Qui dit septembre, dit rentrée. Et déjà côté enseignement c’est l’effervescence, notamment avec le décalage en juin des épreuves de spécialités… Surtout que l’été aussi fut riche, notamment avec le remaniement ministériel – la rubrique « Enseignement » reviendra dessus. Côté « Vie de la Recherche », la revue de presse traitera ces nouvelles peu réjouissantes : la dégringolade des doctorant·e·s en mathématiques et la chute du nombre de recrutements. La rubrique « Recherche » vous en dira plus sur le nombre 286 386 577 668 298 411 128 469 151 667 598 498 812 366, quant à celle d’ « Art », elle vous donnera pour sûr envie d’aller au théâtre. Mais qui dit rentrée, dit aussi sorties scolaires et on les espère nombreuses à la Maison Poincaré (voir image de couverture) qui ouvre incessamment sous peu ses portes. Au nom de la revue de presse : bonne rentrée !
À la une
La Maison Poincaré ouvre ses portes à la fin du mois ! Ce « temple des maths », comme décrit dans Le Parisien deviendra alors le « premier musée en France entièrement consacré aux mathématiques et à leurs applications » comme le rapport FranceInfo. Les 900 m² d’exposition seront le lieu pour connecter des objets avec les mathématiques, se laisser s’inspirer par les plus grandes figures des mathématiques, écouter les formules chuchotées à notre oreille ou encore admirer une partie de la superbe collection de modèles mathématiques de la maison Poincaré. Alors, sortez vos agendas : l’inauguration aura lieu le 27 septembre pour une ouverture le 30.
Recherche
Commençons cette rubrique par 42 chiffres, ceux du neuvième nombre de Dedekind, correspondant au nombre de fonctions booléennes monotones avec 9 entrées : 286 386 577 668 298 411 128 469 151 667 598 498 812 366. « Cela ne prend que quelques phrases pour définir les fonctions booléennes monotones, mais les compter est un défi autant pour les mathématiques que l’informatique ! », indique à Pour La Science Patrick De Causmaecker, de KU Leuven, en Belgique et co-auteur de la prépublication.
Avec ses collègues, ils sont arrivés à ce résultat à l’issue de 1500 heures de calcul sur un supercalculateur avec une architecture particulière : la FPGA (pour Field-programmable gate array). Pour eux, le résultat a des chances d’être correct car à quelques jours d’intervalle un autre chercheur est arrivé exactement au même résultat, son article est lui aussi en prépublication. « La probabilité qu’on obtienne par erreur le même nombre est vraiment faible, alors je suis assez certain qu’on l’a enfin trouvé ! », se réjouit Patrick De Causmaecker dans l’article.
Cet été, dans un numéro pour les mois de juillet et août, Clémentine Laurens revient dans Sciences et Avenir – La Recherche 🔒 sur une prépublication qui avait fait grand bruit en novembre dernier : la prétendue avancée du mathématicien Yitang Zhang sur l’hypothèse de Riemann. L’occasion de revenir sur cette conjecture et son lien avec la répartition des nombres premiers : « Ce qui est très puissant, c’est qu’une fois prolongée comme Bernhard Riemann l’a fait, la fonction zêta vérifie une jolie équation fonctionnelle – une relation entre fonctions -, qui permet d’établir un lien explicite entre ses zéros et la répartition des nombres premiers », souligne Cécile Dartyge dans l’article. Mais aussi de faire le lien avec les travaux de Yitang Zhang, : « au mieux […] a-t-il démontré qu’il sera encore plus difficile que prévu de trouver un contre-exemple à l’hypothèse de Riemann. » Alors, « Il est tout simplement faux d’affirmer que Yitang Zhang s’approche de l’hypothèse de Riemann avec ce papier », appuie dans l’article Gergely Harcos, chercheur en théorie des nombres à l’institut de mathématiques Alfréd-Rényi à Budapest.
Ce mois-ci, le magazine Science&Vie consacre un article aux problèmes laissés par Paul Erdős et récemment résolus ou partiellement résolus récemment. Nombre de Ramsey, grands écarts entre nombres premiers, coloration d’un hypergraphe sont au programme.
Dans une brève pour le numéro d’août, Science&Vie 🔒 aborde les fractions égyptiennes à travers une récente publication. En mai 2023, le chercheur à l’université d’Oxford Thomas Bloom dépose sur arXiv la résolution d’une conjecture : tout rationnel positif peut s’écrire en utilisant des nombres premiers. Plus précisément, tout nombre rationnel est la somme de fraction unité avec pour dénominateur p−1, pour p premier.
Vie de la Recherche
Des chercheurs et chercheuses « maltraités par l’Etat depuis plus de vingt ans », c’est ce que dénonce Boris Gralak, secrétaire général du Syndicat national des chercheurs scientifiques (SNCS-FSU) dans une tribune au Monde 🔒. Un engagement non tenu de consacrer 1 % au moins du PIB à la recherche – la loi de programmation de la recherche en est un exemple récent -, des réformes à « contresens » qui « auront particulièrement dégradé les conditions de travail des scientifiques ». Boris Gralak insiste aussi sur les « rémunérations et carrières indignes au regard des responsabilités, formations et diplômes de ces scientifiques », en plus des recrutements tardifs (entre 34 et 36 ans) souvent après des années à l’étranger, qui ne comptent pas dans le calcul des retraites.
Autre point : la baisse du nombre de primo-inscriptions en doctorat de 10 % sur les dix dernières années. Alors que « le vivier est là ». Un chiffre qui est apparu dans la publication L’état de l’emploi scientifique en France – édition 2023. Et le Figaro Étudiant s’est aussi penché sur la question : Pourquoi de moins en moins de « thésard·e·s » ? Une note flash de la Sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) recense elle aussi une baisse des effectifs, de 4 % entre 2021 et 2022. Et si on s’intéresse aux doctorant·e·s en mathématiques, cette baisse est même de 10 %. En cause notamment, l’attractivité du secteur privé, comme le note Antonin Marquant, doctorant en biochimie et président de la Confédération des jeunes chercheurs : « Il peut être beaucoup plus intéressant et attractif de travailler tout de suite dans une entreprise privée, avec un salaire souvent très important par rapport à celui d’une thèse ou d’un chercheur. » Surtout que « l’enseignement supérieur et la recherche, publics ou privés, recrutent peu et mal ces dernières années », selon Christophe Bonnet, secrétaire fédéral du Sgen-CFDT en charge de l’enseignement supérieur et de la recherche. On en revient donc aux mêmes faiblesses.
« Qui peut encore embrasser la carrière d’enseignant-chercheur à l’université ? La question se pose alors que les portes apparaissent de plus en plus étroites pour des centaines de jeunes docteurs, soit bac + 8, qui voient les campagnes de recrutement se succéder sans jamais pouvoir accéder à un poste de titulaire dans un établissement », écrit Le Monde🔒 abordant la difficulté d’entamer une carrière universitaire. « “ 20 candidatures, 2 auditions (dont une que je n’ai pas pu faire), 0 poste. Comme quoi on peut avoir publié 10 bouquins, 42 articles scientifiques, 15 chapitres d’ouvrage, fait 87 interventions orales de natures diverses et ne pas avoir de poste de recherche dans une université publique française.” Depuis lors, Albin Wagener a trouvé un poste, non pas à l’université publique, mais dans l’enseignement privé, à l’Institut catholique d’arts et métiers de Lille, au sein d’une chaire de recherche. » Depuis 10 ans, le nombre de recrutements a été divisé par deux, alors que dans le même temps, les ensaignant·e·s-chercheur·se·s sont de plus en plus nombreux·ses à partir à la retraite.
Pour Boris Gralak : « Il est impératif de rétablir l’attractivité dans la recherche publique, de restaurer des conditions de travail permettant une recherche de qualité dans un environnement favorable. Il est urgent de revaloriser les rémunérations des scientifiques en les portant au niveau de celles des corps comparables de la fonction publique d’État. » Et pour ce faire, il estime que le gouvernement devrait tenir ses engagements et investir 1 % du PIB dans la recherche publique.
Notons aussi un autre article du Monde 🔒 qui s’attaque au problème de la langue anglaise dans la recherche. Selon une étude de juillet, les chercheurs et chercheuses non anglophones sont en effet désavantagé·e·s. Le temps pris à lire une étude est en effet plus long pour un chercheur·se dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, avec en moyenne 46 % de temps en plus. Mal maitriser la langue anglaise est aussi une barrière pour participer aux conférences. Et en plus, les non-anglophones ont plus de 2 fois plus de risque de voir leur article refusé.
Mathématiques et société
Dans sa chronique au Point 🔒, Jacques Attali propose un « éloge des mathématiques », cette discipline qui appelle une dualité en France : une discipline « à la fois particulièrement admirée et de plus en plus délaissée ». Mais Jacques Attali, qui se souvient avec plaisir de ses heures de mathématiques, invite tout un chacun à pousser la porte des maths : « Nul ne pourra vivre libre dans le monde demain sans maîtriser les mathématiques, pour vérifier qu’on en fait le meilleur usage. Certes, ce n’est pas un univers facile d’accès. Il faut faire un peu d’effort. Beaucoup parfois. Mais personne n’en est exclu. Il n’y a pas de « bosse des maths ». Il n’y a que du travail, pour apprendre à ouvrir cette porte, et s’émerveiller de tout ce qui se cache derrière elle. »
N-ième preuve de l’utilité des maths : sur le site de l’IJNet (pour Internation Journalists’ Network), on peut lire un article rappelant l’importance des mathématiques pour les journalistes. Parce que déjà interpréter une valeur chiffrée n’est pas aisé, des bases de mathématiques sont nécessaires. Pour Fad Seydou, docteur en mathématiques et coordinateur national de la Société Malienne des Sciences Appliquées, interrogé dans l’article : « Il arrive assez fréquemment, lors de la lecture des articles dans lesquels les journalistes s’adonnent à l’interprétation des chiffres, de constater qu’ils auraient fourni une meilleure explication s’ils avaient une appréhension plus solide des mathématiques. » Moyenne ou médiane, écart-type, courbes et histogrammes font souvent partie des articles, mais il faut les comprendre pour les interpréter. Le coordinateur suggère donc que les mathématiques fassent partie du cursus universitaire des futur·e·s journalistes. Et ce n’est pas la seule chose que Fad Seydou aimerait : « Il est très difficile de trouver un domaine où les mathématiques ne jouent pas un rôle important. […] Les journalistes doivent alors se tourner vers les mathématiciens pour solliciter leur avis », rapporte le journaliste.
Applications
Peut-on voir le mont Blanc depuis la tour Eiffel ? Dans un article pour The Conversation, Karl Joulain, professeur de physique et d’énergétique à l’Université de Poitiers s’attaque à cette question. Grâce au théorème de Pythagore et la déviation des rayons lumineux, la réponse se dévoile : « Il n’est pas possible de voir cette montagne depuis la tour Eiffel. »
Dans un billet de blog, Météo Suisse s’est lancé cet été le défi d’expliquer quelques notions de probabilités à travers les prévisions météo. « L’expression des prévisions météo tend à abandonner le mode déterministe au profit du mode probabiliste. Cela se traduit dans les bulletins par des termes tels que « possible », « probable », « pas exclu » et dans les graphiques ou les cartes de prévision par des fourchettes de valeurs ou par l’emploi de pourcentages », expliquent-ils. Autour d’exemples concrets, ils définissent moyenne, écart-type, médiane et quantiles. « Les probabilités sont une approche incontournable des prévisions météorologiques modernes, mais elles donnent leur pleine mesure à condition d’être couplées à des approches plus classiques, à des notions climatologiques, à l’expérience humaine, à la connaissance du terrain ainsi qu’à celle des forces et faiblesses des différents modèles. »
Comment relier la dynamique des populations et la généalogie ? C’est la question que Samuel Pavard, biodémographe au Muséum national d’Histoire naturelle, et Sarah Cubaynes, écologue, se sont posée. Comme le rapporte le Journal du CNRS, le projet ANR MathKinD a pour but d’y répondre en développant un outil mathématique adapté. Bien que l’existence d’une connexion mathématique soit indéniable, elle est très complexe à établir. « La généalogie ne prend pas en compte les âges des individus, alors qu’en dynamique des populations, tout est une question de temps. Pour les relier mathématiquement, cette notion de temporalité est essentielle », explique Samuel Pavard à Anaïs Culot, journaliste. Ils ont mis au point un modèle : « Il s’agit de la première méthode reposant sur une formule unique. Nous utilisons des mathématiques matricielles qui utilisent des tables d’informations sur les taux de reproduction et de survie d’individus. » Cet outil peut être utilisé à des fins assez différentes : de l’analyse des maladies génétiques du vieillissement chez l’humain à la dynamique des populations d’ours polaires.
Cet été, Antoine Houlou-Garcia, chercheur à l’Ehess, a proposé au Point une série d’énigmes mathématiques auxquelles il répond sous un format vidéo. Dans l’une d’entre elles, il mêle paradoxe de Simpson aux tirs de pénaltys pour savoir qui de deux joueurs est le plus performant dans cet exercice de tirs au but.
Les nouvelles de l’IA
« Moi et ChatGPT ». Dans une série de cinq épisodes pour Le Monde 🔒, l’écrivain et prix Goncourt pour son roman L’Anomalie – mais aussi mathématicien de formation – Hervé Le Tellier propose de nous plonger dans ses discussions avec l’agent conversationnel ChatGPT. Lecture agréable et drôle, mais qui n’est pas sans mettre en exergue les limites de ChatGPT, interroger notre relation avec ces modèles ou pousser à la réflexion quant au devenir des ces grands modèles de langue. « Je crains tout de même que tu ne te perfectionnes au point que, bientôt, on ne puisse plus trop jouer de ta docilité et de ton touchant tropisme pour le premier degré. Combien de temps encore pourrai-je trouver de ces questions capables d’abuser de ta candeur ? », écrit d’ailleurs Hervé Le Tellier dans le premier épisode 🔒.
« ChatGPT, connais-tu le masculin de “nonne” ? ChatGPT : « Le masculin correspondant au terme “nonne” est “moine”. Une nonne est une femme qui a fait vœu de chasteté, de pauvreté et d’obéissance dans le cadre d’une vie religieuse. Un moine est un homme qui vit selon les mêmes principes et s’engage dans une vie monastique. » Hélas, la bonne réponse était « non » », écrit-il aussi dans un autre épisode 🔒. Et les erreurs des modèles de langue sont souvent pointées du doigt et cela ne semble pas aller en s’arrangeant. Comme le montre cette étude faite par trois chercheurs en informatique de Stanford et de Berkeley (encore en prépublication) et reprise dans Les Echos🔒. Les chercheurs ont comparé les performances de GPT-3.5 et GPT-4 entre mars et juin 2023. Étonnamment, ils ont remarqué une baisse des performances de ChatGPT-4. « Entre mars et juin, la capacité de ChatGPT-4 à reconnaître des nombres premiers s’est, par exemple, effondrée. Sa proportion de bonnes réponses est passée de 97,6 % à 2,4 %. ChatGPT-3.5 a connu dans le même temps une évolution inverse, passant de 7,4 % de réponses positives à 86.8 % », explique le journaliste. Un même constat s’applique à la génération de codes, ils ont constaté une hausse des erreurs. « Pour les chercheurs, si cette étude révèle la fiabilité variable des deux versions les plus utilisées de ChatGPT sur un court laps de temps, elle souligne aussi l’opacité du code derrière ces intelligences artificielles. » L’étude a fait aussi l’objet d’un article pour l’Agence SciencePresse. Ici, il est aussi rappelé l’annonce discrète d’OpenAI qui met fin au développement de son outil de détection de contenus générés par IA, « témoignant de ces difficultés qui se pointent à l’horizon ».
Enseignement
Rentrée 2023
L’information n’aura échappé à personne, et surtout pas aux enseignant·e·s : le remaniement ministériel qui a eu lieu le 20 juillet 2023 a donné lieu à un nouveau ministre de l’éducation nationale : Gabriel Attal. Peu après son départ, l’ancien ministre Pap Ndiaye s’est exprimé sur FranceInfo. Nous pouvons sentir un certain soulagement dans ses déclarations : « Cette année fut sans doute la plus intense, peut-être la plus âpre, de mon existence » ou encore « Je n’ai aucun regret, je quitte le ministère serein ». Mais alors quel est le bilan de cette année ? Quelle est la situation en cette rentrée 2023 pour le nouveau ministre Gabriel Attal ?
Cette dernière semble assez similaire à l’année dernière. La première chose que nous pouvons noter concerne le nombre ahurissant de postes non pourvus cette année encore. Même si « le ministère de l’Éducation nationale se félicite d’une campagne de recrutement moins mauvaise qu’en 2022 » comme le relaie cet article du Monde🔒, le bilan reste tout de même très critiquable avec environ 2 700 postes d’enseignant·e·s qui n’ont pas été pourvus (contre 4 000 l’année passée). Cette crise structurelle du métier marque un recours de plus en plus légitimé aux personnes non titulaires et semble donc donner raison à Pap Ndiaye : « Je souhaite placer le concours de professeur des écoles à bac +3, sans renoncer à la mastérisation », déclarait-il dans le Monde🔒 à la fin du mois de juin. Notons une nouvelle fois qu’il omet de parler de l’amélioration des conditions de travail qui serait sans nul doute un levier efficace pour augmenter l’attractivité du métier (que ce soit dans le primaire ou le secondaire).
Attardons-nous enfin sur cette question du Figaro🔒 : « À la rentrée, les élèves auront-ils encore le temps de faire des maths et du français ? » Une question intéressante quand on cumule la moins bonne préparation des enseignant·e·s au nombre toujours plus grand de certifications inventées par le ministère de l’Éducation nationale. Une liste non exhaustive est donnée dans l’article du Figaro cité plus haut : l’ASSR que nous connaissons depuis quelques années maintenant, Pix (une certification au numérique), l’Evars c’est-à-dire « l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle » ou encore une certification écologie qui fait son apparition à la rentrée 2023. C’est à se demander si le nombre de telles certifications à l’utilité plus que discutable ne serait pas corrélé au nombre de postes d’enseignant·e·s vacants à la rentrée…
Faire aimer les maths
« Une dimension affective à la discipline qui est peut-être un peu spécifique et exacerbée en France. Les raisons sont sans doute profondes et liées à la dimension historique et élitiste de la discipline », répond Mélanie Guesnais à la question : « Il y a l’impression que les maths sont liées à l’échec, est-ce une impression que vous avez ? », qui lui a été posée le 29 août dans Télématin (son interview complète en vidéo est accessible sur ce lien). Les journalistes ne manquent d’ailleurs pas de rappeler combien les mathématiques leur rappellent de mauvais souvenirs d’école…
Même si le ministère n’est pas très doué pour faire aimer les enseignements proposés à l’école, en particulier les mathématiques, il existe des initiatives et moyens complémentaires le permettant. Déjà, parlons des journées « Bus Maths » mentionnées dans cet article de LaDepeche. Pour le citer : « Dans le cadre du Labo Maths et du travail mené par l’ensemble des professeurs de mathématiques du bassin Lavelanet-Mirepoix, les chercheurs de l’Institut de recherches Mathématiques de Toulouse (IMT), ont proposé d’inviter 60 élèves de 3è du collège Victor Hugo de Lavelanet, 60 élèves de 3è du collège Louis Pasteur de Lavelanet et 60 élèves de 3è et de 2nde de la cité scolaire de Mirepoix, à venir passer une journée dans les laboratoires de recherches de mathématiques et d’informatique de Toulouse ». Cette occasion a permis à nombre d’élèves de découvrir le métier de la recherche en mathématiques, souvent perçue comme mystérieuse, en discutant avec des professionnel·le·s du domaine, en visitant les locaux et en assistant à une conférence. Dans la même veine le site de l’école polytechnique nous décrit le « X-Science Camp » qui a permis à 40 lycéennes et lycéens en classe de Première et passant en Terminale avec l’option maths expertes de « s’immerger dans l’Univers d’une grande école d’ingénieur » durant une semaine (du 8 au 14 juillet). L’objectif affiché était clair : « […] renforcer les acquis en mathématiques, les aider à lever les freins à toute autocensure en matière de cursus et les accompagner vers les études scientifiques d’excellence ».
Ensuite nous nous tournons du côté d’Angers et de sa « Newton Room », présentée dans cet article de Ouest France. Ce projet a pour objectif de faire aimer les sciences aux élèves du primaire et du secondaire et vient de fêter sa première année d’existence courant juillet. Selon Sébastien Delannoy, chargé de projet Newton Room à la fédération Léo-Lagrange : « L’objectif est […] de faire de la pédagogie pratique et appliquée afin que les enfants comprennent à quoi servent, par exemple, les mathématiques et la physique ». Le succès est d’ailleurs au rendez-vous, car comme le constate l’article : « Sur l’ensemble de l’année scolaire, la Newton Room aura reçu presque 2 000 jeunes ».
Enfin, terminons avec cet article de LaDepeche où l’on peut lire que faire de la musique permettrait d’être meilleur en mathématiques. Cette étude menée par une chercheuse turque fait suite aux « récentes enquêtes [qui] s’alarment du faible niveau des élèves français en mathématiques. » Sur un échantillon de 78 000 personnes : « La chercheuse a constaté que les apprenants ont obtenu de meilleurs résultats en mathématiques lorsque la musique fait partie de leurs cours ». Ce n’est pas la première fois qu’une telle étude a lieu et, même si aucune corrélation n’est prouvée scientifiquement pour le moment, les mathématiques et la musique sont étroitement liées. Effectivement, la musique possède de nombreuses notions plus ou moins abstraites comme les gammes par exemple. Pour en comprendre toute la beauté, il faut travailler ces gammes et faire preuve d’abstraction, comme les mathématiques. Nous retrouvons par ailleurs ce même sujet dans cette brève de Ça m’intéresse, indiquant qu’il serait plus efficace de travailler ses devoirs en mathématiques tout en écoutant de la musique. Selon la même chercheuse évoquée précédemment : « Les deux matières utilisent des symboles, nécessitent une pensée abstraite et un raisonnement quantitatif ».
Femmes et maths
La proportion de femmes dans les milieux scientifiques est toujours préoccupante. L’une des explications concerne les stéréotypes de genre et cet article de l’Unesco aborde le sujet suivant : « Comment les stéréotypes de genre dans l’apprentissage précoce détournent les filles des mathématiques et des sciences ». Cette disparité existe depuis longtemps et se mesure à l’échelle mondiale : « À l’échelle mondiale, en 2018, seuls 28 % des ingénieurs et 40 % des informaticiens diplômés étaient des femmes » alors que ces métiers se situent au cœur de l’innovation. Pour comprendre ces chiffres, il faut remonter à l’enfance où les stéréotypes de genre des parents se répercutent indirectement sur les enfants via les activités et jeux proposés. Un des moyens les plus efficaces pour lutter contre ces différences et de prévenir les parents d’y faire attention : « le choix des activités est influencé par les stéréotypes de genre et […] il est nécessaire de surmonter ces préjugés« . Pour plus de détails sur le sujet, nous vous invitons à jeter un œil à cette note de l’Unesco.
Toutefois les efforts commencent à être payants comme nous pouvons le lire dans cet article d’El Pais🔒(attention : article en espagnol) : « Le nombre d’étudiantes dans les carrières techniques commence à se redresser grâce à l’attrait des étudiantes, qui représentent désormais 27,8 % des nouveaux entrants » (traduction par DeepL). Les adolescentes ne cachent plus qu’elles veulent être ingénieures et ces chiffres sont encourageants pour l’avenir.
Enfin nous pouvons aussi voir les femmes mises en avant dans les sciences grâce aux Olympiades Féminines de Mathématiques, dont la 4e édition a eu lieu lors du mois d’avril 2023. Cet article de La Tribune relaie la cérémonie de remise des prix qui s’est tenue le 4 juillet dernier et organisée par l’association STEM4all. Comme le souligne l’article, ce moment a notamment permis des « rencontres et échanges avec des personnes influentes, tables rondes sur l’engagement des entreprises, associations et fondations pour plus de femmes dans les STIM, et remise des prix aux lauréates de cette 4ème édition se dérouleront ce jour ».
À l’honneur
Le mathématicien camerounais Abdon Atangana est à l’honneur cet été. Premier récipiendaire (en 2020) du prix TWAS Mohammad A. Hamdan, il a reçu le 19 juin dernier le prix international UNESCO-Al Fozan pour ses contributions à l’étude des équations différentielles fractionnaires et leurs applications en modélisation mathématique. Plusieurs journaux lui rendent à juste titre hommage, tels BBC News, Cameroun Actuel ou Cameroun Actu.
Nos félicitations vont aussi à ses quatre co-récipiendaires : l’Argentin Federico Ariel ; la Chinoise Qiaomei Fu, déjà distinguée par le MIT en 2018 ; l’Egyptien Hesham Omran et la Serbe Jelena Vladic.
En 2022, June Huh était le premier mathématicien coréen à recevoir la médaille Fields. Un an plus tard, un institut de recherches a son nom voit le jour en Corée du Sud : inauguré le 20 juillet dernier, il a pour vocation de former les jeunes talents mathématiques sud-coréens de demain en leur fournissant des conditions de travail particulièrement favorables. KBS World consacre à ce nouvel institut un article.
Plus près de nous, le CNRS a annoncé les lauréates du Cristal Collectif 2023. Cette distinction annuelle récompense des équipes de femmes et d’hommes, personnels d’appui à la recherche, ayant mené des projets dont la maîtrise technique, la dimension collective, les applications, l’innovation et le rayonnement sont particulièrement remarquables. Cette distinction est décernée dans deux catégories : « appui direct à la recherche » et « accompagnement de la recherche ». On notera la reconnaissance du travail effectué par l’équipe du Centre Mersenne en faveur de l’édition scientifique ouverte.
Classements et Olympiades
Comme tous les étés, la parution du Classement de Shanghai fait couler (à tort ou à raison) beaucoup d’encre. Parmi les nombreux articles sur le sujet, on peut mentionner celui du magazine l’Etudiant/EducPros, qui pointe notamment les entrées et sorties des universités nationales de manière assez complète et rappelle en fin d’article les critères d’évaluation à l’origine de ce classement.
Pour la première fois depuis sa création (en 2004), l’objectif du Challenge André Parent a évolué de manière notable (comme indiqué sur la page web du concours. Pour cette édition 2023, il s’agissait « pour un petit groupe d’élèves de concevoir la mise en scène d’un récit, d’un jeu ou d’une énigme mathématique sous la forme d’une courte scénette, dans le but de la jouer devant un public. » Trois équipes lauréates ont ainsi gagné (entre autres) le privilège de jouer leur spectacle devant un public nombreux à l’Espace Rencontres le 26 mai dernier : toutes nos félicitations aux élèves des équipes du Collège Jules Ferry d’Eaubonne (95), du Collège François Couperin de Paris (75) et du Lycée Bartholdi de Colmar (68). Cette dernière a même eu les honneurs d’un article du journal Dernières nouvelles d’Alsace🔒.La ville de Chiba (au Japon) a accueilli en juillet dernier la 64e édition des olympiades internationales de mathématiques, qui a permis à plusieurs jeunes gens de se distinguer. Le journal suisse RFJ salue la performance du lycéen Mathys Douma, qui apporte à la Suisse sa deuxième médaille d’or depuis qu’elle participe à ce concours, tandis qu’Azertac salue la participation de 6 écoliers azerbaïdjanais, qu’Infos Israël News félicite les 6 participants nationaux qui reviennent tous avec une médaille, et que Vietnam +pointe la réussite particulière des 6 élèves vietnamiens qui garantit la 6e place sur 112 à leur pays.
Diffusion
À compter du 5 octobre prochain, l’Espace Mendès France de Poitiers accueillera (jusqu’au 6 juillet 2024) l’exposition Maths&Images, dont l’objectif annoncé est de montrer, au travers de cinq parties, l’évolution des modes de représentation et du rôle joué par les mathématiques dans cette évolution selon les époques et les civilisations. Des dispositifs divers (manipulations, maquettes et défis) permettent au public d’être partie intégrante de l’exposition, dont certaines parties sont prévues pour accueillir les plus jeunes d’entre nous (dès la maternelle). À noter que dans ce contexte, trois conférences grand public (toutes à 20h30) sont déjà annoncées : « Sciences et arts en perspective » le 4 octobre à 20h30, par Denis Favennec ; « Algorithme d’intelligence artificielle : démystification et réalité industrielle » le 21 novembre 2023 par Philippe Carré ; et enfin « Imager les mondes virtuels : la quête du photoréalisme » le 6 février 2024, par Mickaël Ribardière. Pour plus d’informations, consulter le site de l’exposition. Chez nos voisins belges, le parc d’aventures scientifiques Sparkoh ! proposait durant le mois d’août une exposition promettant de transformer les enfants de 3 à 6 ans en mathématiciennes en herbe. Sous l’appellation « 1,2,3 on y va », elle offrait un parcours ludique de près de 200 m² visant à développer le sens de la déduction des plus petits. Le journal DH présente les différentes étapes de ce parcours dans un article.
Le théâtre et les mathématiques font souvent bon ménage, et l’édition 2023 du Festival d’Avignon en apporte une nouvelle preuve. Notre collègue Jasmin Raissy (de l’Institut Mathématique de Bordeaux) s’est pris au jeu des Binômes de la compagnie Le Sens des Mots, et la première représentation d’« i=racine carrée d’imaginaire » a eu lieu le 21 juillet dernier sur le campus de l’Université d’Avignon. Plus d’informations sur la genèse du projet et sur son contenu sont présentés dans cet article du Journal du CNRS, ainsi que dans la Feuille de salle de la représentation du 21 Juillet 2023.
Si vous doutiez encore de l’importance des mathématiques au quotidien, les membres du comité scientifique de Sciences & Vie pourront peut-être vous en convaincre. À l’occasion du 5e comité scientifique de Science & Vie, dont le thème était « Les mathématiques, invention humaine ou structure intime du réel ? », elles se sont prêtées à une interview décalée de quelques minutes autour des mathématiques. Vous pouvez la trouver la vidéo sur YouTube. Et si vous n’êtes toujours pas convaincu·e, le site Atlantico a demandé à la mathématicienne Hortensia Soto pourquoi fallait-il faire des maths.
Parutions
En 2022 la Société Mathématique de France fêtait ses 150 ans, un anniversaire qui compte (voir la revue de presse du mars). Fondée en novembre 1872, c’est l’une des plus anciennes sociétés savantes de mathématiciens au monde. Son premier président fut Michel Chasles(mais il a fallu attendre 1952 pour trouver une femme, Marie-Louise Dubreil-Jacotin, à ce poste).
Née il y a tout juste soixante ans la Gazette de la SMF, qui est l’une des nombreuses publications de la SMF, marque de son côté l’évènement et livre avec son numéro de juillet un numéro spécial, la Gazette des 150 ans. Pour cette Gazette vintage, le comité éditorial a« choisi de republier sous la forme d’une Gazette presque classique un florilège de textes remarquables issus des Gazettes passées » (en respectant l’ordre des rubriques). « Articles de mathématiques d’anthologie, discussions engagées sur l’enseignement, la parité ou les mathématiques elles-mêmes, entretiens passionnants, recension au vitriol ou encore nécrologie à dévorer, ces perles rendent un hommage lumineux et malheureusement bien trop court à notre irremplaçable revue ». Il rappelle que le format de cette (très belle) revue a été entièrement refondu en 2015 et que vous pourrez retrouver par ailleurs dix-huit beaux textes de mathématiques dans Où en sont les Mathématiques ?, le livre publié en 2002 sous la direction de Jean-Michel Kantor. Un bijou qui fait voyager le lecteur à travers l’histoire de la gazette.
En kiosque :
Les habitants des Vanuatu auraient-ils « découvert » la théorie des graphes plusieurs siècles avant Euler ? En août la première de couverture du mensuel Pour la Science d’aoûtaffichait un jeune garçon des Vanuatu se livrant à une forme intéressante de StreetMath sur la plage d’un lagon aux eaux turquoise.
Le doigt remplaçait la craie et le sable blond le goudron d’un trottoir pour tracer des motifs géométriques. L’article Ethnomathématiques : la théorie des graphes se révèle au Vanuatu🔒 nous apprend en effet que « les dessins que tracent sur le sable certains habitants du Vanuatu suivent des règles qui leur confèrent des propriétés… de graphes mathématiques » (et sont classés patrimoine immatériel de l’humanité par l’Unesco). Il est possible de modéliser la démarche mise en jeu. La technique utilisée évoque le dessin d’une figure tracée sans lever le crayon et sans repasser deux fois sur une même ligne. Elle met en jeu le concept de graphe eulérien. L’auteur de l’article, Alban da Silva, s’est passionné pour ces dessins, leur origine et a soutenu une thèsesur le sujet dirigée par Eric Vandendriessche avec lequel il a signé récemment un article sur le même sujet (voir ici). L’article facile à lire est complété par des encarts clairs qui permettent au lecteur de comprendre et retrouver la démarche suivie. Cet article (passionnant) et les résultats présentés permettent « de questionner l’universalité des mathématiques, et notamment la forme qu’elles prennent dans d’autres sociétés. Ils ouvrent aussi des perspectives pour leur enseignement ».Toujours dans ce même numéro, la rubrique mensuelle🔒 de Jean-Paul Delahaye invite les lecteurs qui seraient tentés par les jeux de casinos à se pencher sur les probabilités et le point de vue des mathématiciens avant de s’engager : « L’idée un peu moralisatrice qu’en jouant contre un casino on finit toujours par se ruiner est mathématiquement exacte ». Vous pouvez d’ailleurs en profiter pour (re)lire un de ses articles plus anciens Les martingales et autres illusions. Son article est complété par une copieuse bibliographie qui permet d’approfondir un texte qui synthétise clairement les résultats actuellement connus.
Nous reparlerons plus tard du numéro de septembre, tout juste annoncé et en cours de livraison. Il nous promet un article de Charlotte Mauger sur le calcul du neuvième nombre de Dedekind – voir dans la rubrique Recherche – et deux articles (voir ici🔒 et là🔒) alléchants sur « le lien entre la réalité et les nombres ». De son côté la rubrique logique et calcul invite ses lecteurs à Parcourir l’infini avec des robots🔒 !
Du côté de la presse à fort tirage, Télérama, hebdomadaire grand public bien connu, invite ses lecteurs à découvrir Cinq chaînes YouTube qui vont vous faire aimer les maths en mettant en exergue une vidéo choisie dans l’ensemble des vidéos mises en ligne. On trouve dans ce palmarès Mickaël Launay et sa chaine Micmaths, El Jj (la chaine de Jérôme Cottanceau) Mathador, L’île Logique et VidéoDiMath (animée par Amandine Aftalion ; voir plus bas au sujet de son dernier livre).
Profitons de ce coup de projecteur pour ajouter que le concours de vidéos VideoDiMath à destination des collèges et lycées sera relancé pour l’année scolaire qui va débuter. Nous en reparlerons.
Pour l’été, l’équipe de Tangente Magazine avait concocté un numéro mettant à l’affiche Terence Tao, « le plus connu des surdoués des mathématiques de notre époque », et les triplets pythagoriciens.
Dans le dossier Prodigieux Terence Tao, la première partie consacrée au « problème de la discrépance🔒 » et à la conjecture d’Erdős énoncée en 1932 est clairement destinée à des lycéens « avancés ». Par contre la seconde partie titrée L’irrésistible ascension d’un prodige des mathématiques🔒 jette un coup de projecteur sur la vie du « Mozart des mathématiques », son enfance, l’émergence précoce de ses dons, sa participation aux olympiades internationales de mathématiques (la première à 10 ans et la première médaille à 11… ), ses précieux conseils, son blog etc. Tao a, par exemple, écrit son premier livre à 15 ans. La version française, L’art de résoudre les problèmes de mathématiques, est publiée aux éditions Cassini. La troisième partie les précieux conseils d’un expert🔒 qui concerne son blog, des conseils pratiques et concrets, des étapes dans l’apprentissage intéressera également un large public mathématicien ou non mathématicien. (voir la vidéo Terence Tao, un mathématicien d’exception, présentée par Étienne Ghys sur le site de l’Académie des sciences)
Par ailleurs Roger Mansuy signe un nouvel article sur Charlotte Angas Scott🔒 « pionnière de la géométrie algébrique, spécialiste des courbes et surfaces ». Au fil des conférences et des articles (voir par exemple celui publié en décembre dernier par Au fil des maths) il remet à l’honneur cette mathématicienne britannique injustement méconnue.
Yohan Hosten a soutenu en 2022 une thèse qui porte « Sur les propriétés stochastiques de la variation de la somme des chiffres en additionnant un entier fixé ». Il est l’invité interviewé pour la rubrique « Ma thèse dans Tangente » et fait découvrir aux lecteurs que « notre algorithme de calcul d’une somme d’entiers reste à la source de problèmes redoutables ».
En librairie :
On se souvient qu’Antoine Houlou-Garcia auteur de nombreux ouvrages vulgarisant les mathématiques et les sciences auprès d’un large public, avait été le lauréat du prix Tangente 2019 du livre pour Mathematikos.
Il vient de publier aux Éditions Alisio Il était une fois le zéro. Sorti en juin, ce livre a d’emblée intéressé les curieux·ses de mathématiques de tout âge (et aussi des enseignant·e·s) par sa facilité d’accès, la clarté du propos, les illustrations. « Dans cet ouvrage, l’auteur ne recourt pas à de complexes formules mathématiques. Il appréhende la naissance du zéro de points de vue historique et philosophique, autant que mathématique. Son propos est clair et instructif. » Par ailleurs Antoine Houlou-Garcia anime depuis septembre 2016 une chaine vidéo, Arithm’Antique, où, tous les jeudis, il vous fait aimer les mathématiques à travers la philosophie, l’art, la mythologie et l’histoire antique (voir aussi ici). Il a soutenu en février dernier une thèse de doctorat en Etudes politiques à l’EHESS, La démocratie à l’épreuve du calcul : une critique des mathématisations de la décision collective.
Déjà annoncé, c’est début septembre que vous trouverez Pourquoi est-on penché dans les virages ? Le sport expliqué par les sciences en 40 questions signé par Amandine Aftalion(chez CNRS Editions) dans les rayons des librairies. Vous y trouverez la réponse à la question posée en première de couverture, pas si évidente que ça si vous n’êtes pas spécialiste d’une discipline sportive. Et d’autres ! Savez-vous, par exemple, quel est le meilleur angle pour lancer le poids ? Pourquoi on saute plus haut en fosbury qu’en ciseau ? Quel est le sport le plus rapide ? (sans regarder la réponse de votre moteur de recherche favori !) Pourquoi un bateau peut-il avancer plus vite que le vent ? Ou encore comment l’IA aide le ou la sélectionneur·se de foot ? Un livre passionnant qui peut se lire en commençant par n’importe quel chapitre et qui stimule la curiosité.
Mathématicienne, Amandine Aftalion fait actuellement ses recherches sur les mathématiques du sport. Elle est connue du grand public pour ses nombreux articles, conférences, vidéos (elle anime en particulier la chaîne YouTube VideoDiMath) faciles d’accès qui vulgarisent les interactions, souvent inattendues, entre les mathématiques et les sports. « À la veille des JO de Paris 2024, ce livre éclairera tant champions que grand public », écrit-elle. Mais surtout, au-delà d’une réponse à la question « il y a aussi des maths dans le sport ? » il permettra à tout un chacun de mieux appréhender le rôle de plus en plus crucial que jouent les mathématiques dans les domaines sportifs.
Mi-septembre c’est Déserter, le roman de Mathias Énard (qui a reçu le prix Goncourt en 2015 pour Boussole), qui sera lancé à Paris. L’ouvrage croise deux narrations dont l’une met en scène un célèbre (et fictif) mathématicien est-allemand de génie.« Un roman fort, percutant, porté par un style époustouflant » ! Avant la publication de ce livre l’Humanité nous propose un entretien avec l’auteur sous le titre Les mathématiques sont une forme d’utopie🔒.
Dans un autre registre, signalons que l’essai Very Math Trip de Manu Houdart remporte en librairie un succès (mérité) qui ne se dément pas. Il est maintenant disponible en format « poche » chez Flammarion dans la collection Champs sciences.
Histoire
Blaise Pascal
Dans sa carte blanche au Monde🔒, Étienne Ghys rappelle à nous deux problèmes de mathématiques posés et résolus par Blaise Pascal, qui aurait eu pas moins de 400 ans en juin dernier.
Le premier, un problème de probabilités, fait intervenir une série géométrique, correspondant bien à l’intitulé de cette science nouvelle que Pascal, un brin provocant, nommait géométrie du hasard. Nous nous garderons bien de donner plus d’indications ! Ghys termine par mentionner le problème de l’aire sous la cycloïde, accessible de nos jours au premier cycle universitaire, mais qui, à une époque antérieure à l’invention du calcul différentiel, a dû demander à Pascal une certaine dose de perspicacité.
L’œuvre de Blaise Pascal était également dissertée dans la matinale de France Inter du mercredi 5 juillet avec Laurence Plazenet, Cédric Villani et Charles Pépin. Les invitées démontrent qu’en dépit de ces quatre siècles écoulés, Pascal est très subversif et très moderne à sa manière.
La courbure moyenne et Sophie Germain
Il existe plusieurs manières de quantifier la courbure d’une surface immergée dans l’espace euclidien de dimension trois. En intersectant la surface avec les plans contenant sa normale, on trouve une famille de courbes. Les plus courbées parmi ces dernières sont appelées courbures principales.
Leur somme est appelée courbure moyenne. Contrairement au produit des courbures principales, il ne s’agit pas là d’un invariant intrinsèque, c’est-à-dire que deux immersions isométriques différentes d’une même surface pourront lui donner des valeurs différentes. Les surfaces de courbure moyenne constante, ou nulle, sont d’intérêt particulier en géométrie différentielle ; parmi ces dernières on trouve les surfaces dites minimales, qui minimisent leur aire pour un contour donné. Douglas Holmes, professeur de mécanique des matériaux à l’université de Boston, est l’auteur d’une prépublication qui se penche sur l’émergence de la courbure moyenne dans les travaux de Sophie Germain sur l’élasticité.
Rappelant l’historique du concours de l’Académie des Sciences sur le problème des plaques vibrantes, et les contributions répétées de Germain, l’auteur rappelle que la courbure moyenne est un point essentiel de nouveauté dans ses écrits, en particulier dans le troisième mémoire ; ce point est connu des spécialistes [1].
Les travaux de Germain sur l’élasticité constituent une partie importante de ses recherches, mais ont été, c’est peu dire, trop peu reconnus par ses contemporains ; aujourd’hui, ses travaux en arithmétiques sont plus célèbres. Ces deux centres d’intérêt (l’arithmétique et la géométrie différentielle) étaient partagés par son correspondant Gauss, mais les échanges ont surtout eu lieu sur le premier sujet, Germain ayant travaillé sur la courbure moyenne avant la publication des écrits de Gauss sur la théorie des surfaces.
Émilie du Châtelet, au-delà de Newton
On a souvent présenté Émilie du Châtelet comme la traductrice de Newton en France. En réalité elle est allée beaucoup plus loin, comme nous le rappelle le philosophe Nassim El Kabi sur France Culture le 13 juillet dernier. Elle a fait de l’œuvre de ce dernier, bien plus qu’une traduction, une lecture critique. Émilie du Châtelet a également bâti une philosophie des sciences dans laquelle elle a accordé une importance beaucoup plus grande que Newton à la formulation d’hypothèses en sciences physiques. En cela elle est beaucoup plus moderne que l’auteur des Principia.
Galilée
Enfin, le podcast du journal Ouest France, On ne va pas refaire l’histoire a fait cet été le portrait de Galilée en un quart d’heure très instructif. Quand il était professeur de mathématiques à l’université de Pise, Galilée voyait dans ses déductions sur la physique « une porte d’accès à une science aussi vaste qu’éminente dont les esprits les plus perspicaces étudieraient les parties les plus cachées ». Il n’était pour autant pas réticent à s’appuyer sur l’expérience (sur la chute des corps) pour étayer ses intuitions, et invalider rien de moins que les théories d’Aristote.
Arts et mathématiques
Côté théâtre
N’allez surtout pas croire que c’est parce qu’il avait un compte à régler avec les mathématiques que François Perrin a choisi de les mettre en pièces. Cet excellent mathématicien, normalien, agrégé, a renoncé à la brillante carrière d’enseignant qui lui était promise pour se consacrer à son autre passion : le théâtre. La compagnie Terraquée, qu’il a créée en 2006 à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), est désormais une actrice majeure dans le domaine de la médiation scientifique.
Depuis 10 ans, le labo Mathéâtre propose aux établissements scolaires ou aux associations culturelles des ateliers où mathématiques et théâtre se conjuguent pour le plus grand profit des participants, et où sont mises en scène aussi bien des œuvres du répertoire que des créations de la compagnie. Et en 2017, François Perrin, Meriem Zoghlami et leurs complices ont créé le festival Maths en Ville, désormais présent dans plusieurs localités de Seine-Saint-Denis. Dans la présentation qu’ils font de ce festival, François et Meriem insistent opportunément sur la situation pitoyable de l’enseignement des mathématiques, et plus généralement de l’éducation, « un enjeu central dans notre société, qui n’est pourtant pas assez traité ou pris en compte par les politiques à l’œuvre, et dans les discussions et débats qui saturent nos médias et réseaux sociaux ». Ils dénoncent au passage la dégringolade du nombre de filles dans les filières scientifiques. Et voici une autre réplique tout aussi pertinente : « Il y a urgence. Urgence à transmettre le virus de la curiosité et de la soif de connaissance ! ». L’objectif du festival est de « titiller vos envies de culture scientifique et faire dialoguer maths et société ».
Dans un article paru le 22 août dans Le Télégramme, Juliette Collen salue notamment l’un des spectacles qui ont fait le succès de Terraquée : Pi, le nombre à deux lettres. La journaliste insiste sur l’importance d’un apprentissage fondé sur la verbalisation, dont le théâtre est évidemment un vecteur privilégié.
Elle en profite pour évoquer la Maison Poincaré : ce musée des mathématiques sera inauguré à la fin du mois de septembre à l’Institut Henri Poincaré à Paris (voir notre rubrique À la une). Au musée comme au théâtre, on voit ainsi des mathématiques en actes, et il s’agit dans les deux cas de « donner vie aux maths pour surmonter les blocages ».
Créée au même moment que Terraquée, l’Île logique s’est fixé comme objectif de « déclencher des vocations scientifiques, en particulier chez les jeunes », et de « vulgariser la science par des moyens burlesques et absurdes ». Les clowns sont ainsi très présents dans ses spectacles. On peut en avoir un aperçu sur la chaîne YouTube. Cédric Aubouy, qui a lui aussi une solide formation mathématique, s’est fait, comme François Perrin, un nom dans le monde de la diffusion des mathématiques. On retrouve régulièrement sa troupe dans les manifestations de plus en plus nombreuses qui visent à populariser la science.
Terraquée et l’Île logique ont été des précurseurs. Il n’est plus si rare que le théâtre s’invite dans un cours de maths, ni que les maths soient présentes au théâtre. Le dernier festival d’Avignon en offre un exemple, avec Prof. Turing, un spectacle destiné aux jeunes, mis en scène par Vladimir Steyaert, qui l’a co-écrit avec Franck Gazal. La critique de La Terrasse, journal dédié au « monde des arts vivants », est très élogieuse : « Yann Métivier excelle dans le rôle du célèbre mathématicien ». Il campe Alan Turing, un homme au comportement insolite qui débarque à l’été 1954 dans une classe comme nouveau professeur de mathématiques. « Sous prétexte de commencer à explorer les fondements et les applications de sa discipline, l’enseignant bègue, fébrile, maladroit, remonte le fil de son existence. »
Côté expo
Jusqu’au 22 octobre, le musée d’Art et d’Histoire de Cholet (Maine-et-Loire) propose à ses visiteurs Comme par hasard, une exposition qui fait cohabiter art et mathématiques et « rend hommage à l’abstraction géométrique, un courant artistique construit autour des grandes lois mathématiques (probabilité, théorème de Pythagore, nombre π…) ». À travers les travaux d’une quinzaine d’artistes, vous vérifierez qu’art et mathématiques savent faire bon ménage. Ouest-France a mis en lumière la contribution de Michel Joüet, dessinateur-peintre-sculpteur choletais qui « détourne depuis cinquante ans des formes géométriques dans des tableaux, des sculptures et du mobilier urbain ». L’artiste, qui conjugue art et mathématiques dans ses œuvres, en présente sept dans cette exposition, parmi lesquelles son « cube iconique » (l’objet rouge sur la photo). Ouest-France donne aussi accès à une vidéo de présentation de l’exposition.
Côté ciné
Notons la sortie cet été dans les salles obscures de La Voie Royale où Sophie est une étudiante en classe préparatoire scientifique qui rêve d’intégrer Polytechnique.
Pour finir
Entrons dans les rêves d’Alain Connes. Dans un épisode de Conversation Scientifique, Étienne Klein propose une conversation avec Alain Connes au sujet de l’imaginaire d’un mathématicien et son importance. Il y raconte notamment la première manifestation de son intuition mathématique : « On avait eu un prof qui avait été puni, je ne sais pour quelle raison. C’était un prof de maths sup et maths spé, et on lui avait collé une classe de sixième. Manifestement, il n’avait aucune idée du programme et il ne se gênait pas pour nous poser des problèmes de géométrie. Il y en avait un qui était assez saqué : il fallait démontrer que cinq points étaient sur un même cercle. Il m’avait posé la question, sans me donner aucun renseignement, et je lui ai donné la réponse ; mais après, j’ai passé une demi-heure à comprendre pourquoi cette réponse était correcte. ça a été une expérience très très frappante pour moi. Ce que je lui avais dit m’avait échappé sans que j’en ai vraiment conscience, ça ne venait pas de ma réflexion, ça venait d’autre part. De l’inconscient. »