Le mode de diffusion de la connaissance scientifique est amené à évoluer considérablement dans les années à venir : le système actuel coûte trop cher et les pouvoirs publics semblent engagés dans une logique menant à ce que toute la recherche publique soit en accès libre. Comme évaluer, trier, publier, assurer la maintenance, etc., a un coût, il s’agit de décider qui paye quoi. Actuellement le système est très simple : le contribuable subventionne des chercheurs pour qu’ils produisent de la science et évaluent les contributions de leurs pairs, et des groupes financiers pour qu’ils diffusent ces contributions via les éditeurs commerciaux qu’ils contrôlent et qui revendent (très cher) à la communauté scientifique les fruits de ses efforts. Pour remplacer ce système, trois modèles d’accès libre sont en concurrence.
— Le vert : on continue comme maintenant, mais les auteurs mettent en accès libre leurs articles sur des serveurs d’archives institutionnels après une période dépendant du domaine (de 6 mois à 2 ans).
— L’or : les revues font payer aux auteurs un droit qui garantit l’accès à leur article pour tout le monde (et pour l’éternité ?).
— Le platine : les revues deviennent propriété de leurs comités de rédactions soutenus par des institutions (universitaires ou gouvernementales) qui se chargent des aspects matériels liés au libre accès.
A mon avis, le vert n’a aucune chance de l’emporter car il est irréaliste de croire que les bibliothèques universitaires vont continuer à acheter des revues dont le contenu sera disponible gratuitement 6 mois plus tard (sans compter qu’il l’est déjà, en général, avant publication, sous forme de prépublication (non validée)).
L’or a la préférence des éditeurs commerciaux car, à plus de 2000 euros l’article (tarifs actuellement en vigueur), cela leur assurerait une rente confortable (sans compter que pendant la période de transition ils arriveraient à faire payer à la fois les auteurs et les lecteurs…).
Le platine demande une certaine dose d’altruisme de la part des institutions hébergeant les revues et un investissement en temps non négligeable de la part de la communauté scientifique pour la mise en place du système ; il n’est pas sûr que la période lui soit vraiment propice (au moins en France où l’on est encore en train d’essayer de digérer les conséquences de la loi sur l’autonomie des universités : un éminent collègue prétend que le but de cette loi était de faire faire des économies à l’État et de faire en sorte que les universitaires se battent entre eux plutôt que contre le gouvernement). Si le platine finit quand même par s’imposer, cela signera la mort des éditeurs commerciaux, mais je parie qu’ils arriveront à faire payer une dernière fois leurs archives à des gens qui ont déjà payé au moins une fois leur contenu…
En tout cas, le débat est lancé.
Post-scriptum
A lire également concernant ce sujet, le billet de Stéphane Jaffard : L’avenir des publications mathématiques.