Lorsqu’on effectue des calculs similaires à ceux du billet Au large des côtes de la linéarité, le lien entre le nombre de départ et le nombre de sortie de l’algorithme s’appelle une homographie.
Pour vous exercer sur une situation analogue à celle du problème « De l’or, seulement de l’or », nous allons introduire un outil qui rendra plus agréables, les calculs sur les homographies. Expliquons de quoi il s’agit.
Par exemple, l’homographie de ce problème est celle qui au nombre \(A\) de départ associe le nombre final \(\frac{7A+3}{2A-7}\).
L’homographie du problème 3 est celle associant à un nombre \(A\) au départ, le nombre \(\frac{0A-1}{A+\phi}\) où on a noté \(\phi\) le nombre d’or, c’est-à-dire le nombre \(\frac{1+\sqrt 5}{2}\).
Une autre manière d’écrire une homographie est de \(\underline {{\rm{n’en}}}\) noter \(\underline {{\rm{que}}}\) des coefficients : par exemple, les nombres 7 ; 3 ; 2 et –7 pour le problème « L’effet Dimdim » et les nombres 0 ; –1 ; 1 et \(\phi\) pour le problème d’après.
On peut utiliser la disposition en tableau
\(\left[ {\begin{array}{*{20}{c}} 7 & 3 \\ 2 & {-7} \end{array}} \right]\) et
\(\left[ {\begin{array}{*{20}{c}} 0 & {-1}\\ 1 & \phi \end{array}} \right]\).
De cette façon, appliquer l’algorithme du problème 3 au nombre \(A\) peut s’écrire: \(\left[ {\begin{array}{*{20}{c}} 7 & 3 \\ 2 & {-7} \end{array}} \right] \left[ {\begin{array}{*{20}{c}}
A\\
1
\end{array}} \right]\) ce qui est égal à \(\frac{7A+3}{2A-7}\).
On choisit un nombre réel positif noté T.
On s’intéresse à l’algorithme suivant :
- Effacer le tableau.
- Ecrire un nombre entier au tableau.
- Ajouter 1 et écrire le résultat sur une feuille.
- Reprendre le nombre entier au tableau et cette fois.
- Soustraire le nombre T.
- Prendre l’opposé et écrire le résultat sur la feuille.
- Diviser le premier résultat au tableau par le deuxième.
- Ecrire le résultat au tableau.
Expliquer pourquoi, on doit choisir le nombre T égal au nombre d’or, pour que cet algorithme répété cinq fois redonne le nombre de départ.
Solution
L’homographie de cet algorithme transforme un nombre \(A\) en le nombre \(\frac{A+1}{-A+T}\).
Le tableau correspondant est \(\left[ {\begin{array}{*{20}{c}} 1 & 1 \\ -1 & T \end{array}} \right]\)
Le tableau correspondant au même algorithme appliqué cinq fois successivement s’en déduit:
\(\left[ {\begin{array}{*{20}{c}} -T(T+1)^2 & (T+1)(T^3-2T-1) \\ -T^4-T^3+2T^2+3T+1 & T^5-4T^3-3T^2+T+1 \end{array}} \right]\)
Pour que l’algorithme redonne le nombre de départ (quelque soit la valeur, différente de T bien entendu, de ce nombre de départ), il est nécessaire que \(-T^4-T^3+2T^2+3T+1 = 0\) et que \((T+1)(T^3-2T-1)=0\).
Ces deux équations sont équivalentes. Leurs solutions communes (c’est-à-dire, les valeurs possibles pour \(T\)) sont \(-1\), le nombre d’Or \(\phi=\frac{1+\sqrt 5}{2}\) rencontré précédemment, et l’opposé de l’inverse du nombre d’Or \(\frac{-1}{\phi}=\frac{1-\sqrt 5}{2}\). Comme \(T\) est un nombre positif (donc différent de \(-1\) et de \(\frac{-1}{\phi}\)), nécessairement \(T=\phi »\).
Conclusion: Parmi tous les algorithmes transformant un nombre \(A\) en un nombre \(\frac{A+1}{-A+T}\), le seul qui redonne toujours le nombre \(A\) au bout de cinq répétitions successives est celui pour lequel on aura choisi pour \(T\) la valeur \(\phi\). On peut (naïvement) s’étonner encore une fois, de l’apparition inattendue du nombre d’Or comme le nombre magique dans un problème où les données ne font intervenir « que les opérations « choisir un nombre de départ, ajouter 1, prendre l’opposé, diviser et répéter cinq fois pour retrouver le nombre de départ » ! »
Et si on s’intéressait à des problèmes semblables au précédent mais en remplaçant les cinq répétitions par une autre nombre… observerait-on encore des propriétés de même nature ?
Nous allons maintenant étudier cette question.
Le jeu d'Olga et d'Adam
Adam Lalune est un grand rêveur. Il est aussi grand joueur. Aujourd’hui, il va passer les vacances chez ses grands-parents et pendant le trajet il joue à l’arrière de la voiture avec sa cousine du même âge, Olga Rizmi. Une partie du jeu peut débuter dès qu’il a relevé un nombre (sur un panneau, une plaque minéralogique, etc.) et consiste à faire subir à ce nombre (qu’il appelle « la graine ») la série d’opérations suivante :
- Ajouter le double de son âge
- Diviser par le triple du carré de son âge
- Prendre l’inverse
- Soustraire son âge
- Prendre l’opposé
Au résultat, il applique à nouveau cette série d’opérations puis recommence à nouveau avec le dernier résultat obtenu. Puis répète encore et encore. Pour ne rien vous cacher, Adam est un peu étourdi – mais honnête –. Il avoue qu’il lui est arrivé d’échanger les étapes (1) et (4) («pas plus d’une ou deux fois», nous assure-t-il). A un moment, sa cousine lui demande le nombre qu’il vient d’obtenir à l’issue d’une série de ses opérations. Olga prend alors « le relai » et applique à ce nombre sa propre série d’opérations :
- Ajouter son âge
- Prendre l’inverse
- Multiplier par son âge au carré
- Prendre l’opposé
A son tour, Adam joue en partant du résultat d’Olga.
Il a remarqué qu’après un certain nombre de répétitions, il retrouve la graine du départ.
Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Solution
L’homographie associée à la série d’opérations d’Adam est \(A \mapsto k – \frac{{3{k^2}}}{{A + 2k}}\)
où on a noté A la graine et \(k\) l’âge commun aux cousins. Son tableau est \(\left[ {\begin{array}{*{20}{c}} k & -k^{2} \\ 1 & 2k \end{array}} \right]\)
Lorsqu’Adam se trompe, l’homographie associée est \(h^{-1}\).
L’homographie associée à la série d’opérations d’Olga est \(h^2\).
Comme \(h^6(A)=A\), si Adam répète \(n\) fois sa série d’opérations sans se tromper et \(m\) fois en se trompant (échange des étapes (i) et (iv)) et qu’Olga répète \(p\) fois sa propre série d’opérations, le nombre final est l’image de la graine par \(h^{n-m+2p}\)(i.e. \(n-m+2p\) fois l’homographie \(h\)).
Dès qu’Adam aura répété \(n\) fois de sorte que \(n-m+2p\) soit un multiple de 6, il retrouvera la graine.