D’une simplicité déconcertante
le 9 décembre 2009 à 11:49, par Jean-Marc Schlenker
Très joli billet qui choisit une approche originale et assez subtiles pour aborder des questions complexes.
Concernant la bibliométrie c’est vrai qu’elle présente un paradoxe apparent entre la simplicité des instruments qu’elle propose (au moins pour certains) et l’importance qui leur est de plus en plus donnée. C’est d’autant plus important d’essayer d’en comprendre les enjeux et d’en faire une critique mesurée et raisonnée. Or je suis frappé par le rejet massif de la bibliométrie de la part de certains mathématiciens, rejet parfois extrème qui contraste avec l’utilisation désormais quotidienne qu’en font les scientifique de certaines disciplines.
Je crois comme la plupart de mes collègues que l’évaluation individuelle des mathématiciens devrait éviter (ou n’utiliser que de manière limitée) les outils bibliométriques, pour deux raisons soulignées dans le billet : le risque d’erreurs (en particulier pour évaluer les jeunes chercheurs) et surtout les incitations perverses que ça pourrait donner (en gros, publier et communiquer plutôt que chercher). Ce problème des incitations perverses est peut-être plus grave en maths que dans d’autres disciplines.
Par contre, pour les évaluations collectives de structures de taille suffisante, le rejet de l’utilisation raisonnée d’outils bibliométriques adaptés (par des experts scientifiquement compétents) me paraît moins évidente. En particulier pour une raison pratique :
il me semble que ces évaluations reposent souvent in fine sur des évaluations quantitatives intuitives (on ne peut pas lire tous les papiers, donc on regarde où ils sont publiés, s’ils semblent avoir une visibilité suffisante dans la communauté, etc). Or des outils bien formalisés feraient le même travail avec des résultats plus fiables. Une fois obtenus, des indicateurs peuvent être corrigés/complétés par une analyse fine faite par des experts scientifiquement compétents.
Un autre avantage des outils bibliométriques est qu’ils peuvent servir de garde-fous, en obligeant les experts (qui ne sont pas toujours infiniment vertueux ou compétents) à justifier leurs choix. Supposons par exemple que dans une commission, l’expert A présente le dossier de B, ami de longue date de A, en expliquant qu’il publie peu mais que c’est une autorité de premier plan dans son domaine et que ses travaux des années 80 fot référence. Si un autre membre de la commission s’aperçoit que B n’a été cité que 3 fois en tout au cours des 15 dernières années (exemple vécu), l’argument de A a, au moins, besoin d’être justifié de manière particulièrement solide...
Il y a plusieurs raisons au rejet de la bibliométrie par certains mathématiciens, il me semble que la principale est la crainte qu’elle ne permette à des extérieurs (scientifiques d’autres disciplines, technocrates) de mettre leur nez dans nos affaires et d’avoir une opinion sur la qualité de nos recherches. Il me semble pourtant que le véritable danger (avéré) est qu’ils ne le fassent de manière malhabile et inadaptée à notre discipline, et n’arrivent à des conclusions erronnées. La meilleure réponse serait non pas de refuser en bloc tous les outils bibliométriques (combat probablement perdu d’avance) mais bien d’en proposer de bons, adaptés aux mathématiques, en expliquant parallèlement de quelle manière ils peuvent, ou ne peuvent pas, être utilisés.
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