trois structures dans un format que l’esprit (ou le cerveau ?) humain puisse appréhender est de construire des modèles mathématiques.

Pratiquement tout ce que nous voyons en mathématiques aujourd’hui a évolué sous l’influence du premier de ces trois mystères. Les mathématiciens cherchent toujours et encore la symétrie ultime de l’univers rapportée à l’entendement humain. Mais rien de tel n’a jamais été à même d’élucider les structures de la vie et de l’esprit (ou du cerveau). Et voici qu’apparaît le quatrième mystère, celui de la structure mathématique. Pourquoi et quand apparaît-elle ? Comment pouvons-nous la modéliser, et comment le cerveau parvient-il à l’élaborer, à partir du chaos des inputs externes ?

Cette exposition est également l’occasion de parler de pavages de Penrose, de la spirale d’Ulam, de l’accélérateur LHC, de sangaku, ou encore d’admirer le ciel mathématique d’Henri Poincaré et même une surface de révolution à courbure négative. Et aussi bien d’autres choses à découvrir dans cette exposition que l’on prendra plaisir à visiter.

ÉCRIT PAR

Aurélien Alvarez

Professeur - Rédacteur en chef d'IdM - École normale supérieure de Lyon

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