La matematica es un arma cargada de futuro

Tribune libre
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Publié le 6 mars 2010

Hier j’ai regardé la journée de la jupe, un film puissant racontant la dérive d’une enseignante après qu’elle a trouvé un revolver dans les affaires d’un de ses élèves.

J’ai été bouleversé en réfléchissant à ces questions, même si je ne me suis pas identifié (il s’en faut de beaucoup pour que la classe dans laquelle j’enseigne ait des points de comparaison avec celle de Mme Bergerac, alias Isabelle Adjani). Je n’ai pas trouvé de réponses, ni même d’éléments de réponse aux problèmes, vastes, soulevés par le film.

Et j’ai réfléchi à ce que je pourrais bien trouver dans le sac de mes élèves ! Quelles armes ? Alors je me suis souvenu de Gabriel Celaya qui disait, comme un manifeste, La poesia es un arma cargada de futuro.

Poesía para el pobre, poesía necesaria
como el pan de cada día,
como el aire que exigimos trece veces por minuto

Et c’est vrai que je pourrais trouver de vraies perles, de quoi avoir foi en la jeune génération, croire qu’elle va nous offrir un monde meilleur.

Je propose, une fois par semaine, à chacun de donner un défi au reste de la classe. Plus le défi dure, meilleur il est, mais il faut que chacun puisse l’aborder, il faut une solution accessible à chacun. A la fin de l’année j’offrirai un cadeau (surprise) à celles et ceux qui ont proposé le(s) meilleur(s) défi(s).

Celui du moment a été proposé par Bastien : combien de figures convexes peut-on fabriquer à partir d’un jeu de Tangram ?

Ce qui est fort dans les mathématiques, pour qui n’en a pas peur, c’est qu’elles sont accessibles à tou(te)s, même les plus pauvres. Elles sont, je crois, nécessaires. Nécessaires pour le futur qu’elles contiennent en germes. La force de ce potentiel, c’est qu’il n’est pas tourné vers quelque chose d’imposé, de prédéterminé, il est avant tout espace de liberté. Qui utilise les mathématiques en fera ce qu’il voudra : ce n’est pas une discipline de spécialisation.

On manque de ce temps de contemplation, de réflexion. C’est vrai que notre formation (primaire, secondaire) n’accorde que peu de place à la philosophie. Et puisqu’on peut se demander à quoi servent les mathématiques dans la formation d’un être humain, je crois important de dire, comme un manifeste, qu’elles sont un espace de potentialités. On peut les faire marcher au son du clairon (que l’on soit soldat ou général), les utiliser pour asseoir un pouvoir ou reproduire des schémas sociaux, mais on peut tout autant s’en servir pour échapper à la folie du monde, pour aller au-delà des étoiles ou plonger dans un monde à sa propre image.

Quoiqu’on choisisse, on peut s’en servir pour avancer ses idées, les défendre, discuter, échanger, partager … aimer. Et c’est cette potentialité, loin du pouvoir, qui les rend nécessaires.

Mathématique pour le pauvre, mathématique nécessaire
Comme le pain quotidien
Comme l’air dont nous avons besoin treize fois par minute

 

Crédits images

A la une – Portrait de Gabriel Celaya by Alberto Schommer, CC BY-SA 3.0  via Wikimedia Commons.

ÉCRIT PAR

François Sauvageot

Professeur - Lycée Alain-René Lesage - Académie de Rennes

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