Une vie brève

Recension
Publié le 10 janvier 2013

Les éditions Gallimard publient ces jours-ci dans leur collection « l’arbalète » le premier récit de Michèle Audin (citation tirée de la quatrième de couverture du livre) :

Dans ce livre, il est question d’une vie brève. Pas de celle d’un inconnu choisi au hasard, parce que j’aurais vu sa photo, son sourire, dans un vieux journal, mais de celle de mon père, Maurice Audin.

Peut-être avez-vous déjà croisé son nom. Peut-être avez-vous entendu parler de ce que l’on a appelé « l’affaire Audin ».

Ou peut-être pas.

Je le dis d’emblée, cette « affaire » n’est pas le sujet de ce texte. […] Ici vous n’apprendrez rien de nouveau sur cette affaire. Ni le martyr, ni sa mort, ni sa disparition ne sont le sujet de ce livre.

C’est au contraire de la vie, de sa vie, dont toutes les traces n’ont pas disparu, que j’entends vous parler ici.

Des atomes de carbone, d’oxygène, d’hydrogène, leur association dans des molécules d’eau, de méthane ou de gaz carbonique, la soupe primitive, des molécules plus complexes, puis des filaments d’ADN, des petites cellules, les rapports sociaux de classes, une famille sans antécédents dans l’histoire de France, la gendarmerie de Béja, un abécédaire perdu, un enfant malade à l’école militaire d’Hammam Righa, la guerre de 39-45, le lycée militaire d’Autun et la relation de Chasles, les odeurs d’Alger, l’extension de la méthode de Schmidt à des équations fonctionnelles nouvelles, la lutte anticolonialiste et l’adhésion au parti communiste, trois enfants, la bibliothèque de la faculté, Maria Callas, les équations numériques de de Possel, une visite à Paris et une discussion avec Schwartz, six notes aux Comptes rendus de l’Académie des sciences, une thèse soutenue in abstentia, un peu de tendresse ou un moment d’amour, tout cela s’était conjugué, mélangé, assemblé pour le faire exister, lui, brièvement, vingt-cinq ans et quatre mois, le nombre de jours exact on ne peut même pas le dire, brièvement mais assez pour qu’il ait laissé quelques traces, des traces ténues mais des traces.

Je recommande chaleureusement ce récit 3En particulier à toutes celles et ceux qui aimeraient simplement en savoir un peu plus sur cette période noire de notre histoire et comment les mathématiques continuaient d’avancer malgré tout., émouvant pour des raisons évidentes 4Sur l’affaire Audin, on pourra commencer par lire ce récent billet. mais pas seulement.

ÉCRIT PAR

Aurélien Alvarez

Professeur - Rédacteur en chef d'IdM - École normale supérieure de Lyon

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