Janvier 2024

Publié le 1 février 2024

Ces deux grues en papier qui illustrent notre revue de presse de ce mois-ci sont autant une invitation à l’occupation de vos mains le temps de cette lecture que le sujet d’une étude récente sur laquelle la rubrique Recherche reviendra – avec d’autres amusements mathématiques (ruban de Möbius, puzzles, Jeu de la vie…). Ces distractions ne font pas oublier pour autant le contexte délicat que connaît le monde de la recherche et de l’éducation : avec la loi immigration, les annonces ministérielles et les réactions qu’elles provoquent ou encore le décrochage scolaire des filles. Les filles – et les mathématiques – c’est d’ailleurs le cœur de l’ouvrage de trois autrices que la rubrique Parutions va présenter. Cette enquête promet d’être très enrichissante.

A la une

La mathématicienne Yvonne Choquet-Bruhat a fêté ses 100 ans le 29 décembre dernier ! Éminente spécialiste de physique mathématique, elle a démontré en 1950 le premier théorème d’existence pour les équations de la gravité einsteinienne dans le cas non analytique. Elle prouvait ainsi mathématiquement ce qu’Einstein avait prédit en 1916 dans sa théorie de la relativité générale : l’existence des ondes gravitationnelles. Rappelons que ce n’est qu’en 2016 que les physiciens ont fait des observations attestant la réalité physique de ces ondes gravitationnelles. Yvonne Choquet-Bruhat avait d’ailleurs rencontré plusieurs fois Einstein lors d’un séjour à l’Institute for Advanced Studies de Princeton. 🇺🇸 Elle a été la première femme élue à l’Académie des sciences, en 1979. Cette vénérable institution avait raté l’occasion de créer un tel précédent en 1911, en rejetant la candidature de Marie Curie au profit de celle d’Édouard Branly (physicien, médecin et précurseur de la TSF). Cet épisode peu glorieux avait donné lieu à de vives polémiques et à des propos nauséabonds sur la prétendue incapacité des femmes à accéder au savoir savant et à une lamentable pétition visant à leur interdire l’accès à l’Institut de France. L’Académie a donc réussi l’exploit de laisser s’écouler encore 68 années avant d’accueillir enfin une femme en la personne d’Yvonne Choquet-Bruhat. De cette triste élection de 1911, Étienne Ghys, mathématicien et secrétaire perpétuel de l’Académie, a donné un excellent récit dans son intervention lors du colloque Marie Curie, les femmes et les sciences, organisé sous la Coupole le 15 novembre 2022, cent ans après l’élection de Marie Curie à l’Académie… de médecine ! Le centenaire d’Yvonne Choquet-Bruhat a été signalé dans de nombreux médias. Citons Futura et le site de l’association femmes & mathématiques. Cet anniversaire a été célébré lors un colloque à l’Institut des hautes études scientifiques (dont des vidéos ont été mises en ligne). Daniel Bennequin avait présenté l’œuvre mathématique d’Yvonne Choquet-Bruhat en 2001 dans un numéro spécial de femmes & math consacré aux femmes dans les mathématiques contemporaines. Yvonne Choquet-Bruhat a publié un livre de mémoires en 2016 aux éditions Odile Jacob : Une mathématicienne dans cet étrange univers. Le site Inclassables mathématiques en avait parlé et elle avait été invitée à cette occasion dans l’émission La tête au Carré sur France Inter. Yvonne Choquet-Bruhat est la fille du physicien Jean Bruhatet la sœur de mathématicien François Bruhat.

Yvonne Choquet-Bruhat – Photo prise en 2006 au workshop « Mathematical Aspects of General Relativity »

 

Recherche

Quelle surface faut-il pour étaler toutes les pièces d’un puzzle sur une table ? Voilà une donnée manquante sur la boîte du jeu ! Mais une chercheuse, Madeleine Bonsma-Fisher de l’Université de Toronto (Canada) et son mari, Kent Bonsma-Fisher, ont cherché la réponse. L’aire nécessaire pour poser toutes les pièces de puzzle – sans chevauchement – est √3 fois plus grande que l’aire totale du puzzle. Cela ne dépend pas du nombre de pièces de la boîte. Ils ont déposé leurs travaux sur arXiv et le NewScientist🔒 (en anglais) a repris cette nouvelle.

Cette surface ne dépend pas du nombre de pièces

On en avait parlé dans la revue de presse de septembre : le Jeu de la vie – cet automate cellulaire introduit par John Conway – est omnipériodique. « On connaissait des configurations périodiques du célèbre « jeu de la vie » pour toutes les périodes possibles… sauf deux. Les cycles manquants, de longueur 19 et 41, viennent d’être découverts », pouvait-on lire dans un article de Sean Bailly pour Pour la Science. C’est, ce mois-ci, au tour de Quanta Magazine (en anglais) et du NewScientist🔒 (en anglais) de s’emparer du sujet. Car un préprint a été déposé sur le site arXiv pour entériner l’omnipériodicité de l’automate.

L’origami est « Turing-complet ». C’est le résultat d’une prépublication déposée par Inna Zakharevich de l’Université Cornell (États-Unis) et de Thomas Hullsur de l’Université Franklin & Marshall sur le site arXiv. On apprend dans Quanta Magazine (en anglais) que c’est Inna Zakharevich, spécialiste de la topologie algébrique, qui a eu l’institution que c’était le cas, après le visionnage d’une vidéo expliquant que le Jeu de la vie est Turing-complet. « Je me suis dit : l’origami est bien plus compliqué que le Jeu de la vie. Si le Jeu de la vie est Turing-complet, alors l’origami doit également l’être. » Après avoir fait appel au spécialiste de l’origami, Thomas Hull, ils se mettent au travail ensemble, jusqu’à la publication de ce papier (non encore relu par les pairs).

Ruban de Möbius

Notons également cet autre papier de Quanta (en anglais) qui s’attaque aux dimensions optimales pour obtenir un ruban de Möbius. Le mathématicien Richard Schwartz, de l’Université Brown (États-Unis), a récemment travaillé à ce sujet. « En 1977, deux mathématiciens avaient conjecturé que, pour être tordu en ruban de Möbius, un rectangle de largeur 1 devait être long de √3. En août 2023, Schwartz a prouvé qu’ils avaient raison : si c’est plus proche d’un carré que cela, il n’y a aucun moyen de tordre le rectangle en une bande de Möbius. »

Dans Scientific American🔒 (en anglais), Christopher Lutsko, de l’Université de Zurich s’épanche sur l’aléatoire. Bien souvent les nombres « aléatoires » qui nous entourent ne le sont pas vraiment. « Si je demande à Google de générer un nombre au hasard, cela demande un processus pour en donner un, mais Google n’a pas accès à un modèle mathématique de l’aléatoire purement théorique. Alors, il utilise un processus non aléatoire dont il résulte un nombre qui semble choisi au hasard pour nous. » On parle ici de générateur de nombres pseudo-aléatoires. Alors il a travaillé autour de cette question pendant la crise sanitaire : « Comment savoir si un ensemble de points est vraiment aléatoire ou produit par un processus déterministe ? ». Et avec Niclas Technau, de l’Université de Tel-Aviv (Israël), ils ont trouvé des exemples de séquences qui peuvent réussir des tests robustes de pseudo-aléas.

Vie de la Recherche

Nous le disions ici même le mois dernier, la loi immigration adoptée par le parlement grâce à l’apport les voix de l’extrême droite et d’une droite de plus en plus extrême a provoqué l’indignation générale dans les milieux intellectuels, scientifiques, culturels et artistiques. Plusieurs manifestations ont eu lieu dans les universités à l’approche de la décision du Conseil constitutionnel, appelé à statuer sur la conformité des articles de la loi. 20 minutes signalait les blocages à Rennes et à Nantes, France 3 Paris Île-de-France des blocages et des manifestations à Paris et en Seine-Saint-Denis ainsi qu’un rassemblement devant le siège du Conseil constitutionnel, et Rue 89 le blocage d’un bâtiment de l’université de Strasbourg. Le 21 janvier a été une journée de manifestations contre cette loi dans toutes les grandes villes de France. « Réveillez-vous ! » : c’est ainsi que, dans une tribune de L’Humanité, Cédric Villani avait exprimé avec force son opposition à la loi et appelé à ces manifestations.

L’émission de France Culture La science CQFD du 26 décembre accueillait sur ce sujet Hélène Boulanger, présidente de l’Université de Lorraine, François Héran, sociologue, anthropologue, professeur au Collège de France (chaire Migrations et sociétés) et président de l’Institut Convergences Migrations et Fabienne Casoli, présidente de l’Observatoire de Paris, invités à parler du « poids des migrations et [de] leur nécessité en sciences ». Rappelant la grande et ancienne tradition française d’accueil d’étudiants étrangers, ils ont dressé un réquisitoire implacable contre les dispositions de la loi relatives aux universités. Ils ont mis en pièces l’affirmation, répétée à l’envi (voir cet article de The Conversation), selon laquelle les étudiants étrangers seraient souvent de « faux étudiants » utilisant leur inscription pour pouvoir séjourner en France, n’assistant jamais aux cours et ne se présentant pas aux examens. François Héran a rappelé avec cruauté que plusieurs de nos responsables politiques, actuels ou anciens, pourraient être classés dans les « faux étudiants », ayant abandonné leurs études en cours de route pour entrer en politique (il a cité le cas de Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais obtenu le diplôme de Sciences-Po…).

Comme cela avait été pressenti (et même annoncé par ceux-là mêmes qui prônaient le vote de cette loi, chose qui n’avait fait qu’accentuer l’indignation), le Conseil constitutionnel a annulé le 25 janvier tous les articles de la loi qui concernaient les études universitaires. L’information a été bien sûr dans tous les grands médias, notamment Les Échos Start, France Info ou encore L’Humanité. De leur côté, Campus France et le site Planète Grandes Écoles rassurent : il n’y aura « pas de changement pour les étudiants internationaux ». Et France Universités exprime sa satisfaction.

La presse étrangère a évidemment suivi attentivement cette séquence. Le média marocain Challengetitre : « Loi Immigration en France : Les étudiants internationaux épargnés par la « caution retour » » ; et pour ObservAlgérie, avec « plus du tiers du texte censuré, la droite crie au hold-up ».

Un article de L’Étudiant résonne fortement avec cette actualité. On y lit ceci : « Les réseaux d’accueil d’universitaires en exil se développent dans les universités françaises. Créé en 2017, le programme PAUSE a permis de soutenir plus de 500 scientifiques et artistes en exil dans 85 établissements du supérieur. Certaines universités mettent aussi en place leurs propres initiatives« .

« Monsieur le président, faites confiance aux chercheuses et aux chercheurs, laissez-nous travailler ! » Un collectif de chercheurs interpelle en ces termes, dans une tribune du Monde, le président de la République. Les signataires lui reprochent d’avoir déclaré « que la production scientifique française déclinait du fait d’un trop grand morcellement des organismes de recherche ». Ils affirment que ce diagnostic est faux et que les remèdes annoncés seront catastrophiques. Cette tribune est reproduite sur le blog de l’ApAhAu 🔒 (association des professeurs d’archéologie et histoire de l’art des universités).

Courrier International rapporte une série de témoignages publiés par le Times Higher Education 🔒. Sous le titre « La vie de chercheur à l’étranger n’est pas un long fleuve tranquille », l’hebdomadaire explique que les expériences à l’étranger, vivement conseillées aux universitaires, représentent « parfois un sacrifice quand il faut s’éloigner de ses proches, mais [peuvent] être très enrichissant[es] tant sur le plan de la carrière que sur le plan humain ».

Notons enfin que France Universités et la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ont signé une convention-cadre, dont l’objectif est de renforcer les relations et le partage de compétences, d’expertises et d’expériences entre les universités et les TPE-PME.

Applications

Plongeons dans les eaux glacées de l’Antarctique pour admirer le balai des baleines à bosse. Le photographe Piet van den Bemd (consulter ici sa page Instagram) a immortalisé le filet de bulles de deux baleines à bosse qui, presque par magie, suit le dessin d’une spirale.

Baleine à bosse

« Lorsqu’une baleine repère un banc de poissons. Elle commence par nager en cercles autour du banc tout en expulsant de l’air par son évent sous l’eau. Cette expulsion d’air crée un filet de bulles ascendantes qui encercle les poissons. Les bulles ont tendance à piéger les poissons. Les regroupant davantage et les forçant à rester à l’intérieur du cercle formé par le filet de bulles », explique Ouest France dans un article. Pour admirer cette danse de bulles, voici le lien de la vidéo, publiée sur la chaîne YouTube de CBS News. Il est indiqué que cette spirale est de Fibonacci. L’est-elle vraiment ? On laisse au lectrices et lecteurs volontaires le soin de le vérifier. En tout cas, c’est très beau !

En santé

« Automatiser et fiabiliser l’analyse d’images médicales, en accompagnant les médecins vers une décision clinique rapide, notamment en ce qui concerne le traitement du cancer », voici l’objectif de la startup MoreHisto. On apprend ce mois-ci sur le site du CNRS Mathématiques (anciennement INSMI) qu’elle est lauréate du concours i-Lab 2023 de Bpifrance.

L’idée est, avec les outils de l’intelligence artificielle de faire de la segmentation et de la quantification sur les images médicales. « Concrètement, et à titre d’exemple, cela consiste à analyser, à partir d’une biopsie, une image numérisée par microscopie. L’objectif est de compter, de manière automatique, les cellules tumorales marquées, colorées par un réactif biochimique et des anticorps (ces cellules sont mises en évidence par des biomarqueurs qui réagissent avec les protéines produites par la tumeur). »Ce projet fait intervenir plusieurs disciplines… dont les mathématiques. Gérard Besson, directeur de l’Institut Fourier, laboratoire de mathématiques fondamentales de l’Université de Grenoble, qui a participé au projet explique cette irruption des mathématiques : « il existe ce que l’on appelle une « géométrie des données ». » Voilà l’explication : « Les images diffèrent beaucoup d’une modalité à l’autre, et même à l’intérieur d’une même modalité. Elles contiennent en outre énormément de données : chaque image peut contenir des dizaines de milliards de pixels et leur analyse est d’une grande complexité. Or, selon Gérard Besson, chaque pixel (ou voxel, pour la 3D) est avant tout… une collection de nombres. Et c’est ici que les mathématiques interviennent, dans la construction d’algorithmes capables de reconnaître, dans cette suite de nombres, les caractéristiques pertinentes pour les médecins. »Notons également ce communiqué de CNRS Mathématiques au sujet d’une étude récemment publiée dans la revue Brain Communications. Il s’agit d’étudier la réorganisation des réseaux cérébraux suite à un traumatisme crânien. Or ici, la théorie des graphes a permis cette analyse. « Ces graphes présentent des nœuds particuliers qui communiquent à grande distance avec de multiples régions. Ils se comportent comme des nœuds pivots (hub en anglais) et assurent des capacités intégratives puisqu’ils captent les informations de plusieurs régions. D’autres régions sont plus densément connectées localement et forment des clusters, permettant des capacités de spécialisation. La théorie des graphes permet de quantifier ces propriétés de spécialisation et d’intégration dans le réseau cérébral. »

Comment modéliser le parcours patient ? Dans IT for Business, on apprend que l’équipe-projet Modal du centre Inria de l’Université de Lille s’est penchée sur cette question. Ici, la pluridisciplinarité est de mise : « En s’appuyant sur les biostatistiques, et avec l’aide de spécialistes de l’informatique médicale ou des sciences de la donnée, les mathématiciens ont pu apporter leur expertise sur la pertinence des choix de modélisation et des résultats obtenus. » Le cas d’usage choisi par les chercheurs et chercheuses fut une cohorte de personnes âgées vulnérables. « Le modèle de parcours qui a pu en résulter, permet aujourd’hui d’éclairer la décision des praticiens sur une nouvelle hospitalisation, un retour à domicile ou un retour à l’Ehpad, à partir des données d’intérêt relevées lors des observations faites chez un patient donné. » La prochaine étape – en plus de l’accès à d’autres données issues de l’entrepôt de données de santé (EDS) – sera d’utiliser les techniques d’apprentissage statistique pour « identifier automatiquement les données d’intérêt à partir des observations faites chez un patient, de les analyser à l’aide d’un modèle adapté » afin de « fournir un avis d’aide à la décision sur le parcours le plus efficient et les facteurs de risques ». Des outils pour accompagner (et non remplacer) le praticien, assure la responsable de l’action exploratoire dans Modal, Sophie Dabo. L’Inria avait, de son côté, expliquer ce projet dans un article publié cet été.

Recherche en intelligence artificielle

Voilà une tout autre sorte de modélisation que propose une équipe de l’Université technique du Danemark, puisqu’elle s’est penchée sur le risque de mourir dans les quatre prochaines années ! Leur modèle basé sur l’intelligence artificielle, Life2vec, estime le risque « de mourir ou d’éventuels problèmes sociaux ou soucis de santé », explique un article publié dans Le Parisien🔒. Et d’après l’étude (publiée dans la revue Nature computational science 🔒 en décembre 2023) « le modèle surpasse les technologies existantes ».

Après avoir été entraîné sur les données de 6 millions de Danois, Life2vec a été mis à l’épreuve. « En 2016, les chercheurs ont testé leur outil à partir des informations récoltées parmi 2,3 millions de Danois de 35 à 65 ans, tranche d’âge pour laquelle les risques de décès sont difficiles à estimer. Pour le test, ils ont réduit l’échantillon à 100 000 personnes, dont la moitié était décédée quatre ans plus tard. En 2020, les pronostics de l’IA sont comparés aux avis de décès : elle a prédit le futur avec justesse dans 78,8 % des cas. » Laura Tocmacov Venchiarutti, directrice de Fondation impactIA, met en garde : « Ce modèle peut être utilisé pour de bonnes raisons : prévoir les problèmes de santé ou sociaux rencontrés par un individu, ou mettre en place des actions pour réduire les inégalités touchant un groupe. Mais il peut aussi être retourné contre eux. » Notamment dans le cas où ce genre d’outil serait à disposition des assurances…Avec la mise à disposition des modèles génératifs (GPT-4, Midjourney et consorts) la part de contenus générés par IA ne cesse de croître en ligne. Or, cela peut éventuellement poser un problème : peut-on utiliser ce contenu synthétique pour entraîner un système d’IA ? Des chercheurs et chercheuses enquêtent sur ce sujet, comme l’explique Charlotte Mauger dans un article pour IT for Business. Pour l’heure, les chercheurs et chercheuses ne s’accordent pas tous. « « Si on entraîne plusieurs fois un modèle sur des données générées, on s’éloigne peu à peu de la distribution de données originelle », décrit Ilia Shumailov de l’université de Cambridge. « Et moins le modèle est bon, plus les sorties sont de mauvaise qualité, et celles issues des entraînements suivants encore davantage. Par exemple, des artefacts apparaissent et s’amplifient sur les images générées. »

Des artéfacts peuvent apparaître après plusieurs entraînements

Néanmoins, dans certaines conditions, les dégradations ne se produisent pas. « Nous avons remarqué que si le modèle est suffisamment bon et que la quantité de données générées n’est pas trop importante par rapport aux réelles, alors le modèle ne dégénère pas », explique de son côté Quentin Bertrand, chercheur au Mila et à l’Université de Montréal.

Ce mois-ci La Dépêche a donné deux fois la parole à Serge Gratton, chercheur en mathématiques et directeur scientifique adjoint d’ANITI (pour Artificial and Natural Intelligence Toulouse Institute). Dans le premier article, le chercheur s’exprime au sujet de ChatGPT et l’enseignement supérieur (sujet dont nous avons parlé plusieurs fois dans ces revues de presse). « C’est un outil numérique très différent des autres, car il n’offre pas de garantie sur les résultats qu’il produit. C’est un fait. Néanmoins, les performances sont tellement impressionnantes que les communautés ont jugé qu’il était important d’utiliser ses capacités tout en ayant conscience de ses faiblesses. » Dans le second article, il détaille la mission de l’Aniti🔒 et ses ambitions pour l’institut spécialisé en intelligence artificielle.

Une IA mathématicienne ?

On rapportait le mois dernier dans cette rubrique les prouesses vantées par l’entreprise Google DeepMind de leur modèle FunSearch (pour searching in the function space, recherche dans l’espace des fonctions). Celui-ci est capable de résoudre des problèmes de mathématiques, ce qui avait fait dire au vice-président de l’entreprise en charge de la recherche, Pushmeet Kohli : « À notre connaissance, c’est la première fois qu’une véritable découverte scientifique a été faite par un grand modèle de langage ».

Un mois plus tard, la même entreprise se confronte de nouveau aux mathématiques. Leur programme, baptisé AlphaGeometry, a été capable de résoudre « 25 des 30 problèmes de géométrie proposés, depuis 2000, au concours international des Olympiades de mathématiques », rapporte David Larousserie dans un article du Monde🔒. On apprend que d’autres systèmes avant celui-ci s’étaient confrontés aux épreuves de cette compétition réservée aux moins de 20 ans, mais avec moins de succès. « Contrairement à bon nombre de logiciels de génération de textes ou d’images, [AlphaGeometry] comporte deux « cerveaux » distincts. L’un, « classique », contient un ensemble de règles et de connaissances de géométrie permettant d’enchaîner des étapes de transformation de figures sans se tromper. Il est dit « symbolique », par opposition à l’autre cerveau, « neurologique », qui fait appel à l’apprentissage machine sur des réseaux de neurones artificiels, comme la plupart des outils d’IA actuels (ChatGPT, Dall-E, Midjourney…). » Pour ce second « cerveau » des données sont nécessaires pour son apprentissage, alors les chercheurs les ont créées.

Données synthétiques générées pour l’entraînement

« Armée de ces deux cerveaux, la machine commence par tester si une succession d’étapes de son système symbolique arrive au résultat. Pour quatorze problèmes (sur les vingt-cinq résolus), cela a suffi. Pour les autres, le second cerveau s’active afin de proposer une construction géométrique supplémentaire, à partir de laquelle la partie symbolique retravaille. »

L’article de l’équipe de Google DeepMind a été publié en janvier 2024 dans la revue Nature. Dans un communiqué, Google DeepMind indique : « Avec AlphaGeometry, nous démontrons la capacité croissante de l’IA à raisonner logiquement, ainsi qu’à découvrir et vérifier de nouvelles connaissances. La résolution de problèmes de géométrie au niveau des Olympiades constitue une étape importante dans le développement d’un raisonnement mathématique approfondi sur la voie de systèmes d’IA plus avancés et plus généraux. »

L’IA peut-elle, alors, faire irruption dans les mathématiques ? Amaury Hayat, professeur à l’Ecole des Ponts Paristech (depuis 2023) et chercheur permanent au CERMICS s’exprime dans l’article du Monde : « Il y a quelques années, la communauté mathématique était assez réticente à l’utilisation de l’IA, mais l’idée qu’elle pourra aider son travail fait son chemin. Elle peut suggérer des hypothèses qu’il s’agira de démontrer. Elle peut aussi résoudre de petites parties de problèmes, nécessaires à une démonstration complète mais un peu fastidieuses à faire. » AlphaGeometry a également fait l’objet d’articles pour Numerama ou clubic.

Enseignement

Contexte éducatif en France

L’ambiance actuelle dans le monde de l’éducation est relativement tendue, et plusieurs organisations font savoir leurs doutes et leur mécontentement par rapport aux décisions du ministère.

La COPIRELEM, Commission Permanente des IREM sur l’Enseignement Élémentaire, est constituée d’une vingtaine de membres issus d’académies différentes. Ils sont chargés de la formation en mathématiques et en didactique des mathématiques des professeurs des écoles. Ces derniers ont publié un communiqué : Réaction de la COPIRELEM aux annonces ministérielles, qui partage des rappels et des critiques sur la réforme du « choc des savoirs » portée par l’ancien ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal. Plusieurs points y sont abordés, notamment les méthodes à appliquer, comme la pédagogie explicite qui, dans certaines méta-analyses, se montre moins efficace que l’apprentissage par résolution de problèmes, ou la méthode Singapour, dont l’efficacité est liée à des facteurs plus vastes. Ils ajoutent aussi, concernant la labélisation des manuels scolaires, qu’il faudrait former les enseignant·e·s à qualifier et choisir de bons livres. Ils finissent enfin par réaffirmer qu’il faut utiliser les outils numériques et les IA avec prudence et mesure, que leur intégration doit être réfléchie pour ne pas creuser de possibles inégalités.

En résumé, il est nécessaire d’opter pour une approche nuancée et réfléchie face à la complexité des enjeux éducatifs afin d’éviter des solutions simplistes et de prendre en compte la diversité des pratiques et des besoins des élèves.Le SNES-FSU, syndicat d’enseignants du secondaire, qualifie quant à lui de « violent pour les élèves et autoritaire pour les personnels » les mesures de cette réforme. Dans le communiqué : Disciplines scolaires : Coup de balai à tous les niveaux !, il affirme qu’elle engage un abandon des élèves les plus en difficulté. Il est fait le constat que la mise en place des groupes de niveaux met en péril les enseignements facultatifs et des heures de cours de certains enseignements obligatoires, car il faut prioriser les directives ministérielles. Il constate également une refonte des bases du Brevet des Collèges, qui devient simplement un examen d’entrée au lycée. Ainsi, les programmes scolaires de la maternelle jusqu’à la troisième vont devoir être repensés en profondeur d’ici 2026, à commencer par les mathématiques et les langues vivantes.

On se rend compte que l’inquiétude sur l’utilisation et le maintien des outils numériques en classe interpelle dans toutes les disciplines, comme en histoire dans cet article des Clionautes : La génération Z n’aurait-elle rien appris en cours d’histoire-géographie ?, ou bien que, abordé du point de vue de cette matière, on se questionne si ces outils permettraient bien d’apprendre ou de retenir efficacement. On y souhaite « rendre le goût de l’effort » aux élèves.

Ainsi, les réactions divergentes de la COPIRELEM et du SNES-FSU révèlent les inquiétudes et les tensions au sein du monde éducatif français face aux réformes en cours, soulignant la nécessité d’une approche réfléchie pour concilier les diverses perspectives et répondre aux défis complexes de l’éducation.

Mise en place des différentes mesures du gouvernement

Bien que fort peu populaire, comme appuyé dans un communiqué du CSE : Nouveau désaveu pour la politique ministérielle, qui démontre la quasi-unanimité du ressentiment, certaines régions dévoilent leur plan de mise en place de la réforme de décembre dès la rentrée, comme c’est le cas pour l’académie de Toulouse : Comment les groupes de niveau vont être mis en place dans les collèges de l’académie de Toulouse.

Le but est ici de mettre en place les groupes de niveaux en mathématiques et en français. Les élèves seront répartis en trois groupes, de niveaux croissants. Ainsi, les effectifs seront de maximum 15 pour le premier groupe, celui des élèves les plus en difficultés, puis de 26 pour le second, et enfin de 30 pour ceux les plus efficaces. Pour que cela fonctionne, l’académie estime que 202 postes seront nécessaires. Afin de les pourvoir, 60 équivalents temps plein (ETP, soit environ 150 heures sur un mois) vont être récupérés ailleurs. Il reste donc 142 ETP à trouver, et les 2×50 nouveaux contractuels que souhaite recruter l’académie semblent bien faibles.Cependant, les groupes de travail ne sont pas la seule mesure phare de cette réforme. Ainsi, Libération nous fait part de ses doutes sur l’IA dans l’article : En 2024, l’IA débarque dans les lycées sans aucune précaution. La mise en place dès février des IA d’aide aux étudiant·e·s inquiète. Et le fait de faire appel à un acteur extérieur pour concevoir ces outils semble, sinon dangereux, irresponsable. Perdre la mainmise sur le développement de nos propres outils risque de fragiliser le système et expose les organes nationaux à toujours plus de libéralisation. De plus, cela change le rôle de l’enseignant·e qui passe d’un professeur à un manager logiciel et change drastiquement l’expérience de l’élève. En effet, l’individualisation maximale mène vers une sorte d’« isolement » scolaire, où personne ne fait les mêmes choses.

Ces préoccupations soulignent la nécessité d’un dialogue approfondi et d’une réflexion collective pour assurer des réformes éducatives équilibrées et adaptées aux besoins variés des élèves et des enseignant·e·s.

Initiatives Internationales

En Côte d’Ivoire, une collaboration entre le géant des télécommunications Axian et l’une des plus grandes universités mondiales vise à promouvoir les mathématiques : En Côte d’Ivoire, la société de télécommunications Axian et le MIT s’unissent en faveur de l’éducation mathématique. Leur objectif est d’organiser un bootcamp, une formation intensive d’une semaine, visant à former des étudiant·e·s motivé·e·s. À long terme, l’initiative vise à diffuser des connaissances utiles dans des domaines scientifiques tels que l’ingénierie, la technologie, le climat, la santé et l’intelligence artificielle. Il est essentiel de disposer des meilleurs outils pour répondre aux défis actuels et futurs.

Cette semaine de formation donnera également naissance à une équipe qui participera aux Olympiades de mathématiques, tant au niveau local qu’international.Dans un autre registre, la fondation ThoT Cursus propose dans l’article : Intégrer l’abaque dans l’enseignement des maths, d’implémenter l’utilisation du soroban (boulier japonais) dans les écoles comme outil d’enseignement, soulignant ses avantages par rapport aux méthodes contemporaines. Dans l’ère numérique actuelle, l’exposition précoce des enfants aux technologies numériques et aux calculatrices peut limiter leur compréhension des concepts mathématiques fondamentaux. Le soroban, utilisé depuis des siècles en Asie, est associé à la haute performance mathématique de pays asiatiques. Des études montrent qu’il améliore significativement les compétences de calcul mental, la vitesse de calcul, et la précision des résultats. Comparé aux méthodes modernes, le soroban offre un apprentissage pratique, développe la logique, accélère les calculs, stimule la coordination œil-main, motive de manière ludique, permet l’apprentissage sans erreur, et est portable. L’article suggère l’introduction du soroban dans les pays africains en soulignant son lien avec l’Égypte ancienne, sa capacité à améliorer la compréhension des concepts mathématiques, sa simplicité n’exigeant pas de ressources sophistiquées, et son caractère culturel. Il considère que le soroban pourrait susciter l’intérêt des élèves, favorisant l’engagement et la motivation pour les mathématiques. L’article appelle les éducateurs et décideurs à sérieusement considérer l’adoption du soroban comme un outil complémentaire pour renforcer les compétences mathématiques des enfants et les préparer aux défis du futur.

En somme, ces initiatives éducatives en Côte d’Ivoire révèlent la dynamique entre l’innovation technologique, représentée par la collaboration Axian-MIT, et la valorisation de méthodes traditionnelles comme le soroban. Ensemble, elles témoignent de l’effervescence créative et de l’adaptabilité nécessaire pour éclairer le chemin de l’éducation mathématique, façonnant ainsi un avenir prometteur pour les apprenants.

Défis et Enjeux

Le statut des filles dans les études de mathématiques est un sujet hautement problématique, et le bilan fait par l’Institut des Politiques Publiques dans la note : Le décrochage des filles en mathématiques dès le CP : une dynamique diffuse dans la société, n’est pas rassurant.

En effet l’étude aborde le décrochage précoce des filles en mathématiques dès le cours préparatoire (CP) en France, se basant sur des évaluations nationales standardisées administrées entre 2018 et 2022 à plus de 2,5 millions d’élèves. Alors que les filles ont initialement des niveaux équivalents à ceux des garçons en mathématiques au début du CP, un décrochage significatif se manifeste au cours de cette première année primaire, persistant jusqu’à l’entrée au cours élémentaire première année (CE1). L’écart moyen du rang ou du centile des filles par rapport aux garçons passe de 50e en CP à 44e en fin de CE1. L’étude examine les caractéristiques des élèves décrocheuses en mathématiques et évalue les contributions relatives du milieu familial et de la scolarisation pour expliquer ces écarts de performance. Les résultats montrent que le décrochage des filles se produit de manière diffuse dans la société, affectant tous les types d’écoles et tous les milieux familiaux. Aucune configuration scolaire ni familiale ne semble empêcher l’émergence précoce de cet écart en faveur des garçons. L’étude souligne que l’écart en mathématiques est observé pour toutes les cohortes évaluées et sur divers exercices (addition, lecture de nombres, résolution de problèmes, etc.). Le décrochage est particulièrement prononcé parmi les filles les plus performantes en début de CP, perdant en moyenne près de 7 rangs en début de CE1 par rapport aux garçons du même centième initial. Bien que certaines caractéristiques liées à l’environnement scolaire (présence de filles dans la classe, enseignant femme, école en REP+) réduisent légèrement l’ampleur du décrochage, elles n’expliquent qu’une petite partie de celui-ci. Ceci suggère que la dynamique du décrochage est commune à l’ensemble de la société.L’étude conclut en soulignant l’importance de comprendre ces écarts de performance dès le CP, car ils peuvent influencer les choix académiques et professionnels des filles à l’avenir, contribuant à la sous-représentation des femmes dans des domaines comme les sciences et les mathématiques.

À l’honneur

Bernard Malgrange (Oberwolfach, 2007)

Bernard Malgrange, mathématicien, membre de l’Académie des sciences, est décédé le 7 janvier à l’âge de 95 ans. La gazette de la SMF avait publié en 2018 un entretien avec lui. L’académie des sciences lui a consacré une notice nécrologique.

L’Académie des sciences a annoncé en décembre l’élection de 18 nouveaux membres. Leur réception aura lieu le 4 juin prochain lors d’une cérémonie solennelle sous la coupole de l’Institut de France. Il y a trois mathématiciens parmi les nouveaux académiciens : Hugo Duminil-Copin, professeur à l’université de Genève et professeur à l’Institut des hautes études scientifiques (IHES) et Frank Merle, professeur à l’université de Cergy-Pontoise (chaire d’analyse, CY Cergy Paris Université) et professeur associé à l’Institut des hautes études scientifiques, rejoignent la section de mathématiques ; celle des sciences mécaniques et informatiques accueille Bertrand Maury, professeur au Laboratoire de Mathématiques d’Orsay (université Paris-Saclay), professeur associé au département de mathématiques et applications de l’ENS-PSL et professeur associé à Mines-Paris PSL.

Trois mathématiciens parmi les nouveaux académiciens

Est-ce vraiment faire honneur à Hélène Huby que de la comparer à Elon Musk ? C’est en tout cas ainsi que Le Figaro-Madame présente cette « mathématicienne, spécialiste de l’espace et entrepreneure [qui] veut démocratiser l’exploration spatiale », dans le portrait qui lui est consacré.

La Société informatique de France (SIF) décerne chaque année le prix de thèse Gilles Kahn, patronné par l’Académie des sciences. Le lauréat 2023 est David Saulpic 🇬🇧, récompensé pour sa thèse Approximation Algorithms and Sketches for Clustering, soutenue à Sorbonne Université, où il « s’attaque à des problèmes d’apprentissage non-supervisé, et plus spécifiquement au regroupement de données (clustering), une pratique cruciale à l’intelligence artificielle moderne ». Deux accessits ont été attribués. L’un à la thèse de Tina Nikoukhah (The secret life of JPEG images : Forgery detection using compression traces), réalisée au centre Borelli à l’ENS Paris-Saclay, qui propose « des avancées majeures pour la détection d’images falsifiées ». La thèse, elle, ne l’est sûrement pas ! Les fidèles de notre revue de presse se souviennent peut-être que Tina Nikoukhah y a déjà été à l’honneur par deux fois, dans les éditions d’octobre 2022 et d’avril 2023. L’autre accessit revient à la thèse d’Armelle Perret du Cray (Algorithmes pour les polynômes creux : interpolation, arithmétique, test d’identité, réalisée au LIRMM à Montpellier. Visiblement, le travail de cette jeune docteure ne mérite pas le même attribut que les polynômes qu’elle étudie.

Prix de thèse Gilles Kahn

Félicitations au Centre Mersenne, qui est l’un des lauréats 2023 du Cristal collectif du CNRS. Cette récompense distingue des équipes de femmes et d’hommes, personnels d’appui à la recherche, ayant mené des projets dont la maîtrise technique, la dimension collective, les applications, l’innovation et le rayonnement sont particulièrement remarquables. Le Centre Mersenne, créé en 2018, est une infrastructure d’édition scientifique en libre accès, développée par la cellule documentaire Mathdoc, unité d’appui et de recherche du CNRS et de l’Université Grenoble Alpes. Cette vidéo présente les activité du Centre Mersenne.

Diffusion

Ce mois-ci, plusieurs étudiant·e·s sénégalais·e·s ont été récompensé·e·s pour leurs performances aux Olympiades nationales de mathématiques. Cette compétition réunissait 14 149 candidat·es venant de 16 inspections académiques. Cette année, 17 élèves ont été médaillé·es (or, argent ou bronze). In fine, Sadibou Sy Diagne au Lycée de Diourbel et Ndèye Fatoumata Bintou Ba, élève au Lycée Mariama Ba, sont désigné·es roi et reine de la compétition.

Sports et maths

Sport et maths

Comment peut-on s’améliorer en mathématiques ? Dans un article publié dans le Point, on peut lire que la pratique régulière de certains sports aurait un effet bénéfique sur les performances en mathématiques. Bien entendu, tous les sports ne se valent pas. Les sports mobilisant fortement les capacités cognitives ont un effet plus important.

Si le sport améliore les compétences en mathématiques, ces dernières permettent d’expliquer de nombreuses performances sportives. Un article du Figaro🔒 revient sur la dernière publication de Amandine Aftalion, « Pourquoi est-on penché dans les virages ? » dans un entretien avec l’autrice.

Un modèle pour les mathématiques ?

Nous avons rapporté dans la précédente revue de presse que la lauréate du concours Miss France, Eve Gilles est étudiante en licence de mathématiques et informatique appliquées aux sciences humaines et sociales à l’université de Lille. Un article publié dans The Conversation tente de déterminer si cette victoire permettrait d’inviter plus de jeunes filles dans le paysage des mathématiques.

Diffusion à grande échelle

La diffusion des mathématiques ne se limite pas à la diffusion en ligne. Dans les Pays de la Loire, l’humoriste et magicien Manu Houdart a fait une représentation de son spectacle « Very Math Trip » à neuf classes du collège de Bonnétable.

Sur RFI, il est désormais possible d’écouter une rediffusion de l’émission Autour de la question – Voulez-vous jouer avec le mathématicien magicien Tadashi Tokieda ?.

Dans le cadre du festival « Des savants sur les planches », le magicien et mathématicien Jean-Baptiste Aubin, maître de conférences à l’Insa de Lyon, a présenté le spectacle Mathémagie, nous rapporte France Culture.

Quadrature du cercle, trisection de l’angle, doublement du cube, inscription de tout polygone régulier dans un cercle : ces 4 problèmes très célèbres ont défié les mathématiciens depuis la plus haute antiquité. Mais cela ne fait pas si longtemps qu’il a été prouvé qu’ils ne peuvent pas être résolus par des constructions à la règle et au compas. Un article de BBC News Afrique nous en dit plus.

Chiffre, nombre, numéro ? Dans Ça m’intéresse, Marine Cestes nous explique le bon usage de ces mots si fréquemment utilisés, mais pas toujours à bon escient.

Également dans Ça m’intéresse, Emma Derome parle de la conjecture de Goldbach, de l’hypothèse de Riemann et des 7 problèmes du millénaire, dont 6 attendent toujours une éventuelle solution, avec pour chacun un million de dollars à la clé.

Romain Demelle est l’un des piliers de l’équipe qui vous mitonne chaque mois cette revue de presse. Chercheur en géométrie algébrique, il aime les maths, la recherche et… les langoustes. Il nous dit pourquoi dans cette vidéo.

Une star du cinéma pour promouvoir les mathématiques ! L’Île logique, la compagnie théâtrale dont nous vous avons déjà parlé ici, a bénéficié de la participation de Thierry Lhermitte pour plusieurs de ses capsules vidéo mathématiques. Le comédien a été interrogé pour l’occasion par Amélie Joret pour Le Télégramme.

Cédric Aubouy, Thierry Lhermitte et l’égalité

Cédric Aubouy, Thierry Lhermitte et l’égalité

« Cerveau matheux ou littéraire : êtes-vous vraiment soit l’un soit l’autre ? » Grégoire Borst, directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l’Éducation de l’enfant (CNRS) dénonce dans un entretien au Progrès une « fausse croyance » qui « remonte au xixe siècle ». Il affirme que « cette stigmatisation gâche les chances des enfants dès le plus jeune âge ».

Parutions

Matheuses : Les filles, avenir des maths vient juste de sortir chez CNRS Éditions. Préfacé par Catherine Goldstein, il est signé par Clémence Perronnet, spécialiste de la sociologie de la culture, de l’éducation, des sciences et du genre, Claire Marc, scientifique de parcours et vulgarisatrice de métier, et Olga Paris-Romaskevich qui est fortement impliquée dans l’organisation des stages Les Cigales. Elle avait lancé l’idée avec Clémence Perronnet, d’une enquête sociologique (voir les parutions d’octobre 2022) prolongée par un ouvrage.

Trois autrices heureuses !

Matheuses présente les résultats d’une enquête sociologique et porte la parole de 45 adolescentes, tout en proposant aux lectrices et aux lecteurs de découvrir des problèmes de mathématiques originaux à leur rythme. C’est à la fois un livre qui parle de mathématiques, avec des pages sources et ressources à la fin de chaque chapitre, un livre sur les mathématiques, un livre de sociologie. Trois regards sur les mathématiques, différents mais indissociables les uns des autres. Il est agréablement illustré et mis en page, clair et facile à lire pour un large public. Chacune des trois autrices apporte une pierre indispensable et précieuse à l’éclairage de l’ensemble. Il permet au lecteur de « s’immerger complètement dans un stage Cigale », cette « école mathématique incroyable », infiniment mieux que n’importe quelle vidéo. Cet ouvrage atypique ne laisse pas indifférent : il invite à la réflexion, l’échange, la confrontation des points de vue … Il sera intéressant de savoir quel impact va avoir en particulier sur les plus jeunes, les réactions dans la presse, le grand public. Le tout premier retour est celui de Claire Lommé, enthousiaste, élogieuse, conquise dès le premier coup d’oeil : « Le livre se dévore : tout est clair, étayé, référencé par des sources fiables. Promouvons, diffusons, offrons ce livre ajoute-t-elle. On ne peut que l’approuver ! »

Le mensuel Science et Avenir de janvier a été séduit par le dernier ouvrage de Marcus du Sautoy, l’Art du raccourci, ou comment mieux penser, édité chez Héloïse d’Ormesson : « Marcus du Sautoy est catégorique : les mathématiques sont l’art du raccourci, du « mieux penser ». On pourrait l’accuser de parti pris : après tout, il est mathématicien (professeur à l’université d’Oxford, au Royaume-Uni). Mais on prend un pari : la démonstration qu’il livre dans cet essai convaincra même les plus sceptiques ! »Bien sûr, c’est à vous de juger si vous êtes d’accord, mais connaissant les talents de vulgarisateur de Marcus du Sautoy le pari est pratiquement gagné d’avance.

De son côté Le Dauphiné Libéré jette un coup de projeteur sur le dernier ouvrage de Jean Dherbey paru au tout début de l’année, Cherche Racines. Un nouveau roman mêlant voyage et mathématiques mais aussi un livre qui lui ressemble. L’auteur est passionné de montagne, d’histoire, de voyage et il a enseigné les mathématiques et le sport. À travers ses livres, il essaie de transmettre ses différentes passions. « Vous serez emporté dans un voyage émotionnel, où l’amour, l’amitié et la persévérance se mêlent à la beauté des nombres  », nous dit l’éditeur.

La princesse et le philosophe, c’est le titre (qui n’a pas été repris sur le site) de l’article publié dans la rubrique Histoire des sciences du numéro de février du mensuel Pour la Science. Il reprend d’ailleurs le titre de la version anglaise de cet article, The Princess and the Philosopher, publiée en mars dernier dans la revue American Scientist. Nous y apprenons que « René Descartes serait sans doute passé à côté du théorème sur les cercles qui porte son nom sans l’aide de son élève, Élisabeth de Bohême. » C’est la correspondance de René Descartes avec la princesse qui révèle le rôle essentiel que cette dernière a joué dans le développement des idées de Descartes. Son héritage devrait inclure les contributions de son élève au développement de ses idées.

Avantage pour la base 16. Toujours dans ce numéro, Jean-Paul Delahaye compare dans sa rubrique Logique et calcul les avantages respectifs des systèmes de numération binaire, décimal et hexadécimal qui sont étudiés dans l’article. La conclusion ne surprendra pas. « Quels qu’aient été les rêves de changement au cours des derniers siècles, la numération en base seize ne semble en tout cas pas près de remplacer le système décimal, le plus répandu, utilisé dans la vie de tous les jours, dans le commerce, l’économie et les sciences. »

Nous avons déjà parlé de la revue Au fil des maths publiée par l’APMEP. C’est une mine de ressources pour les enseignants, mais c’est aussi de nombreux articles sur l’histoire des mathématiques, des jeux originaux, des problèmes … et bien d’autres pépites. Le Café Pédagogique suit régulièrement les nouveautés et a repéré en particulier la sortie du second volet du diptyque « « Maths et citoyenneté » : des articles autour du débat en mathématiques, de l’implication dans des contextes non mathématiques, des expériences de classe sur les modes de scrutin, le coût des prêts bancaires et des pistes à creuser sur les codes bancaires avec nos élèves. »

Histoire des mathématiques

Dans l’article « Les grands savants africains de l’antiquité égyptienne que nous ignorons » publié dans ActuCameroun, l’auteur dresse une liste de savants égyptiens de l’Antiquité. L’article est sans aucun doute maladroitement écrit pour un·e historien·ne des mathématiques, mais il a le mérite d’attirer l’attention sur les pratiques mathématiques antiques comme la construction de pyramides (à degrés), différents calculs de surface et de volume, l’utilisation des triplets pythagoriciens ou encore la construction et l’utilisation de la clepsydre (horloge à eau). Des noms d’hommes de sciences sont ainsi dévoilés, comme ceux d’Imhotep, Ahmès ou encore Euclide.

La pyramide à degrés de Sakkara

Des papyrus, dont les auteurs sont encore inconnus, sont aussi présentés comme le papyrus de Khaun ou encore celui de Berlin 6619. Pour celles et ceux qui sont intéressé·e·s par les mathématiques de l’Égypte du Moyen Empire, des lectures complémentaires s’imposent comme celles, par exemple, des travaux de Jim Ritter.

Lames de bambou conservées à l’université de Tsinghua

« Dans la province du Hubei, en Chine, une découverte archéologique exceptionnelle a été réalisée dans la ville de Jingzhou. Des archéologues ont mis au jour une tombe vieille de 2 300 ans, révélant des artefacts qui offrent un aperçu précieux de la période des Royaumes combattants et des pratiques éducatives et mathématiques de l’époque ». Voici comment l’autrice introduit son très bel article « Découverte de tables de multiplication vieilles de 2300 ans dans une tombe chinoise » publié dans Science & Vie – le site. En effet, dans une tombe du site de Qinjiazui, dans la province du Hubei, poursuit-elle, des archéologues ont découvert des milliers de lamelles de bambou (véritable bibliothèque de la vie quotidienne).« Les différents écrits couvrent un large éventail de sujets, notamment les « six arts » (tir à l’arc, équitation, calligraphie, musique, mathématiques et pratiques rituelles), qui constituaient les piliers de l’éducation dans la Chine ancienne », est-il encore précisé dans un autre article du Daily Geek Show, reprenant le communiqué officiel de l’Administration nationale du patrimoine culturel de Chine. En particulier, certaines lamelles sont gravées de tables de multiplication, datant du 4e siècle avant l’ère chrétienne. Cela apporte non seulement un nouvel éclairage sur les méthodes d’enseignement anciennes, mais soulève aussi des questions sur l’évolution des techniques mathématiques dans le monde antique. De quoi satisfaire les historien·ne·s des mathématique, les curieux et curieuses de la Chine antique. Ces lamelles montrent l’existence de compétences mathématiques relativement avancées et donnent à voir une société où l’éducation et le savoir mathématique occupaient une place centrale, ce que montrent, depuis plusieurs décennies, les nombreux travaux en histoire des mathématiques chinoises. Pour celles et ceux qui sont intéressé·e·s, ces articles peuvent être prolongés par la lecture de celui rédigé par Rémi Anicotte dans la rubrique « histoire des mathématiques » du site Images des maths, à propos de calculs, en Chine ancienne, effectués avec des bâtonnets.

Mathématiciennes et mathématiciens mis à l’honneur

Portrait de François Viète (1540-1603)

L’exposition « François Viète, un mathématicien fontenaisien à la Renaissance » retrace la carrière du mathématicien François Viète à Fontenay-le-Comte. Elle est installée à la médiathèque Jim-Dandurand de Fontenay-le-Comte (Vendée) du mardi 9 janvier au samedi 10 février 2024. « Avocat de grandes familles protestantes, conseiller sous Charles IX, déchiffreur d’Henri IV et évidemment mathématicien de renom, l’exposition propose de revenir sur l’histoire de ce Vendéen qui a marqué les grands professionnels de son temps », précise cet article de Ouest-France. Aucun doute que si la possibilité nous est offerte, un détour vers la Vendée est intéressant. Rappelons-nous que le travail de Viète, notamment associé à celui de Descartes (1596-1650) et Fermat (1607-1665), a contribué à faire de l’algèbre, cet art de la résolution des équations, la science qu’on enseigne aujourd’hui au collège et au lycée.

Timbre à l’effigie de Sophie Germain (2016)

Enfin, ne pas oublier que Julien Rebucci a signé à la fin du mois de décembre 2023 une série de trois articles consacrés à des mathématicien·ne·s pour Le Point : Nicolas Bourbaki, Évariste Galois et Sophie Germain.

La fin du mois de décembre a aussi vu la publication de quatre portraits d’« expertes méconnues de l’astronomie » dans le journal suisse Le Temps dont la bien connue Émilie du Chatelet, mais aussi Caroline Herschel, Henrietta Leavitt ou encore Cecilia Payne. Même si ces différents articles ne sauraient suffire à contenter la soif de connaissance de nos lecteur·rice·s, c’est néanmoins une bonne manière de (re)découvrir certains éléments de la vie et de l’œuvre de certain·e·s mathématicien·ne·s.

Pour finir

Comment était votre journée du 15 janvier ? N’était-elle pas plus morose que d’habitude ? En tout cas, c’est ce qu’on tente de nous faire croire depuis plus de 10 ans car il s’agissait du « blue monday », le soi-disant « lundi le plus déprimant de l’année ». Heureusement, des journalistes (comme Mathilde Damgé pour Le Monde) rappellent l’imposture. La soi-disant formule pour « prouver » que cette journée est « déprimante » tient davantage à la plaisanterie qu’aux mathématiques (voyez par vous-même ci-après…). Et en plus, son auteur « a lui-même admis en 2010 qu’il n’y avait rien de scientifique derrière ce calcul, et qu’il avait été commandé par une société de publicité pour le compte de l’agence de voyages Sky Travel ».

Formule du jour le plus déprimant de l’année Capture d’écran de la page Wikipédia « Blue Monday (jour) »

Notons d’ailleurs cette intervention importante du chercheur Dean Burnett (dans Le Guardian) : « Ce genre de calculs menace la compréhension que le public a de la science et de la psychologie. C’est également irrespectueux envers ceux qui souffrent de vraie dépression, car cela sous-entend qu’il s’agit d’une expérience temporaire et mineure, dont tout le monde souffre. »

Crédit Images

Ruban de Möbius – Inductiveload – Public domain

Trois autrices heureuses ! – Photo : Yona Gouetta

Cédric Aubouy, Thierry Lhermitte et l’égalité – © L’Île logique – https://ilelogique.fr

Portrait de François Viète (1540-1603) – https://www.bibmath.net/bios/index.php?action=affiche&quoi=viete

Marcus du Sautoy en 2007 – Photo : Niccolò Caranti /Wikipédia

Élisabeth de Bohême – Wikipédia

Configuration dite de pulsar – Domaine public

Timbre à l’effigie de Sophie Germain (2016) – https://lejournal.cnrs.fr/articles/sophie-germain-une-pionniere-enfin-reconnue

Lames de bambou conservées à l’université de Tsinghua – Wikimedia

Bernard Malgrange (Oberwolfach, 2007) – © Renate Schmid — https://opc.mfo.de/detail?photo_id=9433, CC BY-SA 2.0 de, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=6990537

img_27435 – © Ruf, Tatjana — https://owpdb.mfo.de/detail?photo_id=18812, CC BY-SA 2.5, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=48093262 – © IHES – © Université Paris-Saclay

img_27437 – © Geoffrey Guérinot, Tina Nikoukhah, Armelle Perret du Cray

La pyramide à degrés de Sakkara – Wikipedia

Baleine à bosse – Whit Welles – CC BY 3.0 DEED – https://creativecommons.org/licenses/by/3.0/deed.en

Données synthétiques générées pour l’entraînement – Google DeepMind – https://deepmind.google/discover/blog/alphageometry-an-olympiad-level-ai-system-for-geometry/

Yvonne Choquet-Bruhat – Renate Schmid – CC BY-SA 2.0 DE DEED – https://creativecommons.org/licenses/by-sa/2.0/de/deed.en

Des artéfacts peuvent apparaître après plusieurs entraînements – Sina Alemohammad et al., Self-Consuming Generative Models Go MAD, arXiv, 2023, https://arxiv.org/abs/2307.01850

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