IdM aux journées nationales de l’APMEP

Actualité
Écrit par René Cori
Publié le 1 novembre 2022

Plusieurs centaines de professeurs de mathématiques se retrouvent chaque année, les premiers jours des vacances de la Toussaint, au rendez-vous que leur donne l’APMEP 2Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public.

Ils peuvent assister à des conférences, participer à des ateliers, à des débats, faire connaissance avec des collègues et échanger avec eux, goûter à des moments de convivialité, à des découvertes culturelles et artistiques. Toutes les facettes du métier sont à l’honneur : contenus mathématiques, didactique, épistémologie, histoire et philosophie des sciences, pédagogie… Mais aussi aspects institutionnels : conditions de travail, programmes, horaires, directives de l’administration, politique éducative…

Cette année, l’organisation des journées incombait à la régionale Poitou-Charente de l’association. Elle avait adopté pour thème Où se cachent les mathématiques ? et fait le choix très judicieux de la ville de Jonzac, attrayante cité thermale des Charentes Maritimes, pour accueillir les quelque 600 congressistes. Il faut souligner d’emblée l’excellence du travail de l’équipe organisatrice. Les conditions de confort étaient remarquables et l’environnement de grande qualité, aussi bien pour les séances de travail que pour les moments de détente.

La traditionnelle cérémonie d’ouverture a été marquée par un moment très fort : l’allocution de Claire Piolti-Lamorthe, qui inaugurait là publiquement son mandat de présidente de l’association (elle a succédé en juin à Sébastien Planchenault). Très combatif, son discours a notamment consisté en un état des lieux de l’enseignement des mathématiques conforme à la réalité, c’est-à-dire, hélas, extrêmement inquiétant. Elle a interpelé les responsables de l’institution, et en premier lieu le ministre de l’Éducation nationale. Pap Ndiaye met en effet en avant trois grands principes auxquels on ne peut que souscrire : « l’excellence pour tous, l’égalité des chances et le bien être des élèves ». Mais Claire Piolti-Lamorthe a montré que les conditions de leur mise en œuvre, déjà très mauvaises, continuaient à se dégrader. Elle a ajouté que seule l’action collective peut permettre de faire avancer les choses et elle a exhorté tous les collègues à se mobiliser dans ce but. Pour l’APMEP, la nécessité d’agir collectivement se manifeste notamment dans son engagement, aux côtés de la CFEM et d’autres associations ou sociétés savantes, au sein du collectif Maths-Sciences.

Une autre intervention a retenu l’attention lors de la cérémonie d’ouverture : celle du président de la Communauté des communes de Haute Saintonge et ancien maire de Jonzac. Claude Belot a évoqué les réalisations qui ont été faites à Jonzac en matière d’équipements et de promotion de la culture et de la science. Les congressistes ont pu en voir les effets tout au long des journées qui ont suivi.

Invitée à faire la conférence d’ouverture des journées, Maria Esteban, directrice de recherche au CNRS, ancienne présidente de la SMAI, a d’abord fait part de ses inquiétudes au sujet de la dégradation de l’enseignement des maths au lycée. Elle est ensuite entrée dans le vif du sujet : « Les mathématiques, vecteur d’innovation et de progrès ». Elle a présenté de nombreuses applications des mathématiques dans des domaines variés, avec l’enthousiasme et le talent que beaucoup ont déjà eu l’occasion d’apprécier. Les questions de l’auditorium ont surtout porté sur les applications « indésirables » des mathématiques. Sa réponse a été que les scientifiques ne sont pas responsables de l’utilisation malintentionnée de leurs travaux et que chacun décide selon sa conscience et son éthique de participer ou non à des programmes de recherche.

Les deux jours suivants ont été consacrés à des débats, des conférences en parallèle, des questions d’actualité, des réunions institutionnelles, et surtout à 118 ateliers sur les sujets les plus divers, de « À la recherche des maths cachées dans la littérature » à « L’implication, pierre angulaire du raisonnement », en passant par « Un peu du monde du triangle », « Enseigner les fractions en REP : du gâteau ? », « Histoire des logarithmes en classe » ou « Zoom sur Images des Mathématiques ». Nous ne pensons pas vous surprendre en vous disant que ce dernier a retenu toute notre attention… Nous y revenons plus loin.

Un thème a été particulièrement mis en lumière : les stéréotypes de genre (et donc l’aggravation des inégalités filles/garçons dans l’apprentissage des mathématiques). Deux ateliers et une table ronde lui ont été consacrés.

Le dernier jour, l’assemblée générale de l’association, où ce sont surtout des questions de fonctionnement interne qui ont été débattues, a donné à Claire Lommé, membre du bureau national, l’occasion d’enchanter l’auditoire avec un joli poème qu’elle a composé pour promouvoir les brochures de l’APMEP !

Enfin, dans sa conférence de clôture, Mickaël Launay nous a proposé une « cartographie des mathématiques qu[’il] ne comprend pas ».
Il y a évoqué de nombreux théorèmes et de nombreuses conjectures qui, pour le moins, donnent à réfléchir. Du lac des évidences au récif des fausses bonnes idées, en passant par la plaine des preuves, les montagnes de l’analogie ou les grottes de la perplexité, il nous a invité à un passionnant tour du monde mathématique en 80 minutes. Nous retiendrons surtout l’escale sur la Terra incognita, à propos de laquelle l’orateur nous a averti que la carte qu’il nous présentait depuis le début n’était pas à l’échelle ! Si elle l’avait été, seule cette Terra incognita aurait été visible à l’œil nu. Tout le reste aurait tenu en un seul pixel ! Belle leçon d’humilité…

Une (toute petite) réserve, toutefois : peut-être Mickaël Launay a-t-il un peu présumé des capacités de concentration et d’assimilation d’une partie de son auditoire, lorsqu’il nous a exposé un joli problème en lien avec ses travaux de recherche en probabilités. Il s’agissait d’une histoire d’apparence anodine : celle d’une fourmi qui se promène le long des côtés d’un carré. mais la suite pouvait passer un peu au-dessus de certaines têtes. C’est certain en tout cas pour celle de l’auteur de ces lignes…

Les journées nationales de l’APMEP, c’est aussi un salon des exposants, où les congressistes peuvent parcourir de nombreux stands à la rencontre d’éditeurs de manuels ou de logiciels, de concepteurs de jeux mathématiques variés, de militants associatifs présentant leurs activités en lien avec les maths, d’animateurs d’associations ou sociétés savantes, de représentants de partenaires institutionnels de l’éducation nationale, sans oublier les acteurs régionaux, avec une mention spéciale pour la dégustation de produits fort appétissants !

Idéalement situé au centre des congrès de Jonzac, lieu principal de ces journées 2022, où se concentraient la plupart des activités (le lycée Jean Hyppolyte accueillant pour sa part des ateliers et servant de lieu d’hébergement et de restauration), le salon des exposants a connu une très importante fréquentation.

Images des Mathématiques avait déjà tenu un stand l’an dernier au salon des exposants des journées nationales de Bourges. Nous avons renouvelé l’expérience cette année à Jonzac. Le but est de mieux faire connaître le site aux praticiens que sont les professeurs de mathématiques de lycée, de collège, et pourquoi pas du primaire. Il y a eu pas mal de passage devant le stand, mais il n’est pas facile d’en mesurer précisément l’impact : contrairement à la plupart des autres exposants, nous n’avons rien à vendre, aucun support matériel à offrir (hormis quelques dépliants…), et tout ce que nous pouvons promouvoir, c’est un site web recelant quantité de pépites que les enseignants peuvent exploiter dans leurs classes. Le fait est que, si pas mal de collègues ont au moins entendu parler de notre site, peu l’ont déjà visité et encore moins le fréquentent régulièrement. Cette deuxième expérience nous encourage cependant à persévérer.

Car Jonzac a été pour nous l’occasion d’innover en proposant de surcroît un atelier : Zoom sur Images de Mathématiques, où nous allions pouvoir faire une présentation détaillée du site et le visiter en compagnie des collègues présents. Disons tout de suite que les circonstances ne nous ont pas été favorables. Prévu au lycée Jean Hyppolite en fin de journée la veille de la clôture du congrès, notre atelier faisait suite à des séances de questions d’actualité qui, elles, se tenaient au centre de congrès et ont accaparé une bonne partie de l’énergie des collègues, dont plusieurs ont renoncé à se déplacer à nouveau pour cette ultime séance. Mais si le nombre n’était pas au rendez-vous, la qualité, elle, y était, et nous avons eu des échanges très intéressants avec les collègues qui étaient venus. Il faut dire que Régis Goiffon a animé cet atelier de main de maître ! Il avait préparé pour cela une excellente présentation, dont vous pourrez bientôt prendre connaissance ici.

Plusieurs des collègues présents, sans être des habitués de notre site, en avaient déjà entendu parlé, et certains l’avaient visité plusieurs fois. Tout ce qui s’est dit nous a confortés dans l’idée que le faire connaître à davantage de professeurs est une action utile. Laissons la parole à Anne-Cécile, professeure qui partage son temps entre un collège et l’INSPE de son académie, où elle forme les futurs professeurs du secondaire. Son message nous semble être une excellente incitation à rendre visite à Images des maths :

« Je vais sur Images des Maths quand j’ai besoin d’une image fiable, d’une image libre de droits. Pas une image toute seule, mais des explications et des liens qui vont avec. Cela me permet de présenter clairement les choses à mes élèves. La première fois, je cherchais de belles images sur les fractales (et je les ai trouvées !). Il y a quelques jours, j’ai parlé du papyrus Rhind à mes étudiants et professeurs stagiaires de l’INSPE. Je suis allée après coup sur Images des Maths et j’y ai trouvé des ressources très intéressantes, qui me permettront d’agrémenter mon cours la prochaine fois. Mais aussi d’en parler à mes élèves collégiens. De fait, Images des Maths est un outil particulièrement bien indiqué pour parler d’histoire des sciences. Une fois que j’arrive sur le site, de fil en aiguille, je trouve beaucoup de choses qui attirent mon attention. Et j’en mets de côté en prévision d’une utilisation future. Je suis persuadée que mes collègues, qu’elles ou ils soient au lycée, au collège ou dans le primaire, trouveront sur Images des Maths énormément de matériau à exploiter avec leurs élèves. J’ajoute qu’avec ce site on est protégé contre les informations douteuses et autres fake news. On peut y aller en toute confiance ! ».

Nous serons donc à nouveau présents l’année prochaine.

Si nous avions eu la moindre hésitation à ce sujet, la présentation alléchante qu’ont faite les collègues de la Régionale de Bretagne, venus en nombre à Jonzac, des Journées 2023 à Rennes l’aurait de toute façon immédiatement dissipée !

ÉCRIT PAR

René Cori

Maître de conférences retraité - Université de Paris

Partager