Bienvenue dans l’Univers Mathématique. Cette carte proposée par l’Insmi nous fait pénétrer directement dans le sujet de cette revue de presse mensuelle : les mathématiques sous toutes leurs formes. Dans la « Vie de la Recherche », nous examinerons le rapport du HCÉRES sur l’évaluation du CNRS, et son traitement dans l’actualité. Au volet « Enseignement », nous nous pencherons sur le niveau « alarmant » des élèves, en abordant les quelques idées qui ont infusé dans la presse pour y remédier. La rubrique « Diffusion » vous donnera envie de courir dans les salles obscures, s’il n’est pas encore trop tard. Et les « Parutions » vous donneront pour sûr quelques idées à glisser sous les sapins. Bonnes fêtes de fin d’année à toutes et tous !
À la une
Mettre à plat sur une carte l’ensemble des domaines de recherche en mathématiques ? C’est le projet ambitieux que s’est donné CNRS Mathématiques / Insmi. Ils ont présenté le résultat ce mois-ci sur leur site. Face à un projet d’une telle envergure, il faut forcément quitter les cartes de la planète Terre pour se retrouver dans l’espace. Ici les galaxies, à l’instar de « topologie & logique », sont les grands domaines ; et les constellations et les étoiles sont les sujets, comme la théorie des modèles. On peut lire que plusieurs clins d’œil thématiques se sont glissés sur la carte : « En particulier, la constellation dans la galaxie « Arithmétique » représente une forme de courbe elliptique faisant écho au domaine central dans la théorie des nombres, l’équilibriste dans la galaxie « Analyse » fait référence à la théorie du contrôle, la partition musicale relie le programme de Langlands à l’analyse harmonique. On trouve également dans la carte le problème des tours de Hanoï, la bande de Möbius, la terre déformant l’espace-temps, le chat de Schrödinger,… »
Recherche
Sam Mattheus et Jacques Verstraete ont récemment résolu une conjecture d’Erdős en combinatoire extrémale des graphes et théorie de Ramsey. Leur travail vient d’être accepté pour publication dans la prestigieuse revue Annals of Mathematics. Certains sites d’information généralistes centrés sur les sciences se sont fait l’écho de cette découverte, ce qui est relativement peu courant s’agissant de mathématiques : par exemple ici ou encore là. On trouvera une description semi-technique du problème en question sur le blog d’Anurai Bishnoi. Le récit de la découverte est à retrouver sous la plume de Jordana Cepelewics dans Quanta magazine.
Vie de la Recherche
« Peut mieux faire » et toujours plus vite…
La presse généraliste est largement revenue sur la parution, le 20 novembre dernier, du rapport du HCÉRES sur l’évaluation du CNRS. Si Antoine Petit, président directeur général du CNRS, s’estime « tout à fait satisfait de ce rapport très riche dont le style détonne par rapport à d’autres », la presse retient surtout la conclusion de ce travail : « peut mieux faire ».
Si le rapport s’accorde sur le « rôle clé » du CNRS « dans l’écosystème français de la Recherche et de l’Enseignement supérieur » et souligne que « par sa taille et l’étendue de ses compétences dans tous les domaines scientifiques, le CNRS est dans une position unique pour proposer des programmes ambitieux qui contribuent au succès et au rayonnement de la recherche et de l’innovation européennes », il liste également un certain nombre de « faiblesses », qui ont trouvé divers échos suivant les titres de presse. France info retient ainsi le « budget jugé insuffisant » lorsque Le Monde🔒 titre sur « des problèmes de gouvernance » et Le Figaro s’attarde sur le « fardeau bureaucratique », en expliquant « les tâches administratives peuvent absorber jusqu’à 50% du temps des jeunes chercheurs, selon plusieurs témoignages recueillis par le comité d’évaluation » Une lourdeur administrative dont il était déjà question dans 7 le Livre Blanc rédigé par le Conseil Administratif du CNRS, et évoqué dans la revue de presse de juin dernier. Mais aucun de ces titres de presse ne va plus loin que le constat. Pourtant, parmi les douze recommandations du collège d’expert·e·s – aux titres tellement « équilibrés » (pour reprendre le qualificatif du Monde) qu’ils en sortent vidés de substance (il est question d’« exercer un rôle moteur et être force de proposition au niveau européen » ou encore d’« encourager une culture de la durabilité, de l’intégrité scientifique et de la recherche responsable ») -, un projet politique se dessine. Ainsi, la troisième recommandation qui préconise de « déployer de nouvelles stratégies pour un financement pluriannuel diversifié et soutenable », n’engage pas tant la responsabilité de l’État sur le financement de l’institution, que celle du CNRS lui-même, que le collège d’expert·e·s enjoint par exemple à transformer « les budgets basés sur les ETP (équivalents temps plein) en budgets axés sur les résultats » ou encore à « construire des programmes « orientés-mission » qui attirent d’autres sources de financement (y compris privées) ».
Le rapport du HCÉRES reconnaissait l’envergure internationale du CNRS, une dépêche de l’AEF🔒 revient sur la création du laboratoire franco-japonnais des mathématiques et leurs interactions🇬🇧 (FJ-LMN), dans le cadre du nouveau Centre de recherche international avec l’Université de Tokyo.
Il s’agit du « premier laboratoire international au Japon consacré aux mathématiques, fondamentales comme appliquées » et du « cinquième laboratoire international avec l’UTokyo 8Université de Tokyo » au sein de son partenariat avec le CNRS. Si pour une obscure raison pour un projet franco-japonais l’anglais s’est imposé comme langue unique pour la page de présentation du laboratoire (lorsqu’une double page français japonais eut pu sembler bienvenue), les lecteurs et lectrices intéressées pourront tout de même trouver une présentation en français du projet sur le site du CNRS, et ainsi apprendre que le diable se cache dans les notes de bas de page : « les laboratoires de recherche internationaux […] structurent en un lieu identifié les présences significatives et durables de scientifiques d’un nombre limité d’institutions de recherche françaises et étrangères (un seul pays étranger partenaire). Ces unités ont une durée de cinq ans. » Ce qui semble un peu court pour une présence durable… Les pages actualités de l’INSMI reviennent également sur l’évènement, en soulignant notamment l’existence historique d’une collaboration mathématique franco-japonaise depuis le XXe siècle. La stratégie scientifique du laboratoire y est évoquée, elle s’articule autour de quatre axes : la géométrie algébrique et arithmétique ; la théorie géométrique des groupes, théorie de Lie et théorie des représentations ; l’analyse et le contrôle des équations aux dérivées partielles et les problèmes inverses ; et finalement les mathématiques en interaction avec les sciences du vivant. « À terme [mais dans moins de cinq ans], le FJ-LMI souhaite s’imposer comme une plateforme pour les mathématiciennes et mathématiciens français désirant venir au Japon. Si le partenaire actuel est l’Université de Tokyo, le laboratoire renforcera aussi de façon naturelle des collaborations avec d’autres institutions japonaises. » Il va falloir faire vite…
Le genre, question cruciale en géométrie mais pas que…
L’unique photographie (toujours la même) qui accompagne la communication autour de l’inauguration du susmentionné laboratoire franco-japonais des mathématiques et leurs interactions présente les figures importantes de ce projet : uniquement des hommes, et laisse ainsi transparaître une autre similitude, moins reluisante, entre mathématiques japonaises et françaises : le faible nombre de mathématiciennes. Ainsi, un rapport sur l’égalité de genre en mathématiques au Japon🇬🇧 rédigé Makiko Sasada🇬🇧 professeure associée au département de mathématiques de l’université de Tokyo, et Kenichi Bannai🇬🇧, professeur au département de mathématiques de l’université de Keio, alerte : « Le pourcentage de femmes en mathématiques au Japon est faible par rapport aux autres pays du monde et aux autres domaines de recherche au Japon. En particulier, contrairement à d’autres domaines au Japon, l’égalité des genres semble reculer. Le déclin du pourcentage d’étudiantes dans les écoles supérieures est particulièrement alarmant, surtout pour les perspectives à long terme du domaine des mathématiques »… De quoi rappeler les nombreuses alertes relayées mensuellement par cette revue de presse, qui s’appuie notamment sur le travail de veille documentaire de l’association Femmes et Mathématiques.
L’Université Gustave Eiffel résume dans ses pages spéciales les résultats de l’enquête REMEDE (Recueil Extensif des Mesures des Établissements contre les Discriminations et pour l’Égalité), présentée par l’Observatoire National des Discriminations et de l’Égalité dans le Supérieur (ONDES 9Qui se présente comme un lieu de recherche sur les thématiques de l’égalité et des discriminations dans le domaine de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, porté par l’université Gustave Eiffel et France Universités) et la Conférence Permanente Égalité et Diversité (CPED) 10Qui rassemble les chargé·e·s de mission, référent·e·s ou Vice-président·e·s égalité-diversité de l’ensemble des établissements d’Enseignement supérieur et de Rechercheet réalisée avec l’appui de France Universités 11Association de loi 1901 qui rassemble les dirigeant·e·s exécutives des universités et établissements de l’Enseignement supérieur et de Recherche. L’étude, à laquelle ont répondu soixante-trois des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche, souligne de nombreuses disparités de moyens consacrés aux missions égalité et diversité au sein des établissements, un flou administratif quant aux prérogatives des ces missions et de leur directions et sur-représentation des femmes impliquées en leur sein. Par ailleurs, le résumé proposé par l’université Gustave Eiffel souligne qu’« il existe un écart important entre le nombre de signalements recensés par les dispositifs mis en œuvre par les établissements et le nombre de sanctions qui en découlent. En 2022, en moyenne, 5% des signalements aboutissent à une sanction disciplinaire, et 1,4% à une sanction judiciaire. »
Une dépêche de l’AEF résume la situation à l’Université de Lille où l’IREM (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques) a suspendu ses activités depuis la fin du mois de septembre 2023, faute de moyens. Une pétition en ligne depuis mars 2023, et qui a déjà recueilli 2341 signatures, revient sur les circonstances qui ont motivé cette décision et insiste sur le rôle des IREM dans la formation des enseignant·e·s : « concrètement l’IREM est au cœur de la formation continue des enseignant·e·s en mathématiques de la maternelle à l’Université dans l’Académie de Lille depuis 52 ans, et a formé des milliers d’enseignant·e·s à la transmission des connaissances en mathématiques ». Les auteurs et autrices de la pétition mettent en garde : pour maintenir un avenir « scientifique solide et rassurant » l’université ne saurait s’absoudre de « son investissement dans la formation des enseignant·e·s et [devrait] écouter l’invitation de l’HCÉRES 12Haut Conseil de l’Évaluation de la Recherche et de l’Enseignement supérieur lorsqu’il écrit : « la nécessité de diffuser dans l’enseignement les caractères culturels et rigoureux des mathématiques ». Interrogée par l’AEF, la direction de l’université de Lille indique attendre « la confirmation d’un rendez-vous avec le rectorat » et précise être consciente de « la nécessité d’établir une nouvelle convention pour encadrer les activités de l’IREM ». La présidente du réseau des IREM, Marie-Line Chabanol devrait également s’entretenir avec l’Université de Lille début décembre.
« Il serait temps ! » Éthique et tac…
Dans une chronique de Sciences et Avenir, Sylvie Benzoni, directrice de l’Institut Henri Poincaré plaide pour que la communauté mathématique s’empare des questions éthiques que sa recherche pose. Elle explique ainsi que « le rôle des mathématiques dans la crise financière de 2008 ou dans les dérives de l’intelligence artificielle est indéniable, et [que] l’on peut imaginer d’autres usages à des fins dommageables ». Cette question de l’éthique apparaît comme le parent pauvre des réflexions de la communauté, ce que déplore par exemple Maurice Chiodo🇬🇧, mathématicien et porteur d’un projet à l’université de Cambridge sur l’éthique en mathématiques🇬🇧. Les récentes communications de la philosophe Marlène Jouan interrogent également les mathématiciens et mathématiciennes : « Pourquoi les mathématiques ne seraient-elles pas concernées par l’éthique de la recherche ? Pourquoi l’ont-elles très peu été jusqu’à présent ? Pourquoi devraient-elles l’être non moins que les autres sciences ? » Sylvie Benzoni conclut : « L’idée a été avancée d’un « serment d’Hippocrate » pour les mathématiques et les sciences du numérique. Quoi qu’il en soit, la meilleure façon d’éviter un mésusage des mathématiques est que notre communauté y réfléchisse elle-même. Il serait temps ! »
Fariba Adelkah au micro de France Culture
On en avait parlé le mois dernier. La chercheuse Fariba Adelkah, directrice de recherches au Centre de Recherches Internationales (CERI) est rentrée en France le 18 octobre 2023.
Cette anthropologue franco-iranienne spécialiste du chiisme et de l’Iran post-révolutionnaire avait été arrêtée en Iran en 2019 pour « atteinte à la sécurité nationale ». Après quatre ans et demi de privation de liberté, elle prend la parole sur France Culture et revient sur son histoire et ses conditions de rétention qu’elle peut enfin raconter, et sur lesquelles elle pose son regard de chercheuse, que la prison n’aura pas pu lui faire baisser : « Quand on vous prive d’un terrain de recherche et on vous emmène quelque part, vous en trouvez un autre. Donc c’était tout mon travail et tout mon espoir » explique-t-elle au micro de Quentin Lafay.
Applications
Dans un article pour LaRecherche, Charlotte Mauger revient sur les procédures de tri introduites par DeepMind en juin 2023. Une nouvelle fois, la filière IA de Google s’est servie d’un modèle d’apprentissage par renforcement, inspiré d’AlphaGo, pour trouver de nouveaux réseaux de tri, ces procédures appelées au sein des procédures de tri. « Ces réseaux de tri, chargés du tri de deux, trois, quatre, ou cinq éléments, sont les briques de base pour le tri en général », explique Xavier Leroy. L’article décrit la méthode employée par les chercheurs, notamment leur manipulation du code assembleur par la machine. Mais il souligne également la très bonne communication de l’entreprise, face à un résultat pas aussi éclatant qu’annoncé. « Pour celles et ceux qui s’intéressent à la bibliothèque C++, cela n’est pas révolutionnaire : l’humain n’avait pas fait ces améliorations, mais aurait pu les trouver. En revanche, pour les chercheurs et chercheuses en apprentissage automatique, c’est intéressant », concède Arthur O’Dwyer, spécialiste de la bibliothèque standard C++. Néanmoins, le résultat pourrait ouvrir des voies pour trouver d’autres manières d’optimiser un programme. « L’intérêt essentiel de l’intelligence artificielle dans la superoptimisation, c’est que ces techniques sont très bonnes pour suggérer des idées non intuitives ou que l’on n’aurait pas anticipé ! », estime Claire Le Goues, professeure à l’université Carnegie Mellon, aux États-Unis.
Les IA et les entreprises
Voilà un hommage étonnant au mathématicien, astronome et physicien allemand Carl Friedrich Gauss : l’entreprise Samsung nommera son IA générative à son nom. Gauss, donc, sera composée de plusieurs parties : un grand modèle de langage (capable des tâches auxquelles on s’attend : traduction, réécriture, résumé…), d’un outil d’aide au codage et un créateur d’images (à l’instar de Midjourney et DALL-E). Dans un article, LeMonde Informatique rappelle brièvement quelques travaux de Gauss (le scientifique) : « Il a notamment établi la théorie de la loi normale ou distribution normale, une base dans le domaine du machine learning et la recherche sur l’IA. »
Autre géant de la tech, Google a annoncé à la fin du mois d’octobre que l’association de ces outils Google Search & Google Lens permettra de résoudre davantage de problèmes de mathématiques. Dans un article, 01net rapporte les améliorations mathématiques du moteur de recherche. À partir d’une photo d’une intégrale, Google vous décrit pas à pas les étapes du calcul qui mènent à la solution. De même pour les équations et problèmes de géométrie. L’article ne mentionne pas combien l’outil est fiable, ni si c’est une bonne chose pour les écoliers et écolières… Reste que : le plaisir de la résolution d’un problème de mathématique, elle, ne pourra pas être obtenue grâce à Google.
Pour continuer sur les grands acteurs du numérique, l’entreprise OpenAI a également fait (beaucoup) parler d’elle ce mois-ci. Surtout parce que ses problèmes de direction ont fait couler beaucoup d’encre : le licenciement de son patron, Sam Altman, par le conseil d’administration ; les menaces de démission qui en ont découlé ; pour finalement que Sam Altman revienne à ses fonctions cinq jours plus tard (des articles de FranceInfo). Outre cela, ChatGPT a fêté ses 1 an cette année ! Le moins qu’on puisse dire c’est que cet agent conversationnel a fait l’effet d’une bombe dans la sphère médiatique depuis sa sortie. Depuis un an, c’est un déferlement d’articles autour de l’IA générative, son fonctionnement, son irruption dans nos vies, ses performances, ses conséquences… Côté utilisateurs c’est aussi une réussite pour OpenAI, Sam Altman annonçait plus de « 100 millions d’utilisateurs actifs toutes les semaines », selon L’Express. Et l’actualité continue autour de l’agent conversationnel. Déjà en début de mois avec l’annonce de chatbot personnalisés (à lire dans l’article de L’Express) : celles et ceux souscrivant un abonnement pourront créer leur agent spécialisé sur une tâche : l’aide à apprendre les règles des jeux de société, le spécialiste des tâches ménagères ou des recettes de cuisine. « Au fur et à mesure que l’intelligence (artificielle) sera intégrée partout, nous aurons tous des superpouvoirs à la demande », promet Sam Altman. Rien que ça ! Dans le même article, on apprend aussi la sortie d’un nouveau modèle « GPT-4 Turbo » s’adressant aux développeurs qui se servent des outils d’OpenAI pour « créer des applications d’IA génératives ».
Mais également, un article Sciences&Avenir a rapporté les résultats d’une nouvelle étude qui s’est penchée sur le rôle que pourrait avoir le Chatbot d’OpenAI dans la fraude scientifique. La dernière version de GPT-4 a amélioré un module d’analyse des données. « Cela lui permet de télécharger des données pour faire des analyses statistiques, ce qui pourrait être un précieux outil pour la recherche en facilitant ces analyses », explique le journaliste Nicolas Gutierrez. Or des chercheurs italiens « viennent de montrer que cet outil peut être facilement détourné pour fabriquer de fausses données »(leur étude est parue en novembre 2023 dans la revue JAMA Ophthalmology). Pour ce faire, ils ont demandé à ChatGPT de tricher, d’inventer de toute part des participant(e)s à une étude sur l’impact d’une technique chirurgicale de l’œil. Et il a plus que brillé : « la précision des données allait au-delà de nos attentes, pour être honnête, c’était une expérience surprenante et effrayante », confie même un des chercheurs. Bref, ChatGPT promet encore nombre d’articles d’ici son deuxième anniversaire.
Notons également ce projet surprenant : écrire un essai avec l’intelligence artificielle, et volontairement affiché comme tel. C’est le projet de Benoit Raphaël et Thomas Mahier, comme le rapporte LaTribune🔒. Ils se sont donné pour mission de produire un ouvrage, DémocratIA, qui sera une restitution de la journée de débats « Une époque formidable » donnée au Théâtre des Célestins de Lyon le 2 octobre dernier. L’objectif est aussi de questionner l’usage de l’IA générative car la relecture de l’ouvrage sera particulière : « Elle n’a pas pour objet de soumettre à l’auteur des suggestions de forme (stylistiques, lexicales) ou de fond, mais d’interroger la source des données chiffrées, de repérer les “morceaux d’information” générés spontanément par l’IA, de repositionner les propos dans la bouche de celui qui les a réellement exprimés, de retirer les guillemets des citations faussement attribuées. Chaque correction (factuelle, stylistique) effectuée, chaque interprétation contestée est indiquée en bas de page. L’intérêt et l’honnêteté de l’expérience sont à cette condition. »
Pour conclure cette rubrique, notons que le mois prochain trois microconférences se tiendront à l’Institut Henri Poincarésur le thème « IA, une nouvelle ère pour la santé ». Elles sont autour de trois thématiques liées à l’usage de l’IA dans le domaine médical : la lecture d’image, l’analyse de tumeur, la création de médicaments. L’évènement est complet, mais peut-être que nous reviendronsdessus le mois prochain.
Enseignement
Le niveau « alarmant » des élèves en mathématiques
Ce mois-ci, nous pouvons lire ici et là à quel point le niveau des élèves français en mathématiques est « alarmant ». Ce n’est évidemment pas nouveau et nous ne nous étonnons plus de voir que la situation ne va pas en s’améliorant. C’est entre autres le sujet principal de la Lettre du Figaro🔒 du 8 novembre 2023 qui établit un « dossier sur l’enseignement des maths ». Parmi les exemples cités pour appuyer ce phénomène, il en relaie un en particulier très marquant que nous avions évoqué dans la précédente revue de presse : seule la moitié des élèves savent combien il y a de quarts d’heure dans ¾ d’heures à l’entrée en sixième. Il est d’autant plus inquiétant de constater que les difficultés ne font que croître au fil de la scolarité. Ceci est relevé dans cette enquête du Figaro🔒 rédigée par Caroline Beyer. L’article tente de donner quelques premiers éléments de réponse face à ce problème : « méthodes inefficaces, professeurs mal formés, … ». Mais le constat est sans appel :« Les lacunes accumulées dès le plus jeune âge ont d’inquiétantes répercussions dans le supérieur. » L’article relaie d’ailleurs un propos très intéressant du mathématicien français Charles Torossian : « Le système d’éducation français passe trop de temps sur les additions, alors que notre cerveau est programmé pour ! […] En revanche la multiplication et la division, c’est difficile pour tous les humains. […] Rares sont les personnes qui ont des intuitions multiplicatives…. » Rappelons que Charles Torossian est co-auteur avec Cédric Villani (mathématicien français et médaillé Fields) d’un rapport sur l’enseignement des mathématiques, rendu en 2018 au ministre de l’Éducation nationale : « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques ». Ce rapport s’inspire par moment de la « méthode de Singapour », qui consiste à mettre en avant un apprentissage des mathématiques par la manipulation et l’expérimentation. C’est notamment le sujet de cet autre article du Figaro🔒 qui titre : « Maths : venue de Singapour, une méthode d’apprentissage efficace, mais boudée en France ». On en déduit assez rapidement que le ministre de l’Éducation nationale de l’époque a dû allégrement s’asseoir sur le rapport Torossian-Villani… ou manquer les pages dédiées à l’enseignement des mathématiques en France, qui sait.
Du côté de l’actuel ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal fait état des « résultats inquiétants » des élèves de quatrième en français et en mathématiques. Nous pouvons lire dans le Monde🔒 – ou encore dans l’Express – que « le ministre de l’Éducation nationale, qui a déjà affirmé son intention de créer un “choc des savoirs”, est favorable à des groupes de niveaux au collège dans ces deux matières. Les résultats des évaluations nationales soulignent, une nouvelle fois, d’importantes différences en fonction des milieux sociaux ».
Concernant ces évaluations nationales, plusieurs médias ont relayé les résultats. D’une part, le Parisien s’intéresse aux évaluations passées par les élèves de sixième au début du mois de septembre et dont les résultats ont été publiés mi-novembre par le ministère de l’Éducation nationale. Pour ce qui est des mathématiques, les élèves sont évalués en calcul, géométrie, unités de mesure et résolution de problèmes. Sans surprise, l’académie de Paris est en tête ; selon le témoignage d’un syndicat d’enseignants, cela est révélateur de l’impact du milieu social : « Le score de Paris témoigne d’abord du fait que la majorité des élèves sont issus de familles aisées, ou en tout cas, pas défavorisées ! » Le constat semble être le même du côté de Radio France où cet article fait état des évaluations avec un point de vue plus global, passant en revue les résultats obtenus du CP à la quatrième.
Bref, « l’effondrement du niveau des mathématiques est un drame pour la France ». Ce sont sur ces mots durs que commence l’article de Jacques-Olivier Martin dans le Figaro🔒, mettant en avant que notre pays a compté nombre de très grand·e·s mathématicien·ne·s : « Descartes, Fermat, d’Alembert, Laplace… Ne sommes-nous pas le pays de cette science des nombres, des espaces, des figures géométriques ? »
Des problèmes à résoudre…
Commençons avec une nouveauté de cette année dont nous avons beaucoup parlé ces derniers mois : la « nouvelle sixième » dopée en mathématiques et en français avec une heure hebdomadaire supplémentaire. Après presque 3 mois, le Parisien🔒 dresse « un premier bilan en demi-teinte ». Selon l’article ce nouveau dispositif « se met progressivement en place » et « cherche encore ses marques ». Affaire à suivre dans les mois qui suivent…
Un autre problème – et qui ne date pas de cette rentée ! – concerne l’usage du numérique toujours plus fréquent dans le système éducatif. Le côté positif des nouvelles technologies et du numérique n’a eu de cesse d’être vanté depuis leurs arrivées dans nos écoles. Toutefois, les aspects négatifs (parfois bien plus importants) de ce « remède miracle » sont souvent passés sous silence. C’est ce que dénonce Arnaud Lévy (maître de conférences associé à Bordeaux Montaigne) au salon Educatech qui s’est tenu à la mi-novembre : « Le numérique n’aide pas à mieux enseigner ou à mieux apprendre. » Les détails de cette conférence ont été relayés par Le Café Pédagogique. L’article mentionne aussi que : « au-delà de la classe, il a été question de l’empreinte écologique du numérique éducatif et des prospectives en 2050. »
Cette problématique du numérique toujours plus présent et son impact sont aussi mentionnés dans cet article de The Conversation qui s’intéresse aux répercussions de la pandémie sur les choix d’orientation et en particulier à l’augmentation des abandons d’études à l’Université. Ce passage très intéressant de l’article résume bon nombre de problèmes : « Les salles de classe virtuelles sont devenues la nouvelle norme, et les interactions en personne ont cédé la place à des relations à distance. Outre l’aspect social, la qualité de l’apprentissage a été mise à l’épreuve. Les défis techniques et la variabilité de l’accès à Internet ont entraîné des inégalités dans la participation et l’engagement des étudiants. Les méthodes d’enseignement en ligne, bien que nécessaires, ont laissé de côté les interactions pédagogiques, impactant l’efficacité de l’apprentissage. »
Enfin du côté de la sous-représentation des femmes dans les mathématiques, nous vous conseillons vivement d’écouter ce podcast proposé par Radio France. Les études montrent qu’au baccalauréat, seules 30% des filles présentent la spécialité mathématique, contre 54% des garçons : « le cas de cette discipline met en évidence les disparités de genre dans les sciences dès le lycée. Comment expliquer une telle différence ? Que fait l’absence de filles aux mathématiques ? » Nous vous laissons le plaisir de découvrir les réponses à ces questions en compagnie des spécialistes Olivia Caramello(mathématicienne, professeur associée à l’Université de L’Insubrie, et présidente de l’Institut Grothendieck), Arianne Mézard (mathématicienne, professeur à Sorbonne Université) et Mélanie Guenais (mathématicienne, vice-présidente de la Société Mathématique de France et coordinatrice du collectif “Maths & Sciences”). Heureusement certaines nouvelles donnent le sourire sur cette thématique qui peine à évoluer. Par exemple cet article de SeneWeb félicite les 270 jeunes filles qui ont été primées à Oussouye « pour leurs brillants et excellents résultats obtenus lors de l’année scolaire 2022-2023 ». Cet hommage a aussi pour but de « susciter la percée des filles dans les matières scientifiques. »
…et des idées
Revenons sur la baisse de niveau global des élèves en mathématiques dont nous parlions précédemment. Pour pallier ce problème, le ministre de l’Éducation nationale Gabriel Attal, a un plan. C’est ce que détaille cet article de l’Express🔒. Des groupes travaillent sur les programmes, l’organisation des cours, avec une deadline officieuse : celle des résultats de l’étude Pisa. En plus d’avoir fait machine arrière sur les dates des épreuves de spécialité du baccalauréat en les remettant en juin, les grandes idées sont les suivantes : rendre les programmes plus progressifs – plutôt que par cycles -, créer des classes à effectifs réduits, et mettre en place des cours de soutien supplémentaires pour les élèves en difficulté. L’idée d’introduire des stages de vacances qui conditionneraient le passage en sixième des élèves a aussi été abordée. Ces mesures sont globalement jugées efficaces, mais des inquiétudes compréhensibles persistent : Sophie Vénétitay (secrétaire générale du Snes-FSU) juge qu’elles sont plus basées sur une optique de communication politique que de pédagogie. Elle critique également le manque d’une mesure cruciale dans ce plan, celle de la diminution des effectifs par classe. Pour cela, i’une seule solution : une hausse significative de recrutements d’enseignant·e·s. Celle-ci est détaillée dans cet article du Café Pédagogique qui imagine un recrutement après concours à l’issue du bac+3, puis une formation sous forme de stage sur une durée de 2 ans.
Toujours du côté du ministère, une autre idée est détaillée dans cet article du Monde🔒, celle de remettre en question le caractère exceptionnel du redoublement. Le mathématicien Charles Torossian, dont nous parlions plus tôt, propose lui aussi des idées dans cet entretien pour La Dépêche🔒. D’abord, attendre : après toutes les réformes positives qui ont été faites, il faudra selon lui du temps avant de voir une amélioration dans les résultats des élèves. Ensuite, la nécessité urgente de faire des mathématiques plus concrètes et plus de modélisation. Mais aussi, davantage de résolution de problèmes et démontrer les théorèmes à apprendre pendant le cours – plutôt que simplement les énoncer comme c’est bien souvent le cas. Des idées plus atypiques sont également parfois mises en place, comme le montre cet article du Progrès🔒 : une professeure de mathématiques qui se trouve aussi être pilote privée a pris l’initiative de former ses élèves au BIA (brevet d’initiation à l’aéronautique). De quoi s’aérer les idées !
À l’étranger, on essaie de remonter le niveau en mathématiques également. L’idée du Canada, par exemple, est d’organiser des rencontres de professeur·e·s : l’Association Mathématique du Québec réunit lors de son congrès près de 140 enseignant·e·s, de la primaire à l’Université. Comme le rapporte Radio Canada, ils échangent des idées à appliquer dans leurs salles de classe, autour d’ateliers sur un sujet précis. Au Sénégal, des lycéen·e·s ont décider de faire la grève pour le recrutement de nouveaux professeurs, comme le montre cet article de Sénégal7. La bonne nouvelle, c’est que ce genre d’actions fonctionne : on se rappelle tous du collège Robert-Doisneau de Sarralbe où 125 élèves s’étaient retrouvés sans professeur·e de mathématiques, comme l’a rapporté le Républicain Lorrain🔒. Ce même journal🔒 atteste qu’une nouvelle professeure y a enfin été recrutée : ouf !
À l’honneur
Pour cette édition, la revue de presse d’images des mathématiques souhaite mettre à l’honneur les mathématiciens Gilles Cohen, Patrice Tauvel et Michel Zisman décédés ce mois de novembre 2023. Toute l’équipe Actualités adresse ses sincères condoléances à leurs familles, à leurs ami.es et collaborateur.rices.
Gilles Cohen (voir dans Parutions) était le créateur et directeur du magazine Tangente. Ce normalien agrégé de mathématiques était un ancien enseignant en CPGE au lycée Saint-Louis. Il était très investi dans de nombreuses actions de diffusion des mathématiques : il a créé le Club Tangente, la FFJM, le CIJM et le Salon Culture et jeux mathématiques. Son décès a été annoncé sur le site de la SMF et dans de nombreux médias comme le Monde🔒.
Patrice Tauvel était l’auteur de nombreux manuels de la licence à l’agrégation et d’une somme sur les groupes algébriques, écrite avec Rupert Yu. Il a dirigé le département de mathématiques de l’université de Poitiers entre 2001 et 2007. Un hommage est disponible sur le site d’Images des mathématiques.
Michel Zisman était professeur à l’université Paris 7 (devenue Paris Diderot, puis fondue dans Paris Cité). Spécialiste de topologie algébrique, il a publié de nombreux livres, notamment pour l’enseignement. Son décès a été annoncé sur le site de la SMF.
Récompenses
Parmi la longue liste de prix décernés le mois passé, nous l’avions manquée. Néanmoins, félicitons les trois mathématiciennes lauréates du programme Jeunes Talents France L’Oréal-UNESCO « Pour les femmes et la science ». Ce programme a pour but de récompenser de jeunes chercheuses pour leurs travaux scientifiques. L’annonce a été relayée sur le site de l’Insmi/CNRS Mathématiques. On y apprend que Mingmin Zhang, post-doctorante à l’Institut de mathématiques de Toulouse (CNRS/Insa Toulouse/Université Toulouse III – Paul Sabatier), est récompensée pour ses travaux sur « Mieux appréhender les phénomènes de propagation » ; que Alesia Herasimenka, doctorante au Laboratoire Jean-Alexandre Dieudonné (CNRS/Université Côte d’Azur), est récompensée pour ses travaux sur « Développer la nouvelle génération de satellites » ; et enfin que Margaux Zaffran, doctorante EDF R&D au Centre de mathématiques appliquées (CNRS/Ecole polytechnique/Inria), est récompensée pour ses travaux sur « Quantifier l’incertitude pour optimiser la production électrique, le diagnostic médical ou la modélisation climatique ». Félicitations à elles trois !
Le site actu.fr note qu’Edwige Cyffers, doctorante à l’Université de Lille, a été récompensée pour ses travaux sur l’IA.
L’information remonte à octobre, mais elle est importante. France 3 Hauts de France a souligné (à juste titre !) la persistance (mais il aurait été plus juste de parler d’aggravation) des inégalités entre filles et garçons dans les sciences, et ce à l’occasion de la Journée internationale de la fille.
Guillaume Laplante-Anfossi est le lauréat du Prix solennel de thèse 2023. Son université (Sorbonne Paris Nord s’en félicite, comme il se doit.
Le Prix Claude-Antoine Peccot 2023-2024 a été attribué au mathématicien Piet Lammers (Sorbonne Université). Ses travaux concernent des applications de la combinatoire et des probabilités à la mécanique statistique.
La médaille Béla Szőkefalvi Nagy de l’Institut Bolyai de l’Université hongroise de Szeged a été attribuée au mathématicien Albrecht Böttcher 🇬🇧, de l’université allemande de Chemnitz, pour ses travaux en analyse harmonique. L’information est publiée dans Nouvelles du Monde.
Le courrier du Vietnam revient sur un des prix de l’Académie des sciences – dont nous avions parlé le mois dernier – le « prix Tremplin ASEAN de coopération bilatérale en recherche ». Le journal note les récompenses accordées à une chercheuse et un chercheur Vietnamiens : Hoàng Thi Giang, de l’Institut de génétique agricole à Hanoï, et Trân Quang Hóa, de la Faculté des mathématiques à l’Université d’éducation de Huê. Ce prix scientifique met en valeur des coopérations existantes entre des chercheurs français et des chercheurs de la zone ASEAN (Thaïlande, Cambodge, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Vietnam).
Anniversaire
Notons également que le Réseau National des Bibliothèques de Mathématiques (RNBM) fête ce mois-ci ses 40 ans.
Rappelons que ce réseau rattaché à l’Insmi-CNRS « apporte un soutien à la recherche en coordonnant la politique documentaire en mathématiques dans le cadre des missions nationales de l’INSMI. Il assure la double mission de garantir l’accès, la qualité, la pérennité et la spécificité de la documentation mathématique, et de renforcer les relations entre les bibliothèques du réseau ainsi qu’entre les bibliothécaires-documentalistes et les mathématiciens ». Il est organisé autour d’une direction en binôme formée d’un·e bibliothécaire et d’un·e mathématicien·n·e qui s’appuie sur un Comité stratégique et un ensemble de groupes de travail sur des thématiques diverses. Pour l’occasion, Yonda, surnom de la jeune fille de Nathalie Granottier, bibliothécaire du CIRM, partage avec nous l’illustration qu’elle a réalisé pour l’occasion. Merci à elle et bon anniversaire au RNBM !
Diffusion
Le théorème de Marguerite
Le long métrage d’Anna Novion, Le théorème de Marguerite, est sorti en salle le 1er novembre. Il avait été présenté (hors compétition) au Festival de Cannes en mai dernier, ce que nous évoquions dans cette revue de presse. Ce film touche un sujet préoccupant : celui de la parité en mathématiques. Il a donné lieu à un débat à l’ENS le 10 octobre, rapporté par l’Étudiant, au sujet de l’invisibilité (et l’invisibilisation en cours) des femmes dans les métiers scientifiques. Dans une interview à l’Humanité, Anna Novion rappelle qu’il n’est pas rare de ne voir qu’une seule femme dans une promotion mathématiques de l’ENS, ainsi que son projet de figurer « une femme qui devient puissante ». Ariane Mézard, sa conseillère scientifique, renforce l’analyse dans un entretien sur le site de l’Insmi. Odile Morin signe une critique pour le site de francetvinfo. On trouve d’autres points de vue (plutôt positifs) sur les sites cineserie et 42mag.
La réalisatrice a souhaité transposer une épreuve de sa vie sous la forme du parcours d’une doctorante en mathématique faisant face à l’erreur dans son travail de thèse. Il y a d’emblée un certain défi concernant la mise en scène, car la pratique des mathématiques n’est, au quotidien, guère performative ou même théâtrale. Une partie de ce problème est résolue par le recours au plan du tableau noir, objet central du film. C’est là que l’erreur de Marguerite est découverte, lors du séminaire où elle présente ses travaux, avant que les résultats de sa thèse ne soient prépubliés ; c’est surtout là qu’on la voit au travail, dans sa traversée du purgatoire lors de laquelle elle quitte l’ENS et vit dans la précarité. C’est enfin là que se dénoue une partie de sa quête, quand sa découverte d’un « chemin » vers la conjecture de Goldbach est reconnue à la fin.
Toutes et tous ne se reconnaîtront pas dans Marguerite : elle est dotée d’une très grande rigidité et exigence envers elle-même, mais aussi d’une grande impulsivité ainsi que d’une certaine inaptitude sociale. Ces aspects ne sont pas positifs, mais Le théorème de Marguerite évite par ailleurs certains écueils, notamment le culte du génie, qui ont fait et font encore beaucoup de mal à la représentation des mathématiques. Certains éléments du scénario et des personnages ne sont toutefois pas complètement vraisemblables, notamment la rapidité de la validation par les pairs à la fin du film, ainsi que la relation extrêmement toxique que le directeur de thèse incarné par Jean-Pierre Darroussin développe avec ses élèves, qui semble hors de la réalité.
Au long de son parcours après avoir quitté l’ENS, Marguerite traverse une société, brillamment personnifiée par sa colocataire qui, si elle connaît peu les mathématiques, finit par respecter sa particularité. On trouve aussi le portrait d’un petit bout de Paris, le quartier asiatique dans le XIIIe arrondissement, dans lequel Marguerite connaît une forme d’ascension à travers le jeu de Mahjong.
Le film aborde finalement de manière assez troublante la problématique de la collaboration en mathématiques. Comme au Mahjong, Marguerite est extrêmement compétitive dans les maths, mais finit malgré tout par joindre ses forces avec Lucas et leur collaboration se double d’une relation amoureuse qui intrigue Marguerite, car elle capte son attention autant que la conjecture de Goldbach. C’est l’obstination et l’impatience de Marguerite qui vont lui permettre finalement de trouver une voie, face à la mesure de Lucas. Elle finit cependant par le rejoindre à la fin, dans une scène ambigüe.
Doit-on conclure de ce film que les épreuves que Marguerite traverse la transforment, et qu’une telle transformation était nécessaire pour surmonter ses erreurs ? Cela ne semble pas si clair. Le Théorème de Marguerite semble en tout cas rappeler que dans la réalisation d’une œuvre de création sur le long terme, le rappel à la vie est permanent, inattendu, et pas forcément destructeur, même s’il force momentanément à effectuer « un pas de côté ».
Du sport, de la cuisine et des mathématiques
La presse a ce mois-ci mis en lumière les interactions fascinantes entre les mathématiques, la cuisine et le sport, démontrant qu’elles peuvent être à la fois abstraites et profondément connectées à notre réalité. Côté cuisine, la Maison des Mathématiques et de l’Informatique de Lyon organise une exposition sur les liens entre les mathématiques, les sciences du numérique et la cuisine. Côté sport, Amandine Aftalion et le réseau de diffusion des mathématiques AuDiMath du CNRS expliquent de manière scientifique mais accessible 10 phénomènes sportifs. Par exemple, pourquoi court-on bras pliés plutôt que bras tendus ?
De plus, le réseau AudDiMath propose avec le soutien du ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, un concours de vidéos VideoDiMath, à destination des collégien.nes et lycéen.nes.
À écouter, à regarder ou à lire : les mathématiques se diffusent
De nombreux médias (Le Monde, Radio France) ont rapporté que dans le cadre d’un partenariat entre France Culture et Epsiloon, Cédric Villani conte, dans un podcast poétique de 4 épisodes, les équations différentielles, les secrets de leur invention, et leur fabuleuse utilisation comme un outil de prédiction scientifique.
Ce n’est pas le seul sujet mathématique que l’on retrouve en podcast : Telerama présente celui diffusé par Louie Média, dans lequel des mathématicien.nes décryptent les relations amoureuses.
Les mathématiques peuvent-elles être une terre de voyage ? Sur Arte, la websérie « Voyages au pays des maths » tente de réconcilier le sujet avec les spectateur.rices. Au travers de courts épisodes d’une dizaine de minutes, il est possible d’explorer différents recoins des mathématiques.
Le magazine de presse associatif Unidivers en collaboration avec Radio Laser consacre un de ses épisodes de « Voyages extraordinaires dans la science » au mathématicien Serge Cantat directeur de recherches exerçant à l’université de Rennes. L’entretien est l’occasion de revenir sur des sujets aussi variés que la pratique de la recherche en mathématiques, l’accession au métier de chercheur ou chercheuse, la vulgarisation et la transmission de ce savoir, de manière institutionnelle ou péri-scolaire… S’il faut supporter les bruits de respirations d’un des animateurs pendant l’intégralité de l’émission, ce qui à la longue produit le même effet sur le système nerveux de l’auditrice que le bruit des ongles sur le tableau noir (objet récurrent de l’entretien), les réponses de Serge Cantat sont une mine d’or tant pour celles et ceux désireux d’en apprendre plus sur la recherche en mathématiques que pour ceux et celles qui en ont fait leur métier et seraient en manque d’inspiration pour rendre accessible des concepts mathématiques tels que les groupes ou les variétés algébriques.
Et du côté des établissements ?
Ce mois-ci, de nombreux établissements scolaires ont proposé de présenter autrement les mathématiques à leurs élèves. Le 14 novembre, le vulgarisateur belge Manu Houdart a présenté son spectacle Very Math Trip au collège de Pontfaverger (Marne) pour redonner goût à cette matière sujette aux préjugés. France 3 Grand Est y a assisté et s’est entretenu avec celui qui combine mathématiques et magie.
Au lycée Murat, à Issoire (Puy-de-Dôme), une exposition en 15 panneaux était proposée jusqu’au 24 novembre pour faire découvrir l’histoire des mathématiques aux lycéen.nes. La Montagne a signalé l’événement.
Du côté de la Châtre (Indre), au collège George-Sand, la mathématicienne et présidente de l’institut Henri Poincaré Sylvie Benzoni-Gavage est venue donner une conférence ouverte à tous.tes, annoncée par La Nouvelle République 🔒.
Les élèves du collège François-Mitterrand de Créon (Gironde) ont pu voyager en “Terre mathématique” grâce à l’association Fermat Science qui leur proposait une exposition. Au cours de jeux et d’ateliers, les étudiant.es ont pu découvrir des figures des mathématiques que ce soit en Grèce, en Chine ou en Égypte.
Parutions
En kiosque
Le Monde a sorti en novembre un numéro hors-série, « Nombres premiers, Un long chemin vers l’infini ».
Si ce numéro est nouveau, le texte signé par Enrique Gracian est un extrait de son livre dont la première édition remonte à 2011 et la rédaction du Monde n’a pas participé à la rédaction des articles. Dans la préface, Serge Cantat (voir ici) parle d’un « panorama personnel agréable de quelques étapes marquantes de l’histoire des nombres premiers […] que l’on rencontre dès le collège, mais qui préservent encore une grande partie de leurs secrets ». Ils jouent de nos jours un rôle crucial dans la vie de tous les jours pour assurer la sécurité informatique, la protection des données bancaires ou personnelles, la confidentialité des conversations téléphoniques… Ces nombres fascinent les mathématiciennes et les mathématiciens depuis les temps les plus anciens et le lecteur en rencontrera plusieurs, et pas des moindres, au fil du texte. Ce fascicule d’une centaine de pages, et agréablement présenté, a été écrit pour être abordé « par n’importe quel lecteur qui connaît les nombres et les opérations de base ». L’objectif est que cette lecture « lui donne une idée de ce qu’est l’univers des nombres premiers ». On peut dire que l’objectif a été atteint, sans pour autant oublier les lecteurs qui possèdent des connaissances mathématiques un peu plus avancées.
Il y a quelques années, Jean-Paul Delahaye avait abordé dans l’une de ses rubriques, Le défi de la sixième couronne, le problème de Heesch (du nom du mathématicien allemand Heinrich Heesch) qui était posé depuis 1968. Une figure plane peut-elle paver une grande surface sans qu’il lui soit possible de paver le plan tout entier ? Depuis 2015 le problème a progressé suffisamment pour qu’il estime qu’il soit intéressant de revenir dessus et c’est ce qu’il fait dans le numéro de décembre de Pour la Science. Il rappelle en préambule que « récemment plusieurs problèmes anciens et délicats ont été résolus au sujet des pavages ». Il cite les travaux de David Smith, Joseph Myers, Craig Kaplan et Chaim Goodman-Strauss, dont il a été plusieurs fois question dans les récentes revues de presse, ainsi que ceux de Michaël Rao sur les pavages convexes pentagonaux, largement relayés par la presse scientifique. « Le problème de l’existence de pavés ayant des nombres de Heesch finis aussi grands que possible est lié à une énigme centrale de la théorie des pavages, qui aujourd’hui reste encore sans solution… avis aux amateurs », écrit-il. Comme d’habitude Jean-Paul Delahaye brosse avec talent un tableau des grandes étapes de la progression du problème, une synthèse des acquis et propose aux lecteurs des pistes qui sont en cours d’exploration. On apprend aussi en passant que Robert Ammann, un mathématicien amateur qui a obtenu plusieurs résultats clés et reconnus dans le domaine des pavages, a terminé sa vie dans un bureau de poste à trier du courrier.
Dans le numéro de novembre de Science et Vie Charlotte Mauger, jeune journaliste scientifique indépendante (elle fait partie de l’équipe actualité d’Images des Maths et collabore avec plusieurs revues comme La Recherche, Pour la Science, l’Etudiant, Numérama …) nous propose une originale « balade algorithmique » : Comment les GPS trouvent leur chemin.
Le GPS (ou ses « frères GNSS » comme Galiléo, Glonass, Beidou …) et une « bonne cartographie » nous localisent avec une précision jamais atteinte dans le passé. Les mathématiques sous-jacentes sont peu vulgarisées et peu « vulgarisables » si l’on veut entrer un peu dans le coeur du sujet. Ensuite, quel est le meilleur chemin pour se rendre de ce point à un autre ? Plusieurs plateformes proposent des logiciels (utilisant ou non la « puce GPS » de votre téléphone) dont la réactivité ne nous étonne plus. Elles sont utilisées quotidiennement par des millions de personnes pour se déplacer, pour guider les aveugles, pour randonner dans la nature. Mais peu de gens savent comment ces outils fonctionnent et quels algorithmes sont utilisés pour optimiser un trajet. C’est l’exemple « type » de la « boîte noire ». « La carte d’un navigateur, d’apparence simple, cache en fait un objet mathématiques très complexe », nous dit l’autrice. Cet article, facile à lire pour un très large public, lève un coin du voile et donne une bonne idée des solutions actuellement mobilisées pour développer des logiciels performants. Elle a travaillé pour cet article avec Florian Sikora, informaticien théorique au LAMSADE, et des spécialistes de l’optimisation des déplacements qui travaillent pour des plateformes françaises comme Mappy ou Cityway. A la fin, Charlotte Mauger, passionnée par les mathématiques et l’informatique, réussit à captiver son public avec un sujet complexe à traiter.
Hors kiosque
Le site de la revue Tangente annonce bien sûr la disparition de Gilles Cohen son fondateur.
Il rappelle que ce vulgarisateur passionné et infatigable a été aussi à l’origine « du Club Tangente, de la Fédération française des jeux mathématiques (FFJM), du Comité international des jeux mathématiques (CIJM) et du Salon Culture et jeux mathématiques, qui se tient chaque année dans la capitale sur la place Saint-Sulpice ». Il était aussi la cheville ouvrière de la journée Tangente qui doit se dérouler cette année le dimanche 3 décembre au Musée des arts et métiers. Un hommage lui sera rendu à 16h.
Signalons que le dernier numéro de la Revue internationale d’éducation de Sèvres a publié le texte intégral du dossier L’enseignement des mathématiques rédigé sous la direction de Jean-François Chesné et Johan Yebbou. Le texte intégral de l’article de Pierre Arnoux, Michèle Artigue et Nadine Grapin sur Caractéristiques, évolutions récentes et résultats de l’enseignement des mathématiques en France sera disponible en janvier 2024.
En librairie
Nous avons déjà parlé le mois dernier du calendrier mathématique 2024, le seul qui permette de se détendre chaque jour avec un problème différent.
Pourquoi aussi ne pas offrir un livre parlant de mathématiques comme cadeau de Noël ? A l’approche des fêtes plusieurs titres viennent de sortir.
Les maths laissent rarement indifférent. On les adorent ou on les détestent. Le dernier ouvrage, Rencontre au pays des maths d’Agnès Rigny pourrait bien réconcilier les deux partis.
Il propose « des histoires, des anecdotes, des portraits de gens connus ou pas, de gens qui aiment les mathématiques ou pas, des réflexions, des idées d’ateliers créatifs, mes poèmes et mes dessins », écrit l’autrice dans son introduction. Son intention est « de montrer que les mathématiques sont incarnées, vivantes et créatives ». Dès le départ elle souligne qu’elles « ne tombent pas du ciel ». Elles sont « dans tous les cas écrites et développées par des personnes qui se sont passionnées pour ces magnifiques objets mathématiques, pour ces problèmes difficiles et déroutants ». Vous retrouverez donc des mathématiciennes et des mathématiciens rencontrés au fil de vos études et d’autres dont on ne vous avait pas parlé, des notions et des concepts bien connus. Elle propose aussi des idées d’activités qui vous rappelleront quelques souvenirs ou que vous auriez bien aimé trouver à l’école. Tout au long du livre, le texte se déroule à un rythme soutenu. Il est émaillé de poèmes. Elle aime citer Sophia Kovalevskaya : « Il est impossible d’être un mathématicien sans être poète dans l’âme. » Il est émaillé également d’un autre type de rencontre, celle de personnages qui aiment ou qui détestent les mathématiques. Agnès Rigny est mathématicienne mais, comme elle l’explique dans son blog, elle avait le désir de faire réussir chacun de ses élèves, d’aider ceux qui rencontrent des blocages à les surmonter, d’accompagner un bout de chemin les personnes vers leur plein potentiel. Petit à petit elle a évolué pour devenir psychopédagogue et « coach » en maths. C’est le regard porté sur les mathématiques, l’approche qui en découle, les personnages mis en scène qui apportent à la fois richesse et originalité aux propos développés. D’autre part les différentes parties sont suffisamment indépendantes pour être abordées dans n’importe quel ordre. Des bibliographies et des liens internet invitent les lecteurs intéressés à aller plus loin dans leur quête. En fin d’ouvrage, Agnès Rigny récapitule « quelques livres et sites » qui l’ont inspiré pour écrire cet ouvrage qui est une véritable invitation à voyager au pays des maths. Vous ne prendrez aucun risque en le mettant entre toutes les mains !
Le Monde des mathématiques qui a été annoncé fin octobre est un ouvrage collectif dirigé par Pierre-Michel Menger et Pierre Verschueren qui s’intéresse à une facette moins souvent abordée des mathématiques, celle du fonctionnement de la science, des hommes et femmes qui la construise, de leurs interactions. « Un univers d’échanges constants et de compétition acharnée », écrit le sociologue Gilles Bastin dans un article récent Le Monde des mathématiques : loin des stéréotypes, les mathématiciens. Une autre présentation parle d’une « radiographie socio-historique du champ des mathématiques, le plus abstrait, le plus élitiste et le plus international des mondes savants ». Que l’on partage ou non cette analyse avancée par les spécialistes des sciences humaines il sera intéressant de suivre les futures réactions qui ne manqueront pas de se faire jour.
Il n’y a pas de mathématiques sans démonstration ! C’est le cœur de l’activité mathématique. Biographie des grands théorèmes de Bertrand Hauchecorne raconte à travers une trentaine de théorèmes « l’histoire des mathématiques de Thalès au lemme de Zorn, en passant par le théorème des nombres premiers, le théorème spectral et bien d’autres » ! L’auteur de Les Contre-Exemples en Mathématiques et du Dictionnaire décalé des mathématiques (avec Élisabeth Busser) nous régale donc d’un nouveau livre « décalé » et original sur fond d’histoire des mathématiques. Ce livre « aborde l’histoire des mathématiques, au cas par cas avec, en filigrane, une vue d’ensemble sur l’évolution de la pensée mathématique ». Il recouvre plusieurs champs mathématiques comme la géométrie, l’arithmétique, l’algèbre, les fonctions … Il intéressera non seulement les étudiants qui souhaitent approfondir leurs cours mais aussi tous les curieux, passionnés de mathématiques qui souhaitent découvrir comment se sont élaborées les démarches qui ont construit l’édifice mathématique. Bertrand Hauchecorne est bien connu des lecteurs de Tangente dont il est le rédacteur en chef. Il a également signé dans la revue Quadrature de nombreux articles en particulier dans la rubrique La saga des grands théorèmes (voir aussi ici).
Histoire
« Nicolas Bourbaki est une aventure humaine, tout autant que scientifique, qui a servi de modèle à toute une génération de mathématiciens. Quels ont été les apports et l’influence de ce groupe aux mathématiques ? Pourquoi cette utopie est-elle aujourd’hui mise à distance ? »
Voici la présentation de l’émission Sciences Chrono« Nicolas Bourbaki : aux maths masquées ! » (11/11/23) d’Antoine Beauchamp sur FranceCulture avec Roger Mansuy, professeur au lycée Saint Louis. Le podcast revient, entre autres, sur la naissance de Bourbaki et sur les apports concrets du groupe avec des archives sonores comme le description de François Le Lionnais (1968), l’écriture des Éléments de mathématiques et la réception des divers travaux du groupe jusqu’à nos jours avec « une certaine modernité et adaptation aux mathématiques d’aujourd’hui », pour Roger Mansuy.
Dans son article dont le titre est sans aucun doute exagéré « George Dantzig, l’étudiant en retard qui a révolutionné l’histoire des mathématiques », le journal belge La Libre revient sur l’apport du mathématicien Georges Dantzig (1914-2005) qui a inspiré les scénaristes Matt Damon et Ben Affleck pour le film oscarisé « Will Hunting ».
C’est l’occasion de discuter avec Ignace Loris, professeur au département de mathématiques de l’ULB, d’optimisation avec notamment l’algorithme du simplexe dû à Dantzig. Cet algorithme, important dans une société libérale, « permet de minimiser le coût ou d’une autre façon de maximiser les revenus des entreprises sur base d’un problème avec beaucoup d’inconnues (…) L’arrivée des ordinateurs a encore donné une autre dimension à cet algorithme puisqu’il a permis de gérer des problèmes composés de milliers ou de millions d’inconnues ». C’est ce qui permet à Loris d’établir une conclusion plus raisonnable que le titre de l’article : « George Dantzig a marqué de son empreinte les mathématiques. »
Selon les lignes du Figaro, « la logique mathématique a menacé de tuer le débat ». L’article ouvre en citant Frege (1848-1925) (dans sa correspondance avec Husserl (1859-1938)) : « La tâche essentielle du logicien consiste à se libérer du langage », et poursuit : « un discours trop littéraire freine l’argumentation, dit-on en ce milieu du XIXe siècle ». C’est ensuite au tour de Lewis Caroll (1832-1898) d’être cité cherchant à dépasser le langage par les mathématiques, « le langage devient un matériau inadapté, gênant la pensée jusqu’à l’entraver ». Enfin, avant d’arriver aux travaux de Wittgenstein (1889-1951) qui souhaite clarifier le langage, sont convoqués les efforts de Boole (1815-1864) et Leibniz (1646-1716) pour, respectivement, la mathématisation de la logique et l’introduction d’une partie des notations mathématiques modernes.
Arts et mathématiques
Henry Segermann, diplômé de Oxford et Stanford, chercheur de 33 ans à l’université de Melbourne (Australie), se décrit comme un mathématicien et un artiste mathématique sur sa chaîne Youtube. Il « a trouvé un moyen sournois de convertir les détracteurs des mathématiques en amateurs de mathématiques. Il transforme des géométries complexes en art », d’après le site toutlecd.
Notamment grâce à un logiciel de modélisation et une impression 3D, Segerman a trouvé un moyen d’illustrer les complexités de la géométrie et de la topologie tridimensionnelles (ses domaines d’expertise) sous une forme sculpturale. « Depuis 2009, Segerman a réalisé près de 100 sculptures qui capturent, aussi fidèlement que cela est physiquement possible, certains de ces concepts mathématiques de dimension inférieure difficiles à saisir. »
Comme nous vous l’avons écrit dans la revue de presse du mois dernier, la chaine éducative de France Télévision, Lumni, s’est enrichie d’une série de courtes vidéos d’animation (gratuites) destinée aux élèves de lycée (particulièrement pour la classe de Première) : La grande aventure des maths.
Les films sont aussi disponibles sur YouTube. Ce mois-ci, ce sont 5 nouveaux épisodes (les derniers de la série) qui sont disponibles sur Agnesi, Bayes, Abel et Galois, Euler, les vecteurs. Ainsi, la série est maintenant complète avec ses 15 épisodes.
Pour finir
Des mathématiques dans Les Simpson ? LaMinute.info rapporte quelques clins d’œil aux mathématiques cachés dans la série américaine. « L’équipe de rédaction de la série s’est vantée d’un pedigree impressionnant de mathématiciens de l’Ivy League qui n’ont pas pu s’empêcher d’insuffler à la sitcom la plus ancienne d’Amérique des blagues internes, éparpillées comme des pépites sur les beignets d’Homer. » Notons que cela rappelle la sortie en 2015 de l’ouvrage Les mathématiques des Simpson qui s’attardait sur les références aux maths dans certains épisodes.
Crédit Images
Spirale du nombre de diviseurs des 100 000 premiers entiers naturels – Wikipédia
img_27337 – Yonda
Utokyo Campus de Komaba – Dick Thomas Johnson
Fariba Adelkhah – Georges Seguin
Photo Bourbaki prise le 10 juillet 1935 – Wikipedia
Petite bouteille ronde de Klein – Copie d’écran https://www.youtube.com/watch?v=hBPA40WQUQU
La grande aventure des maths, Lumni – Copie d’écran @Lumni
Sophie d’Amours – ULaval-DC
OpenAI – Jernej Furman – https://creativecommons.org/licenses/by/2.0/deed.en
Un satelite de la constellation GPS – Wikipédia
Gilles Cohen – Michel Criton
Rencontres de poètes au pays des maths ? – wikipédia
Portrait de George Dantzig – https://news.stanford.edu/2005/05/25/george-b-dantzig-operations-research-professor-dies-90/
18h41
« Certains éléments du scénario et des personnages ne sont toutefois pas complètement vraisemblables, notamment […] la relation extrêmement toxique que le directeur de thèse incarné par Jean-Pierre Darroussin développe avec ses élèves, qui semble hors de la réalité »
C’est du second degré ?
8h41
Bonjour,
toujours des billets passionnants, merci !
Quant au niveau « alarmant » des élèves en mathématiques, il m’inquiète moins que les pseudo-réponses entendues ici ou là :
Revenir aux bonnes vieilles méthodes qui ont fait leurs preuves
La didactique / la pédagogie / les sciences de l’éducation nous étouffent et nous empêchent de travailler
J’en passe et des meilleures ou des pires.
Je me permets juste de me demander quelles sont les preuves de ces « bonnes vieilles méthodes » ? Quant à la didactique, elle est vitale, elle seule nous arme pour nous aider face à chaque classe, chaque groupe (peut-être pas face à chaque élève, et encore) MAIS reporter la formation des enseignants hors temps scolaire quand tout le monde peut s’accorder à dire que cette formation est essentielle est juste une immense supercherie ! Toutes les mesures du Ministre ne parlent que de faire « mieux » (?) mais avec toujours une pénurie de profs…
A-t-il déjà enseigné pour penser que l’on peut supporter des semaines de 25h avec des formations sur notre temps libre ? (car 25h serait le minimum pour assurer tout le soutien nécessaire)
Enfin, un détail qui n’en est pas un sur les « bonnes vieilles méthodes » : les rapports PISA relèvent que les meilleurs élèves en maths sont ceux qui savent développer une heuristique sans avoir peur de l’erreur, nos petits français sont terrifiés de se tromper… Bonne vieille méthode ?
Merci encore et à bientôt pour la revue de presse de Noël 🙂
F.D.