18 octobre 2014

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  • Enseigner les mathématiques : entre réalité et utopie.

    le 25 octobre 2014 à 15:04, par Karen Brandin

    N’ayant ni les compétence et bien sûr aucune légitimité concernant le décryptage de l’évolution de l’enseignement des mathématiques, je peux juste réagir à certaines idées, suggestions, certains constats aussi qui au gré des commentaires, sont venus enrichir ce billet.

    Tout d’abord, lorsque l’on aime passionnément une discipline, qu’on souhaite convaincre un auditoire dans le meilleur des cas « sceptique » mais le plus souvent « indifférent » qu’elle a un intérêt pour elle-même, c’est vrai que l’on se met en danger : en danger d’être déçu(e), d’être isolé(e) mais le fait est qu’on ne choisit pas, comme on ne se refait pas.

    On a tous un instinct de survie qui nous rappelle à l’ordre de temps à autre et nous suggère que le temps passe, qu’une vie ce sont les élèves mais pas seulement, la transmission d’un savoir mais pas seulement et que pour pouvoir continuer de donner, il faut prendre le temps de recevoir et malgré cela, ces têtes blondes ou brunes nous occupent et préoccupent à temps plein et souvent sans temps mort.

    Il y a autant de manières d’enseigner que d’être (et que d’êtres) et il serait déplacé de les hiérarchiser d’ailleurs car toutes ont leur public ; tout le problème est de rencontrer le bon public au bon moment.

    Ne pas avoir le temps, l’espace pour proposer aux élèves une vue du dessus qui les rendrait autonomes est toujours une préoccupation qui évolue parfois en souffrance.

    Bref, comme a fait dire en son temps Maupassant à l’un de ses personnages : « La vie, voyez-vous, ça n’est jamais si bon ni si mauvais qu’on croit. »

    Ensuite : « est-ce que ce débat est utile ? » La question a de quoi surprendre ...
    Non, si personne ne s’en empare pour l’enrichir et le faire évoluer mais dans le cas contraire, ce débat n’est pas seulement utile, il est une chance.

    Comme toutes les chances, ne la saisit que celui qui le souhaite vraiment.
    Il y a bien quelque chose de préoccupant et de pronfondément décourageant dans le fait que si peu de membres du « corps » enseignant (le mal nommé faute, entre autre, d’associativité) éprouve le besoin ne serait-ce que de partager son expérience mais c’est un constat récurrent.

    Je ne sais pas s’il s’agit comme dans le cas des élèves de pudeur, de lassitude, d’indifférence ou encore de résignation.
    Du coup, proposer qu’une concertation à l’échelle nationale soit organisée avec des représentants de tous les partis concernés (les élèves en particulier), pouquoi pas ? mais cette parole que l’on propose de donner, est-ce que quelqu’un voudrait la prendre ? Rien n’est moins sûr.

    De mon côté, j’ai pris un moment pour interroger quelques-uns des élèves que j’ai en soutien et je leur ai demandé d’écrire que un petit papier ce que les maths, scolaires ou pas, leur inspiraient. ils ont été un petit peu déroutés Ppar cette requête, trouvant la question « grave » finalement ; je reproduis ci-après quelques-unes de leurs réactions :

    « Je trouve que les maths sont intéressantes ; c’est un monde assez spécial mais j’aime bien en faire (Olivier TS- spé maths) » ; « ça demande beaucoup d’entrainement et de travail ; quand on comprend et qu’on arrive à refaire les exercices, on se sent HYPER intelligents (Eva TS) » ; « Matière de déduction qui demande une utilisation totale de l’esprit (Christopher TES -spé maths) » ; « Essentielles pour nos études mais difficiles. Il faut de la réflexion (Léa -TES spé maths) » ; « Rien ne se fait sans les maths malgré l’ennui qu’elles représentent (Joséphine TS) » ; « Les heures de maths passent vite même s’il faut s’accrocher. Quand on a compris, ce n’est pas difficile (Charlotte 1S) » ; « Matière traumatisante (à cause du mythe des maths) ais fierté quand on comprends ou quand on a de bons résultats (Marie-Sol TS) » ; « Je trouve que les maths sont intéressantes mais parfois très compliquées (Candice 1S) » ; « Les maths signifient pour moi quelque chose de difficile, qui demande beaucoup de rigueur et de persévérance ; Dire que j’aime les maths serait mentir mais ce n’est pas quelque chose que je déteste. Je suis juste soulagée de ne pas avoir à en faire toute ma vie (Amance 1S) » ; « La tristesse (Emmanuel TS) » ; « Un besoin d’acharnement pour réussir (Philippine TES -spé maths) » .

    Lors de la dernière réforme qui a réduit le programme de 1S à une peau de chagrin en la dépouillant notamment des notions de barycentre et de limites de fonctions (que les élèves doivent désormais assimiler en une semaine « top-chrono » en terminale S), j’étais convaincue que comme un seul homme, tous les profs de maths seraient dans la rue pour défendre non pas leur statut mais les couleurs de leur matière, le droit à l’éducation, à la connaissance, à la compréhension, à la cohérence car il y a une vie après le bac qui ne se limite pas à construire un diagramme en boîte ou à trouver sur la calculatrice les touches « binofrep » ou « normalfrep ».

    Mais il ne s’est rien passé de substanciel.

    Les torts sont partagés ; les élèves sont des consommateurs désenchantés et le revendiquent trop souvent, ce sont aussi des spectateurs accablés et en ce sens ils n’ont jamais autant ressemblé à leurs enseignants. Après « qui de la poule ou de l’oeuf ?, » c’est-à-dire qui a commencé le premier à renoncer ?, bien malin celui qui pourrait répondre.

    En soutien, j’ai l’ocassion de prendre connaissance de visions très différentes d’un même cours de terminale S (pour ne citer que celui-là) et certaines sont pédagogiquement terrifiantes. J’ai des élèves qui n’ont pas de cours du tout sous prétexte qu’il est fait dans le livre par des personnes compétentes (ce qui est vrai au demeurant mais ...) si bien que ces jeunes découvrent les objets au travers et au hasard des exercices.

    Un énoncé est le prétexte à introduire une notion ; bref c’est la méthode globale appliquée aux maths et naturellement, au lieu d’apprendre le cours qu’ils n’ont pas, les élèves essaient de mémoriser les exercices si bien que j’en ai certains qui constatant que la dérivée de la fonction $x \mapsto xe^{x} $ était régulièrement demandée, ont appris la réponse par coeur !!! :-(

    Il y a aussi les enseignants (souhaitant rompre avec une certaine monotonie peut-être) qui font le choix de débuter le programme au petit bonheur la chance : par exemple par la fonction Exponentielle de base $e$ alors que le chapitre « Continuité/dérivabilité/limites » ne sera abordé que bien plus tard.
    Il arrive donc que le cours soit une invitation à redouter, à délaisser cette discipline qu’on a volontairement dépouillée de toute cohérence.

    Comment s’étonner que certains élèves vous disent en toute sincérité que « les maths, ce n’est pas logique. »

    Comme dans tous les échanges, à force d’incompréhensions respectives, on a perdu -voire on a brisé- le fil du dialogue, du partage, de la confiance, du sens tout simplement. Je crois à l’instauration d’oraux par trinômes pour rétablir un enseignement de proximité d’autant que c’est une mesure simple à mettre en place.

    Ce n’est pas nécessaire de passer par le jeu, les activités, les animations en tous genres pour retrouver l’envie d’apprendre.

    C’est un « plus » bien entendu, c’est une manière décomplexée et pourtant riche de voir les maths dans un autre contexte mais je reste convaincue qu’on peut aussi passer un bon moment sur un excercice pioché dans un vieux bouquin sans la carotte du ludique puisque c’est la notion à la mode.

    Bref, plus que jamais le débat est nécessaire et par conséquent : « The show must go on ! »

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