Word n’est pas une fatalité !

Tribune libre
Écrit par Hervé Le Dret
Publié le 29 septembre 2017

 

On rencontre encore souvent, même de nos jours, de nombreux documents ayant du contenu mathématique qui ont été préparés avec Word. À titre personnel, je n’ai jamais réussi à établir une bonne relation avec Word: paragraphes qui passent en gras sans crier gare, listes à puces obstinées dont on ne sort qu’en cliquant aléatoirement, documents Word certifiés provenant de l’administration qui ne s’ouvrent qu’au bout d’un certain temps sur une page blanche remplie d’ondulations rouges 5Sur Mac, certes, document que l’on peut en général ouvrir aussi avec LibreOffice, mais alors la mise en page peut être subtilement différente., ou bien qu’il est impossible d’éditer correctement pour une raison ou pour une autre. Et tout cela, même sans contenu mathématique.

À tous ces maux, il existe un remède. Ce remède est là depuis de nombreuses années, mais peut-être traîne-t-il encore une réputation d’ésotérisme qui n’est vraiment plus méritée aujourd’hui, il s’agit bien sûr de \(\rm\LaTeX\). \(\rm\LaTeX\) n’est pas un traitement de texte à la Word, c’est beaucoup plus. En particulier, c’est aussi un langage (de programmation), ce qui justifie marginalement que l’on en parle ici, même si le but de ces quelques lignes est justement de tenter de convaincre que l’on peut l’utiliser presque comme un traitement de texte, mais avec un confort d’usage, une stabilité et une qualité typographique sans commune mesure avec ce que les traitements de texte ordinaires peuvent offrir.

Ainsi par exemple, le fragment de texte qui contient une note de bas de page deux paragraphes plus haut a (dans la version écrite) été tapé simplement

d'ondulations rouges\footnote{Sur Mac, certes, document que
l'on peut en général ouvrir aussi avec LibreOffice, mais
alors la mise en page peut être subtilement différente.}, ou
bien qu'il est impossible

Pour ce qui concerne les mathématiques, une jolie formule 6Attention, elle contient plusieurs éléments susceptibles de hérisser certains spécialistes, comme le «e» et le «i» en italique ou l’usage du $ pour introduire le mode mathématique. On ne se refait pas. comme \(e^{i\pi}=-1\) se tape simplement $e^{i\pi}=-1$. Une formule un peu plus complexe comme \[J_\alpha(x) = \sum_{m=0}^\infty\frac{(-1)^m}{m! \,\Gamma(m + \alpha + 1)}{\Bigl({\frac{x}{2}}\Bigr)}^{2 m + \alpha}\]
s’obtient avec
\[J_\alpha(x)=\sum_{m=0}^\infty
\frac{(-1)^m}{m!\,\Gamma(m+\alpha+1)}
{\Bigl({\frac{x}{2}}\Bigr)}^{2m+\alpha}\]

qui se comprend presque dans le \(\rm\LaTeX\)te.

L’apprentissage de \(\rm\LaTeX\) n’est certes pas anodin, mais la quantité phénoménale de ressources que l’on peut trouver sur le Web à son propos facilite grandement la tâche. L’investissement initial est en fait vite amorti et l’on peut assez rapidement produire aisément des textes mathématiques d’une grande sophistication. Parmi bien d’autres ressources, le wikilivre sur \(\rm\LaTeX\) permet non seulement de démarrer en \(\rm\LaTeX\), mais peut aussi servir de référence quand on a oublié tel ou tel détail.

Bien sûr, argument très fort en sa faveur, \(\rm\LaTeX\) est gratuit. Il est maintenu par une très large communauté et son omniprésence dans le champ de la publication scientifique est la garantie de sa pérennité 7À ce propos, \(\rm\LaTeX\) est stable. Son cœur, \(\rm\TeX\), créé par [?Donald Knuth], n’évoluera pas au delà de la correction de rares bugs, son numéro de version, actuellement 3.14159265, est destiné à converger vers π. En ce qui concerne \(\rm\LaTeX\), qui en est une surcouche, on utilise actuellement la version \({\rm\LaTeX}2_{\varepsilon}\) et ce depuis longtemps. Un éventuel \(\rm\LaTeX\;3\) est régulièrement évoqué, mais celui-ci ne semble pas vraiment prendre forme, probablement parce que \({\rm\LaTeX}2_{\varepsilon}\) est déjà tellement satisfaisant.. \(\rm\LaTeX\) est distribué pour la majorité des plate-formes informatiques. Par exemple, la distribution TexLive est mise à jour chaque année, voir le site du \(\TeX\) Users Group.

La puissance de \(\rm\LaTeX\) tient aussi à la grande quantité de «packages» qui ont été développés au fil des années et qui lui ajoutent une variété énorme de fonctionnalités. Ces packages sont inclus dans les grandes distributions. Quel que soit le problème que l’on se pose, il est pratiquement certain qu’il existe un package qui le résout.

Le sujet de \(\rm\LaTeX\) remplit facilement des livres entiers, donc on ne peut guère qu’en gratter la surface ici. Mentionnons qu’il est maintenant très simple d’utiliser la typographie mathématique de \(\rm\LaTeX\) dans une page web grâce à MathJax. MathJax ne demande pratiquement aucune installation du côté du serveur, et absolument aucune du côté des lecteurs de la page, dans l’ordinateur desquels la composition typographique s’effectue pourtant à la volée.

Dans un autre registre, on peut créer des illustrations de très haute qualité avec \(\rm\LaTeX\), par exemple avec le package Ti{k}Z 8Ti{k}Z ist {kein} Zeichenprogramm.. Plusieurs logiciels de dessin, ou de géométrie dynamique comme Geogebra, sont capables de générer des exportations Ti{k}Z, ce qui permet par exemple de commencer un dessin à la main, puis de le fignoler depuis \(\rm\LaTeX\).

Et que se passe-t-il si l’on a oublié le nom d’un symbole mathématique, car il y en a quand même beaucoup? Eh bien, on va sur Detexify où l’on peut dessiner le symbole recherché et obtenir la commande correspondante… ce qui est quand même assez impressionnant, surtout quand on ne dessine pas très bien.

Detexify

Post-scriptum

Ce texte appartient au dossier thématique« Mathématiques et langages ».

Article édité par  Jérôme Germoni

ÉCRIT PAR

Hervé Le Dret

Professeur - Sorbonne Université, Paris

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Commentaires

  1. denise
    septembre 29, 2017
    20h49

    Merci. Cet article est salutaire.
    Je voulais simplement signaler ici l’existence d’une plateforme qui s’appelait initialement Writelatex (à taper dans son moteur préféré) et qui s’appelle maintenant Overleaf (je ne touche pas de subsides en en faisant la publicité).
    Il suffit d’utiliser une adresse mail et un mot de passe inventé pour « Sign in » en haut à droite de la fenêtre.
    Ensuite, on accède à ses documents (My projects) et le clic sur l’item New project fournit d’emblée de nombreux exemples pré-remplis (d’un article, d’un diaporama en beamer, etc.).
    Je crois que ceci peut-être une manière très aisée de démarrer.
    Le site fait référence à de nombreuses universités.
    Il faut cependant se préoccuper (ce que je n’ai pas fait) de l’aspect propriété des documents écrits par ce moyen.
    Cordialement,
    Denise Chemla
    PS : mais rien ne vaut un bon vieil éditeur gnu-emacs et un terminal de commandes Unix dans lequel on tape pdflatex fichier.tex !
    L’adresse de la plateforme est https://www.overleaf.com