Du 30 septembre au 2 octobre 2015 s’est tenu à Guéret, préfecture de la Creuse, le colloque sur « Les travaux combinatoires de l’entre-deux guerres 1870-1914 : leur actualité pour les mathématiques et l’enseignement d’aujourd’hui ». Pourquoi Guéret, commune d’environ 14 000 habitants, localisée à 355 km de Paris, 395 km de Toulouse et 580 km de Lille ? Parce que c’est là qu’Henri Auguste Delannoy (1833-1915) a vécu la majeure partie de sa vie, après avoir démissionné du poste de sous-intendant de 1ère classe, pour se consacrer aux mathématiques et à la Société d’Archéologie et des Sciences Naturelles de la Creuse dont il prend la présidence à partir de 1896 jusqu’à sa mort.
Personnage intéressant que ce Delannoy : officier militaire maintes fois décoré, passionné de criminologie et surtout mathématicien, il a notamment exploré des voies nouvelles en combinatoire et en théorie des nombres. Il s’est aussi longuement penché sur une approche ludique de l’enseignement des mathématiques ; il s’est d’ailleurs fait connaître grâce à son grand ami Edouard Lucas (1842-1891) qui le met à l’honneur dans nombre de ses ouvrages, notamment les Récréations mathématiques 3Il a déjà été question de cet ouvrage sur notre site dans cet article. Ses travaux ont des résonances actuelles, notamment en mathématiques et en informatique, et le but du colloque était de faire le point sur les recherches historiques menées récemment sur la communauté de combinatoriciens de l’époque, dont Delannoy et Lucas sont parmi les principaux acteurs.
Dans la littérature mathématique, le nom de Delannoy est associé à deux suites de nombres : l’une correspond à la suite à deux paramètres définie par récurrence à l’aide de l’« équation aux différences finies » suivante :
\[a(p,q)=a(p-1,q)+a(p,q-1)\]
avec \(a(p,0)=a(0,q)=1\) comme conditions initiales. 4Nous renvoyons à l’article plus détaillé de Sylviane Schwer et Jean-Michel Autebert sur la biographie et les travaux d’Henri Auguste Delannoy, disponible à cette adresse. La seconde correspond à la la suite définie par récurrence de la manière suivante :
\[d(p,q)=d(p-1,q)+d(p,q-1)+d(p-1,q-1)\]
toujours avec \(1\) et \(1\) comme conditions initiales.
L’originalité de ces suites réside dans le fait qu’elles peuvent se calculer à l’aide d’échiquiers arithmétiques, inventés par Delannoy et repris par Lucas dans son ouvrage de Théorie des nombres, dans lequel il traite la géométrie de situation. Par exemple, le nombre \(a(p,q)\) représente le nombre de cheminements de longueur minimale que la Tour (aux Échecs) peut effectuer de la case supérieure gauche jusqu’à une case \((p,q)\) de l’échiquier. Les nombres \(d(p,q)\) correspondent quant à eux aux déplacements de la Reine (ou du Roi) sur l’échiquier.
Le colloque fut également l’occasion de célébrer le centenaire de la mort de Delannoy en programmant un après-midi en son honneur organisé par la Société des Sciences Naturelles, Archéologiques et Historiques de la Creuse, qui s’est achevé par un dépôt de plaque à l’emplacement de la maison de Delannoy.
Au delà de l’intérêt des communications, le colloque nous a permis de découvrir la Bibliothèque Numérique du Limousinqui, pour l’occasion, s’est attelée à la numérisation de nombreux livres ayant appartenu à Delannoy, maintenant propriété de la Société des Sciences : Récréations et problèmes mathématiques des temps anciens et modernes de Walter William Rouse Ball, Traité de l’écarté d’Emile Dormoy, Evaluation du nombre de combinaisons desquels 28 dés d’un jeu de domino sont susceptibles d’après la règle de ce jeu de Dr. M. Reiss, Solution d’un coup singulier du jeu de dames dans la partie : qui perd gagne de M. Lamarle, etc. La bibliothèque numérique présente également des manuscrits médiévaux, des gravures, et d’autres pièces historiques : une véritable mine d’informations.