Sciences et curiosités à la cour de Versailles

Tribune libre
Publié le 11 décembre 2010

 

Il fut un temps où présenter une démonstration ou une expérience devant la cour et en présence du roi était considéré comme la consécration suprême, l’équivalent de nos jours d’un prix Nobel. Du 26 octobre 2010 au 27 février 2011, Sciences et curiosités à la cour de Versailles, une exposition passionnante pour tous les amoureux des sciences.

Le premier héros de cette exposition est le fameux Rhinocéros de Louis XV, arrivé à la Ménagerie de Versailles le 11 septembre 1770 après un long voyage depuis les Indes. Après avoir été la curiosité du public pendant 22 ans, le malheureux est tué d’un coup de sabre par un révolutionnaire le 23 septembre 1793. Sa dépouille fut alors transférée au Muséum national d’histoire naturelle et fut naturalisée par Jean-Claude Mertrud et Félix Vicq d’Azyr. Il s’agit de la première opération de taxidermie moderne sur un animal de cette taille. 3 Pour la petite anecdote, lors d’une restauration de l’animal en 1992, les spécialistes se sont rendus compte que sa corne n’était pas la sienne (!), mais celle d’un rhinocéros noir africain. Cette dernière fut donc remplacée par le moulage d’une corne tronquée de rhinocéros indien, provenant des anciennes collections royales.

Le Rhinocéros de Louis XV

Après cette première rencontre et quelques marches, on se retrouve au milieu d’une pièce elliptique sur les murs de laquelle est projeté un film qui plonge véritablement le visiteur au cœur de tout Versailles. Quelques minutes et pas moins de vingt lieux de sciences pour revivre, entre autres, le premier vol d’une montgolfière, la dissection d’un cheval dans les Écuries ou une éclipse au Grand Trianon. Une superbe réalisation dont voici le making-of.

Comme cette exposition est très riche, très bien documentée et que ce billet a vocation à être court (!), je vous propose une rapide promenade parmi quelques-unes des curiosités de cette exposition. Sur cette huile sur toile d’Henri Testelin, Colbert présente à Louis XIV les membres de l’Académie royale des sciences.

Colbert présentant l’Académie royale des sciences à Louis XIV

Conçu par François Villette vers 1670, le miroir ardent de Louis XIV suscite immédiatement un immense intérêt, y compris à l’étranger. Avec son diamètre de presqu’un mètre, ce miroir est une véritable prouesse technique pour l’époque. De nombreuses démonstrations sont données où l’on voit les rayons du soleil réfléchis dissoudre briques, bois, cailloux et métaux les plus durs.

Le miroir ardent de Louis XIV

L’une de ces expérimentations fut menée dans la petite Galerie de Louis XIV et fit une forte impression au Roi-Soleil et à sa cour. Une bougie placée devant le miroir à la verticale suffit pour que la lumière réfléchie éclaire toute la galerie. Séduit, Louis XIV n’hésita pas à verser 7 000 livres (somme très conséquente pour l’époque) pour l’acquérir en 1669.

Présenté devant l’Académie royale des sciences le 23 août 1749, puis devant Louis XV en 1750, l’extraordinaire pendule astronomique prend place dans le cabinet des pendules en janvier 1754. Inventé par l’ingénieur Claude-Siméon Passemant, l’horlogerie est mise au point par Louis Dauthiau et indique la date, l’heure réelle, l’heure moyenne, les phases de la lune et le mouvement des planètes d’après Copernic. Un véritable bijou d’art et de précision.

L’abbé Nollet est un physicien qui ne manque pas d’ingéniosité pour concevoir des expérimentations claires et distrayantes. En particulier, il est grand spécialiste des décharges électriques connues sous le nom de «commotions» électriques. Pensant diminuer l’intensité de la décharge, il l’a fait passer par plusieurs personnes se tenant par la main ! La plus célèbre de ces décharges en chaîne fut effectuée dans la galerie des Glaces en présence de toute la cour le 14 mars 1746, et selon les récits, on parle de 64 personnes, puis 140, voire 240. Louis XV lui-même se fait donner la décharge plusieurs fois en privé avec d’autres membres de la cour et l’expérience est reprise dans toute l’Europe. À lui seul, Nollet aurait ainsi électrisé plus de 2000 personnes pendant les premiers mois de 1746 !

L’expérience de la décharge

Restée dans la mémoire de tous, c’est certainement l’expérience des frères Montgolfier le 19 septembre 1783 en présence du roi, de la reine et de la famille royale, après avoir obtenu l’autorisation de l’Académie des sciences de faire une démonstration de leur ballon à air chaud à Versailles. Dans l’avant-cour du château, à 19 mètres de hauteur, un panier d’osier porte un mouton, un canard et un coq : c’est le premier essai avec des êtres vivants. Une fois lâché, le ballon à air chaud monte à 500 m environ, vole huit minutes et atterrit à Vaucresson, sans dommage pour ses passagers.

L’expérience aérostatique

Louis XVI, qui a observé l’ascension à la lunette depuis son appartement, reçoit Étienne de Montgolfier et lui témoigne sa satisfaction. Le ballon à air chaud devient dès lors une invention royale illustrant l’ingéniosité française, alors que des délégations étrangères étaient justement présentes ce jour-là pour la signature du Traité de Paris. 4C’est du château de La Muette que le premier vol humain s’effectuera le 21 novembre suivant.

Comme j’ai promis de faire court, je vais m’arrêter là. Mais il y a vraiment beaucoup beaucoup d’autres choses superbes à découvrir dans cette exposition qui se referme avec quelques mots sur les institutions héritières des fondations royales :

  • la Bibliothèque nationale de France ;
  • la Bibliothèque municipale de Versailles ;
  • le Conservatoire national des arts et métiers et son musée ;
  • l’Académie des sciences et l’Institut de France ;
  • l’Observatoire de Paris ;
  • le Muséum national d’histoire naturelle.

Je ne résiste pas à mentionner dans ce billet que, dans un tout autre style, on peut également voir en ce moment dans les Grands Appartements du roi des œuvres qui auraient peut-être plu à la cour…

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ou peut-être pas…

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Assurément, il faut aimer l’art contemporain ! Si c’est le cas, il ne vous reste que quelques jours pour apprécier cette exposition de l’artiste japonais Takashi Murakami. C’est par exemple cette jeune fille qui vous invitera à entrer dans la Galerie des Glaces…

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… ou vous pourrez admirer d’autres œuvres comme celle-ci…

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Crédits images

Aurélien Alvarez

ÉCRIT PAR

Aurélien Alvarez

Professeur - Rédacteur en chef d'IdM - École normale supérieure de Lyon

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