Quelles images des maths ?

Tribune libre
Publié le 15 décembre 2009

Evidemment, les mathématiciens et les non-mathématiciens ne voient pas les mathématiques de la même manière. Cela paraît idiot de le dire. Mais en quoi est-ce que les deux visions diffèrent ?

Sans prétendre que tous les matheux ont la même façon de voir leur discipline, ni que tous les non-matheux envisagent les maths de la même façon, je veux témoigner de la manière dont ma propre vision a basculé à mesure que j’entrais dans la recherche.

Au lycée et en classe préparatoire, les mathématiques qu’on m’enseignait faisaient penser à une architecture grandiose : un ensemble de théories admirablement construites, toujours bien plus riches que ce que le programme nous laissait entrevoir, et dont je découvrais avec ravissement que, non contentes d’entretenir entre elles toutes sortes de relations, elles fournissaient un langage efficace à la physique. C’était plutôt intimidant, et je n’imaginais pas que je pourrais y apporter une contribution quelconque.

Cette image n’a pas disparu. C’est plutôt qu’une autre image, à peu près contradictoire, est venue s’y superposer sans l’effacer : celle d’un grand chantier du Tiers-Monde, avec des ébauches de constructions autour desquelles s’activent des masses d’ouvriers mal outillés, et séparées par d’immenses terrains vagues.

Voilà ce que sont peut-être aussi les mathématiques de notre temps. Ce que nous savons n’est rien à côté de ce que nous ne savons pas, et ce que nous ne savons pas n’est rien à côté de ce que nous ne sommes même pas capables d’imaginer !

La première image est plus impressionnante. La seconde, la seconde… je la trouve plus réaliste, mais il ne faut pas la croire déprimante. Au contraire, c’est elle seule qui m’a donné l’autorisation d’avancer.

ÉCRIT PAR

François Blanchard

Directeur de recherche - CNRS

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