Trajectoires et temps d’arrêt

Réflexions d’historiens autour de l’exposition Borel

En 2020, l’organisation d’une exposition à l’Institut Henri Poincaré fut décidée pour l’année suivante, à l’occasion du futur cent-cinquantenaire de la naissance d’Émile Borel (1871-1956), et du centenaire de son élection à l’Académie des sciences. La conception en fut confiée à six historiens des sciences (Alain Bernard, Martha-Cecilia Bustamante, Matthias Cléry, Caroline Ehrhardt, Hélène Gispert, Laurent Mazliak) et l’exposition ouvrit en septembre 2021 à l’IHP et y resta visible jusqu’au mois de février suivant. Composée essentiellement de panneaux d’affichage, et donc facilement empruntable auprès du service de communication de l’Institut, elle fut ensuite exposée dans différents lieux (CIRM, université de Toulouse…).

Les réunions préparatoires de l’événement tout au long de l’année académique 2020-2021 m’avaient convaincu que le groupe d’historiens rassemblés à cette occasion formait un ensemble assez original aussi bien en raison de la variété de leurs centres d’intérêts dans leurs travaux respectifs où Borel apparaissait certes comme un dénominateur commun mais sous des angles souvent différents, que d’une conception voisine de la discipline historique qui me semblait assez représentative de l’évolution que celle-ci avait vécue dans les deux ou trois décennies récentes. Une histoire moins strictement interne, dans laquelle une attention plus grande est portée au contexte d’apparition et de développement des concepts et travaux mathématiques, aux rapports et aux circulations entre les acteurs, au poids exercé par les cadres institutionnels sur le mouvement des idées.

Cette observation m’a donné l’idée de réaliser des interviews filmées de mes collègues pour les faire parler de leur travail à travers le prétexte du cas Borel.  Les enregistrements, réalisés par Jean-Manuel Fernandez, eurent lieu à l’automne 2021, produisant une quinzaine d’heures de rushs qui nous servirent de matériau pour monter le présent film. J’espère qu’il peut donner au spectateur une idée relativement claire (même si elle est évidemment fractionnaire) d’en quoi consiste le travail de l’historien des sciences et quel est le but de sa démarche pour, à travers l’examen du passé, comprendre le fonctionnement de la discipline mathématique et de ceux qui la côtoient sous ses multiples aspects.